Guerre en Syrie : Jusqu’où pourrait conduire l’internationalisation du conflit?


syrie-28082012544.jpgTurquie,
Liban et Jordanie sont pour le moment les seules victimes d’une
internationalisation de la
guerre en Syrie. Voulue par ce dernier pays qui
compte «exporter» ses problèmes, cette guerre pourrait toucher plus vite que
prévu Israël. Et les Etats-Unis le savent.

La guerre syrienne s’internationalise de plus en plus. Turquie, Liban et
Jordanie sont pour le moment –et seulement pour le moment- les pays affectés par
cette guerre. La Turquie, qui est appelée, avec la durée, à recevoir de plus en
plus de réfugiés syriens, a vécu lundi 20 août 2012, à l’heure d’un attentat qui
a fait neuf morts. Le Liban connaît, à Tripoli, dans le nord du pays, des
affrontements entre partisans et adversaires du régime alaouite de Bachar Al
Assad qui a fait, depuis leur éclatement, il y a près d’un mois, au moins une
dizaine de morts. La Jordanie, qui a déjà reçu des réfugiés de son voisin du
nord, reçoit des tirs de l’armée syrienne, qui aurait, selon l’agence Reuters,
pénétré sur le territoire jordanien.

Cette internalisation était attendue. Les pays voisins de ceux qui connaissent
des conflits finissent toujours par être confrontés à ces conflits. Reste à
savoir aussi si cette internalisation n’est pas voulue. Théoriquement, elle ne
peut que constituer une arme entre les mains de la Syrie pour mieux gérer le
conflit.

Il est certain que le régime syrien n’a aucun intérêt à se que la guerre que lui
livre aujourd’hui une coalition de pays conduits par les Etats-Unis d’Amérique
en vue de dessiner une nouvelle carte du Moyen-Orient s’éternise. Elle finira
par l’affaiblir. Elle a donc tout intérêt à ce qu’elle finisse au plus vite en
sa faveur. Comment faire?

Un Talon d’Achille: la communauté kurde en Turquie

Un des moyens les plus efficaces est de l’«exporter». D’autant plus que la Syrie
en a les moyens. La Turquie, le Liban et la Jordanie –et ce n’est pas un hasard–
ont été touchés les premiers.

Commençons par la Turquie, acteur important de la coalition anti-Assad, a un
Talon d’Achille que la Syrie ne manque pas d’utiliser: sa communauté kurde.
Celle-ci forte de quelque 13 millions de personnes constitue près de 45% des 30
millions de kurdes (21% de la population de la Turquie) qui vivent
essentiellement dans quatre pays: Turquie, Iran, Irak et Syrie. Un peuple kurde,
qui rêve d’un Etat kurde.

La Syrie vient de lâcher la bride à sa communauté kurde (près de 10% de la
population) vivant pour l’essentiel au nord-est du pays. De nombreux témoins
affirment que cette partie, présentée comme le Kurdistan syrien, est tenue par
le PYK, parti proche du PKK turc (Parti des Travailleurs du Kurdistan), qui mène
une guerre sans merci contre la Turquie. Le drapeau kurde a été vu dans des
villes kurdes syriennes, comme celle de Derik, une cité de 50.000 habitants
située à peine à 10 kilomètres des frontières turques et irakiennes.

On comprend la suite: le régime syrien souhaite que cette action crée une
dynamique qui favorisera une insurrection du côté turc qui peut être encouragée
et soutenue par les kurdes syriens et irakiens (qui disposent déjà d’un Etat).

42 milliards d’euros

Venons maintenant au Liban où le régime baathiste syrien a beaucoup d’atouts:
une profonde connaissance du pays qu’il a pratiquement gouverné entre 1976 et
2005, de solides alliances avec notamment le Hezbollah chiite –et pas seulement-
et la présence d’une communauté alaouite, vivant pour l’essentiel au nord du
pays.

Etat multiconfessionnel (le Liban compte quelque 18 communautés), il est une
poudrière permanente où les alliances se font et se défont pratiquement tous les
jours. Pour un rien, des heurts peuvent être provoqués avec Israël, ennemi juré
de nombreuses communautés, dont la communauté chiite. Une communauté qui serait
majoritaire au niveau de la population (aucun recensement n’a été réalisé depuis
les années quarante dans ce pays) et qui tient les rênes du gouvernement dirigé
par Néjib Mikati.

Une éventualité qu’Israël, qui pense à tout, n’éloigne pas du tout. Les
déclarations de son Premier ministre, Benyamin Netanyahou, le mardi 14 août
2012, sur des attaques contre l’Iran, rentrent dans le cadre de cette tentative
de stopper cette internationalisation du conflit syrien. Il s’agit d’isoler les
Iraniens qui apportent un réel soutien à l’ami syrien.

Pour la Jordanie, l’exportation de ce conflit dans ce pays peut attiser les
conflits internes dans ce pays où une bonne partie de la population souhaite un
vrai changement. Ces derniers ne toucheraient pas automatiquement le Palais,
mais apporteraient des réformes au niveau de l’exercice du pouvoir et de la
répartition des richesses. Les Jordaniens de souche auraient exprimé quelquefois
«la mainmise» des Jordaniens d’origine palestinienne et des Tcherkesses (fidèles
parmi les plus fidèles à la monarchie) sur des pans du pouvoir politique et
économique du pays. La présence d’une importante communauté d’origine
palestinienne crée du reste un équilibre difficile et instable dans ce pays qui
semble faire affaire avec la présence avec Israël dans la région. La Jordanie
est liée, depuis 1994, par un accord de paix avec Israël qui apporte des
solutions aux conflits, notamment territoriaux, entre la Jordanie et l’Etat
hébreu.

Quoi qu’il en soit, toucher à ces trois pays ne peut qu’entraîner une réaction
des Etats-Unis qui a peur pour l’équilibre qu’ils ont institué dans la région.
D’autant plus qu’Israël –et les Américains le savent- devra être une des cibles
de cette internationalisation. Une étude réalisée par la BDI-COFACE, une filière
israélienne de la COFACE, institution spécialisée dans l’assurance du commerce
extérieur, affirme qu’un conflit avec l’Iran pourrait coûter 42 milliards
d’euros (le double en dinars tunisiens) à l’économie israélienne.

Tout le monde sait qu’en cas de conflit avec l’Iran, Israël “recevra“ des coups
de la part de l’Iran mais aussi du Hezbollah. L’Iran cherchera, par ailleurs, à
internationaliser le conflit. En perturbant le commerce dans une zone des plus
sensibles du monde: le détroit d’Ormuz. L’Iran pourrait également être tenté,
par désespoir, de frapper des bases américaines dans la région. Notamment celle
d’El Oudeid au Qatar.

L’internationalisation du conflit syrien aurait alors atteint son paroxysme.
Politique fiction? Peut-être pas!