L’empereur japonais des toilettes chauffantes s’attaque au monde

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à Tokyo le 14 novembre 2012 (Photo : Toru Yamanaka)

[19/11/2012 12:53:16] TOKYO (AFP) Il a conquis le Japon avec ses toilettes chauffantes et nettoyantes. Toto, le numéro un nippon des sanitaires s’attaque désormais au monde, mais la route risque d’être semée d’embûches culturelles.

En une trentaine d’années, Toto a mené une véritable révolution au Japon en imposant dans le paysage son modèle high-tech “Washlet”: des toilettes au siège chauffant avec un petit jet d’eau chaude dirigé là où il faut et contrôlé par un micro-ordinateur.

“Au départ on avait parié que les Japonais, qui sont obsédés par la propreté, allaient adorer le concept de Washlet”, explique Atsuko Kuno, une porte-parole de la compagnie. Bingo!

Il a fallu tout de même une décennie pour que les deux tiers des toilettes du pays soient chauffantes et à jet d’eau directionnel. Mais le fabricant a eu une idée de génie avec une pub un peu “provoc”, comme celles à une époque de Benetton: on y voyait une jeune starlette très connue essayer d’enlever une tache de peinture noire sur la main avec du papier. “Eh bien c’est pareil avec votre derrière!”.

L'”empereur des toilettes” en a vendus 30 millions depuis 1980. Hôtels, restaurants, bureaux et environ 70% des foyers ont adopté ces toilettes au look “spatial”.

Et l’inventivité n’a pas de limites: ces toilettes couvrent les bruits jugés indélicats par de la musique ou celui d’une chasse d’eau, elles peuvent également vous sécher les fesses à l’air chaud. Elles peuvent même sur certains modèles soulever d’elles-mêmes le couvercle quand vous entrez.

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à côté du dernier modèle de Toto, à Tokyo le 14 novembre 2012 (Photo : Toru Yamanaka)

L’aventure est en revanche plus compliquée hors de l’archipel, notamment aux Etats-unis. “A cause d’un tabou culturel: on ne parle pas des toilettes”, dit Hiromichi Tabata, directeur de la division internationale chez Toto.

“Bien que beaucoup de célébrités disent adorer le Washlet quand ils sont au Japon, c’est sans lendemain, particulièrement aux USA”, explique M. Tabata à l’AFP.

Même l'”effet Madonna” n’avait pas suffi: en 2005 pour son retour au Japon après 12 ans d’absence elle avait eu cette phrase “historique”: “les toilettes à siège chauffant m’ont manqué”.

Aujourd’hui, l’international ne représente que 14% du chiffre d’affaire de Toto, qui opère dans quinze pays.

Et comme le groupe a inondé presque jusqu’à saturation tout l’archipel de ses Washlet et autres installations sanitaires, il ne peut plus compter que sur les marchés étrangers.

Cela fait 15 ans que Toto travaille au corps le marché américain, il y vend assez bien ses cuvettes de toilettes, mais rien à faire: le Washlet ne perce pas.

“C’est parce que les Américains n’aiment pas parler de “ça” que le bouche à oreille ne marche pas ici, même s’ils admettent que le produit est excellent”, affirme encore Hiromichi Tabata.

L’Asie du sud-est est plus réceptive car les gens “y ont des cultures similaires à celle du Japon”, dit-il.

L’Europe, selon lui, serait-elle aussi plus ouverte au concept, notamment depuis que la société suisse Geberit a lancé un produit similaire.

M. Tabata se dit en tout cas “absolument certain de la supériorité” des produits Toto, notamment par rapport à ceux fabriqués en Corée du sud et en Chine.

Toto pouvait craindre dernièrement que ses bonnes affaires en Chine ne souffrent d’un contentieux territorial entre Pékin et Tokyo, mais il n’en a rien été: “beaucoup de Chinois ne savent pas que Toto est une marque japonaise”, sourit-il.

Pour tenter de vendre son Washlet sur de nouveaux marchés, notamment au Brésil ou en Inde, Toto avance avec un cheval de Troie: il propose d’abord ses cuvettes classiques pour établir la marque et seulement après son produit phare, en l’adaptant toutefois: pas de siège chauffant ni de jet tiède pour les pays sub-tropicaux comme l’Indonésie ou l’Inde, où le groupe vient de construire sa première usine. Une autre doit démarrer en février en Thaïlande.

L’empereur des toilettes voit grand: à moyen terme il compte plus que doubler son chiffre d’affaires à l’export: de 62,6 milliards de yen (607 millions d’euros, 771 millions de dollars) à 150 milliards de yen en 2017.

Fabricant de toilettes mais aussi de sanitaires et salles de bains, et de matériaux de plomberie, Toto affichait en mars dernier un bénéfice net de 9,2 mds yen (89 M Eur) en hausse de 82%! et un chiffre d’affaire global de 452 mds yen (4,3 milliards d’euros, + 4,4%).