Fiscalité : comment les multinationales échappent à l’impôt en France

[13/11/2012 08:14:46] PARIS (AFP) Les multinationales adeptes de l’optimisation fiscale sont aujourd’hui dans le collimateur du fisc français, certaines d’entre elles, malgré leur activité florissante en France, échappant, parfois totalement, à l’impôt sur les sociétés par des moyens divers et variés.

Le chiffre d’affaires réel de ces entreprises pour la France est très compliqué à trouver, soulignent les analystes, qui se contentent de faire des extrapolations.

Ainsi, Google aurait réalisé l’an passé dans l’Hexagone un chiffre d’affaires de 1,25 à 1,4 milliard d’euros, selon les estimations.

Cependant, ses revenus déclarés en France pour l’année 2011 représentaient 138,4 millions d’euros. Et il a acquitté 5,4 millions au titre de l’impôt sur les sociétés.

Pour sa part, Microsoft a payé 21,6 millions d’impôts pour un chiffre d’affaires de 493 millions. Quant à Apple et Facebook, ils ont respectivement déboursé 6,7 millions d’impôts (chiffre d’affaires de 52 millions) et 117.241 euros d’impôts (chiffre d’affaires de 4,9 millions).

“Ces chiffres sont très surprenants quand on connaît le chiffre d’affaires réel” de ces entreprises de l’internet, estime Eric Vernier, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques et spécialiste du blanchiment de capitaux.

“On estime qu’il y a sur ces entreprises, et quelques autres, entre 500 millions et 1 milliard de pertes fiscales par an pour la France, ajoute-t-il.

Grâce à une série de montages financiers, baptisés “sandwich hollandais” ou “double irlandais”, Google réussit à ne payer qu’un très faible pourcentage d’impôts car la quasi totalité des revenus déclarés en Irlande, après un passage aux Pays-Bas via une société intermédiaire, est transférée dans le paradis fiscal des Bermudes où est située la filiale Google Ireland Holdings.

photo_1352794240826-1-1.jpg
ésident de Starbucks Howard Schultz devant le premier café-boutique de la chaîne en France, le 15 janvier 2004 à Paris (Photo : Pierre Verdy)

Les géants de l’internet ne sont toutefois pas les seuls à payer très peu voire pas d’impôt.

“Véritable bijou”

Présent depuis huit ans en France, la chaîne de cafés Starbucks n’a jamais payé d’impôt sur les sociétés, faute de bénéfice publié, et ce malgré des déclarations du patron Howard Schulz assurant que le groupe ne fait plus de pertes dans le pays.

Dans les faits, le groupe a perdu 2,5 millions d’euros en France en 2011, mais après avoir versé une redevance de 6% de son chiffre d’affaires, soit environ 4,35 millions d’euros, à une structure néerlandaise, notamment pour l’utilisation de sa marque.

Cette société basée à Amsterdam emploie “plus de 200 personnes” et assure “énormément de services support pour la finance, la comptabilité ou le design”, justifie Olivier de Mendez, le directeur de la communication.

“Notre objectif n’est pas de rester déficitaires”, mais “de devenir très rapidement bénéficiaires, et si cela veut dire qu’après, on paiera des impôts sur les bénéfices, on sera ravis de le faire”, a-t-il assuré à l’AFP.

De son côté, la chaîne de restaurants KFC, émanation du géant américain Yum, reconnaît ne pas avoir dû payer d’impôt sur les sociétés en France depuis qu’il s’est lancé à la conquête de ce marché il y a dix ans, en dehors des sommes versées directement par les franchisés au fisc.

“KFC France ne paie pas d’impôt sur les sociétés car il a d’importants déficits indéfiniment reportables”, explique à l’AFP Isabelle Tourenne, contrôleur financier pour le groupe.

photo_1352794335433-1-1.jpg
Le logo du groupe Kentucky Fried Chicken (KFC) (Photo : Eric Piermont)

La chaîne peut effectivement faire jouer auprès du fisc, pendant des années, les importants investissements qui lui ont permis d’ouvrir plus de 140 restaurants, financés notamment par la maison-mère, à laquelle KFC France reverse intérêts et droit d’usage de la marque.

Ce “déficit reportable” ne signifie pas que les affaires ne sourient pas au roi du poulet frit en France: lors d’une réunion d’investisseurs en décembre 2011, le dirigeant de Yum, David Novak, qualifiait de “véritable bijou” les affaires de KFC en France.

“Cela m’amuse toujours de dire à mes amis que le (restaurant) KFC qui vend le mieux au monde n’est pas situé à Louisville dans le Kentucky, mais en fait à Lyon et à Paris”, ajoutait-il.