Plateforme Tunisienne d’Economie Sociale et Solidaire, une alternative crédible?

economie-emploi-1012.jpgN’est-elle pas dépassée à l’heure actuelle par le courant du développement durable? L’ESS -pour Economie sociale et sociale- peut-elle structurer une économie. Elle est plus dans le domaine de l’éthique que celui de la croissance. Restera-t-elle une économie de périphérie?

Plastess s’est invitée au débat national. Par l’intensité de l’engagement de ses promoteurs. Et, on a pu mesurer l’enthousiasme de Hatem Jamoussi et Mohamed Ben Mahmoud, board leaders, au plan national, du réseau PLASTESS, samedi 29 septembre à l’occasion du séminaire qui explorait la perspective de l’ESS comme alternative crédible. Grace à la richesse de ce courant de pensée, également, qui continue à fasciner par sa symbolique de l’échange équitable et de l’éthique en économie. Mais aussi, par le poids que prend l’urgence économique.

L’Economie sociale et solidaire (ESS) saura-t-elle constituer une option plausible? Il est vrai que la panne de l’économie tunisienne met surtout en avant l’appel en faveur d’un nouveau modèle. L’ESS sera-t-elle ce choix heureux mais d’abord, que peut-elle apporter?

Un retour d’audience

L’ESS séduit toujours. Elle bénéficie d’un retour d’audience, en Tunisie. Il faut rappeler que le concept regagne du terrain, quand, de par le monde, la crise de la dette souveraine, la mollesse de la productivité et la financiarisation outrancière, ralentissent la reprise. L’instant est devenu éminemment économique et les solutions de rechange tardent à se mettre en place. Le procès du libéralisme n’est plus l’affaire des courants anticonformistes mais également des cercles académiques. Il faut se référer aux écrits de Joseph Stiglitz. l’ESS semble un raccourci. Cette orientation n’exige en réalité qu’une prédisposition mentale, à bien y réfléchir. Ses recettes répondent à toutes les exigences de ce qu’il y a de plus avancé et de plus moderne en économie, c’est-à-dire la gouvernance.

En ces temps où les injustices, de classe et entre régions, de par le monde, prennent des proportions insupportables, l’ESS se profile comme un choix de paix sociale.

L’ESS peut-elle constituer un nouvel ordre économique?

L’ESS, des origines à nos jours

Le capitalisme à visage humain et le marché dans sa version la plus acceptable, la concurrence pure et parfaite, loin de tout effet d’asymétrie, le système avec égalité des chances pour tous, c’est l’ESS, à n’en pas douter. On la verrait s’accorder avec l’esprit du «Club de Rome», initiative d’économistes visionnaires qui ont prôné la croissance zéro. Elle rejoint également le courant du développement durable. Elle préserve les ressources, l’écosystème, l’individu, en un mot, elle est morale et tout de go, c’est à elle que l’on pense quand il s’agit de proposer un nouvel ordre économique mondial, celui qui anime la CNUCED et non la Globalisation. C’est elle qui sous-tend l’altermondialisme. La bataille anti-OGM est bien de son inspiration. Et, par-delà, elle pourrait servir de référentiel à la troisième voie, tant désirée, celle-là même dite économie sociale de marché.

Tous les pays, de tous standings, et sur les cinq continents en ont goûté, sous diverses formes. Trop marquée par l’expérience agricole l’ESS, s’est-elle, par elle-même auto-piégée en s’enfermant dans un champ trop restreint ?

L’ESS et la base économique nationale

L’ESS a été mêlée avec l’agriculture, de tous temps. Le combat de Pancho Villa au Mexique, les mouvements des latifundia au Brésil, lors du siècle dernier, sont du ressort de l’ESS. José Bové, encore aujourd’hui, pourrait se réclamer d’elle. Protéger la petite exploitation, mutualiser les professionnels, empêcher la concentration, perpétuer l’atomicité sans ressort de domination et d’hégémonie, est une profession de foi pour l’ESS.

M. Ahmed Ben Salah rappellera que l’expérience de remembrement des terres, en Tunisie était une réforme nourrie de cet esprit. Elle était formalisée comme solution globale. Les coopératives de services agricoles étaient une riposte de mutualisation au plan de la production. Les Caisses Locales de Crédit Mutuelles, étaient le mécanisme de financement dédié. Les espaces marchands de quartiers et la société de transports légers étaient la parade contre les circuits de distribution usuraires traditionnels, animés par des intermédiaires avides et sans rapport avec la profession, de simples investisseurs enfin des gens qui recherchent e vulgaire «business». J

Jean Gatelle, ancien ministre de François Mitterrand, parlera de l’expérience française, qui a l’avantage par rapport à la tunisienne, d’avoir réussi. Il évoque les 1.800.000 mutualistes qui pèsent trois fois autant que le secteur auto, en France. Il évoquera également la taille du crédit agricole, devenue deuxième réseau bancaire d’Europe, lequel, il faut le rappeler, a eu le temps de muter vers un autre statut. En un mot l’ESS, permet, quand elle est bien pensée, de perpétuer une base économique nationale. C’est elle qui fixe les exploitants sur place et qui ne perturbe pas l’aménagement du territoire, assurant un certain équilibre entre les régions. Qu’est ce qui empêche son extension à l’ensemble du système économique ?

Lutter contre la financiarisation du système

L’ennui avec l’ESS, c’est qu’elle se trouve confrontée à la financiarisation de l’économie. Que peuvent quelques coopératives fromagères en France contre le lobby des constructeurs. Ces derniers peuvent toujours se réfugier derrière l’argument massue, à savoir que l’industrie auto structure l’économie française. Et, puis dans son domaine historique, l’agriculture, l’ESS ne peut tenir tête aux puissances financières de l’agrobusiness.

Que pèsent les animateurs de l’alter mondialisme, José Bové, en tête contre United Cargill, Nestlé ou Unilever ? La concentration financière a tout ruiné. Exit, l’ESS? Non! La prolifération d’expériences nationales d’implémentation de l’ESS aux couleurs nationales sur les cinq continents accréditera développera sa résistance à la finance internationale, malfaisante.

En réveillant le lièvre de l’ESS, dans les circonstances actuelles, Plastess s’oblige à formaliser un programme global sur la base de l’ESS. Elle devra apporter, une réponse à l’interrogation soulevée par M. Jemal Gharbi, ministre du développement régional sur la manière d’inscrire l’ESS, dans la planification économique. Nous pensons, pour notre part, qu’elle viendrait de la régionalisation et non la décentralisation. Le découpage du territoire avec des régions autonomes serait un cadre favorable à l’ESS. Mais là, on se place sur le terrain de la démocratie régionale. Le pays est-il prêt pour ce choix politique ? L’avenir, seul, nous le dira.