Tunisie – Siliana : Le retour de la solution «sécuritaire»?

violences-siliana-281112.jpgLa riposte «sécuritaire» aux mouvements de masse, même circonscrits à une région, fussent-ils téléguidés ou canalisés par des «adversaires» politiques, est une voie périlleuse. Outre qu’elle est infructueuse, elle peut impacter la stabilité du pays. La volonté de faire plier, même une région, pour motif de mouvement de contestation, fût-il capricieux, peut servir de détonateur pour une contestation plus large. Un durcissement du régime, alors que le pays aspire à une vie politique avec des recours démocratiques, n’est-ce pas une solution impropre. De régionale, l’affaire peut devenir nationale. La raison d’Etat contre la cause du peuple? Tout faire pour éviter ce scénario.

Siliana est en éruption. Peu importe si le motif, à l’origine de cette situation, est dérisoire. Le fait est qu’on est en face d’une plaie ouverte, sur le terrain. La prise en mains de manière «sécuritaire», a braqué l’opinion. L’événement change de nature. Le pouvoir en place se trouve dans une posture vulnérable. L’usage de la force est perçu comme un acte de répression. Et cela plonge le pays dans une crise politique. Il ne sert à rien de jouer le bras de fer. Il ne faut pas se tromper de guerre. A la contestation populaire, on répond par une offre politique acceptable. Tout le temps que l’on n’est pas dans ce cas de figure, il est difficile de faire retomber la colère ou la tension. Quelles origines réelles à la crise?

De l’emploi pas de la chevrotine

La région Siliana veut de l’emploi et de la croissance. Elle l’a fait savoir. En retour, on lui signifie qu’elle est troisième sur la liste des dotations budgétaires. Elle répond qu’elle ne voit rien venir. Elle réclame un «tiens», on lui répond par «tu l’auras». L’offre n’est pas recevable. Quand des citoyens crient «au secours», on ne peut leur répondre «patience». Ce ne sont pas des conditions propres à instaurer le dialogue.

L’initiative du dialogue est du devoir du puissant. En l’occurrence, c’est le gouvernement. Il lui fallait prendre les devants, dans les faits, pas en paroles. L’autisme du pouvoir central peut être vu comme un mépris ou, pire encore, une provocation.

N’oublions pas que le FMI nous a retiré le tapis de sous nos pieds. David Lipton nous a bien signifié, il y a de cela quelques jours, que la croissance sera plafonnée au meilleur des cas à 3%. Ce faisant, il prive le gouvernement de ses munitions. La piste du dialogue était donc la plus indiquée. Marteler que les lendemains vont chanter et matraquer les manifestants pour se faire entendre, ce n’est pas une recette payante. Or, on sait de morale populaire que quelqu’un laisse son interlocuteur dans l’embarras dès lors qu’il lui réclame «donne-moi ce qui me revient» ou «va-t-en de ma demeure».

On ne peut pas répondre par de la chevrotine à des gens qui réclament de la croissance, des richesses nouvelles et de l’emploi. C’est une offre politique inadéquate. Comment s’en convaincre?

L’opinion juge aux résultats pas aux promesses

En politique, il faut du courage y compris quand on est en situation d’impuissance. Churchill face au désarroi du peuple anglais, pris sous le feu des forces allemandes, avait promis des larmes, de la sueur et du sang, et sous-entendait qu’il tablait sur l’héroïsme du peuple. Et il a été entendu, la bravoure populaire a joué. Franklin Roosevelt face à l’infortune du peuple américain, ruiné et mis sur la paille, contraint à aller à la soupe populaire, avait proposé un «New deal», c’est-à-dire les prémices d’un nouveau modèle économique. Et sa voix porta, et le dynamisme américain se réactiva.

A Siliana, ne fallait-il pas présenter la perspective d’une régionalisation avec la possibilité d’un conseil régional élu, proche des priorités des gens de la région et avec une disponibilité qui le met en prise directe avec les habitants?

La décentralisation a montré son incapacité à lutter contre les disparités régionales. L’Etat servirait mieux son lustre à se réformer pour être plus près des citoyens et de leurs préoccupations qu’à épauler des représentants, à la popularité contestée. Un pouvoir qui s’engage sur la voix de la proximité est plus écouté qu’un pouvoir qui joue le bras de fer, cela tombe sous le sens. Et c’est même l’enfance de l’art en politique. La coalition au pouvoir n’est plus en état de grâce. Et d’ailleurs, elle nous le fait savoir. Elle ne tire plus à blanc.