Tunisie – Révolution An II : Quoi de neuf en matière économique

tunisie-economie-caric-2012.jpgLe nouveau modèle économique, deux ans après la révolution, est toujours en stand-by. On réclamait la rupture. Elle ne vient toujours pas. En revanche, l’Etat tente d’aller vers plus de transparence. Cela ne suffit pas pour réaliser la refondation économique, attendue. Comment faire revenir le dynamisme et la croissance en pareilles circonstances?

Tout ce que le pays vit aujourd’hui était prévisible, en matière économique. Notre degré d’exposition était très élevé. Il faut bien se rappeler que notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur, et principalement du partenaire européen, est très avancée. Quoi de plus normal que nous subissions le contrecoup de son ralentissement conjoncturel.

Par ailleurs, notre capacité de résilience s’est élimée. Notre résistance aux chocs de toutes natures, et extérieurs notamment, se trouve ainsi en recul. Ajouter à cela l’effervescence politique et sociale qui n’est pas tout à fait propice au retour d’une stabilité définitive et d’une paix sociale manifeste. Mécaniquement cela nous plonge dans le rouge.

Les enjeux étaient tels que la crise de l’économie ne pouvait se résoudre que par un décrochage en profondeur, par des réformes structurantes. Le système s’est effondré parce que le modèle économique s’est essoufflé. Il nous fallait migrer vers un système de forte valeur ajoutée et nous dégager de l’ornière de la sous-traitance. Or, de tous les chantiers entamés par le gouvernement, on voit que l’orientation actuelle prise par le gouvernement semble privilégier la recherche de l’assainissement et de l’efficacité mais pas le re-engineering de l’économie et de l’écosystème, c’est-à-dire l’entreprise, le système de financement et l’administration.

Quelles sont les limites et la portée d’un tel choix?

Quelle logique pour rebâtir l’écosystème

Le pays a connu un état de contreperformance économique. Cela n’avait rien de surprenant au sortir de la révolution. C’est de la manière dont on rétablirait la situation que dépendait le dégagement de l’horizon économique. Nécessairement on s’attendait à voir les prémices d’un nouvel ordre socioéconomique. L’opinion, le monde des affaires, les partenaires étrangers, étaient dans l’attente de signaux forts. Il est vrai que la prise en mains de la situation demandait d’abord de s’attaquer aux urgences. La politique monétaire et la politique budgétaire ont été utilisées à fond.

La première a empêché le système de paiement de s’arrêter, et en effet le «credit crunch» (l’assèchement du crédit) a été évité.

La seconde a permis, via une politique de «Go and Stop» de pallier au déficit de croissance. L’investissement privé n’étant pas au rendez-vous, les dépenses publiques ont fait l’appoint et ont poussé le système à infléchir le cycle baissier. L’ennui est qu’on l’a fait avec de la dette et en creusant le déficit budgétaire. Mais qu’en est-il pour le reste?

La démarcation avec le plan Jasmin

Le gouvernement a préféré préparer sa propre copie pour ce qui est de la feuille de route économique. Il s’est ainsi démarqué du plan Jasmin, lequel comportait un arsenal de réformes à l’effet de changer en profondeur la physionomie de notre écosystème.

La première est qu’en matière de financement, il fallait promouvoir des véhicules «Equity», c’est-à-dire de fonds propres pour faire diminuer la pression sur le système bancaire qui prenait à sa charge la totalité du financement de l’économie, ce qui est au-dessus de ses moyens et ce qui le met en franchissement d’objectif.

La seconde et non la moins importante, c’est que, pour rattraper les disparités entre les bassins intérieurs, la solution est la régionalisation. Le développement régional changerait de ce fait de vocation.

Il faut bien se dire que le développement régional sert de tradition à quatre objectifs. Il y a l’électrification, les pistes agricoles, la lutte contre les logements rudimentaires et les chantiers sociaux. On sait bien que les réformes fondamentales nécessitent des études préalables et un temps de planification. Mais quelle concordance entre ce qui se fait et ce qu’attend la communauté?

Options publiques et attentes : le décalage

Le budget de 2013 n’a pas convaincu. Il a montré que l’Etat persévérait dans un même sillage de politique économique. D’abord, on persiste dans la décentralisation. C’est certes un peu plus poussé qu’auparavant, mais il n’y a pas de modification radicale. Après l’adoption de la loi de finances complémentaire de 2012, les ministres se sont déplacés dans les régions et l’opinion leur a réclamé davantage.

Donc la déflagration de Siliana était inscrite dans les faits. Quand bien même il y eut des interférences partisanes, l’échec était patent. Les jeunes dans les régions veulent tout et tout de suite, mais ils se seraient sentis apaisés s’ils voyaient que l’on se dirigeait vers l’institution de pouvoirs régionaux.

Le pouvoir central est loin et intangible, des structures régionales apaisent par leur proximité. On a peut-être raté une réforme de base qui aurait pu bouleverser les perspectives économiques dans les régions.

Par ailleurs, le système bancaire est sous-capitalisé et atomisé. On a vu des mesures de supervision et de contrôle se mettre en place. Un audit est lancé pour les banques publiques mais par delà, on attend toujours un plan de restructuration d’ensemble et une mise à niveau en profondeur.

La Caisse des dépôts et de consignation (CDC) est en place, soit. Mais pourquoi avoir abandonné le Fonds Ajyal? Les jeunes promoteurs y trouveraient un point d’appui sans pareil.

La dette, encore elle!, nous permet de faire la soudure mais la réforme fiscale ne vient toujours pas.

Comment réformer le budget loin de ce cadre?

A quand enfin l’entrée en service de la gestion budgétaire par objectifs? L’approche sociale demeure ambiguë.

On repousse la perspective de vérité des prix. Est-ce faute d’une véritable politique économique, globale et économique?

Dans ce cadre, on comprend que l’investissement privé se hâte lentement. Le code des investissements est en cours, soit. C’est bien d’implémenter le texte. Mais il faut également se soucier du contexte. L’un ne va pas sans l’autre. Répondre par un arsenal nouveau de lutte contre la corruption, c’est nécessaire pour protéger l’investissement et tranquilliser l’investisseur. S’employer à rendre l’appareil administratif plus efficace, c’est sûr, cela est utile. Mais sans une philosophie globale de réforme pour un «Etat optimum», le rendement du gouvernement pourrait soulever des contestations. Et cela, personne n’en veut plus à l’avenir.