Tunisie à l’Alliance Mondiale des pays désertiques : les prochaines guerres seront alimentaires

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Philanthropique? Elle ne l’est certainement pas! L’«Alliance mondiale des pays désertiques», initiée en mars par le Qatar en marge du Forum mondial de la sécurité alimentaire, est articulée autour de trois axes (politique, institutionnel et financier). Elle permettra aux pays du Golfe, et particulièrement au Qatar, de devenir une plateforme incontournable du commerce mondial des denrées alimentaires.

Elle permettra également de sécuriser l’approvisionnement des pays du Golfe, pratiquement dépendants du monde sur le plan alimentaire. Pays qui ont déjà investi en Afrique et en Asie dans le secteur agricole pour s’assurer des réserves stratégiques en denrées alimentaires.

De passage en Tunisie, pour défendre le projet, en compagnie de Miguel Angel Moratinos, ex-chef de la diplomatie espagnole et conseiller diplomatique spécial auprès du gouvernement qatari, Bader Omar Al Dafa, ambassadeur itinérant du Qatar, a plaidé pour la création d’une organisation internationale fédératrice des pays qui risquent la détresse alimentaire ou le stress hydrique. Dans ces pays où une grande partie des terres est désertique, il est impératif de développer des recherches dans les domaines de l’agriculture, des céréales et des ressources hydrauliques, sachant que le marché alimentaire international est continuellement sous pression et les prix sont pour la plupart du temps variables avec une tendance à la hausse.

Les pays du Golfe souffrent particulièrement de la rareté de l’eau, près de 80% des besoins en eau de ces régions viennent de la désalinisation. «Nos entrevues avec les responsables tunisiens pour intégrer la Tunisie dans cette Alliance vise à développer des partenariats dans le domaine de la recherche. A titre d’exemple, il existe aujourd’hui des systèmes géographiques sophistiqués qui permettent de détecter les terres cultivables, leurs spécificités et caractéristiques, par satellite, afin de déterminer la nature des germes qui doivent y être semés. Grâce à cette alliance, nous pourrions tous nous unir pour investir dans ces technologies». Plus encore, estime M. Al Dafa, grâce aux moyens qui seraient mis en place par ce partenariat multiple, des recherches plus approfondies seront effectués sur les graines pour qu’elles puissent résister au changement climatique et pour que les productions soient optimisées. Les pays qui ne s’unissent pas pour mettre en place des stratégies de coopération claires et réalistes perdront au change.

D’autre part, les études et les recherches coûtent très cher, estime l’ambassadeur qatari, la mise en place d’un modèle participatif qui permet aux uns et aux autres d’y œuvrer avec les moyens dont ils disposent, pourraient faciliter leur adhésion, dans l’intérêt de tous. Plus important encore, les réserves stratégiques d’un membre de l’alliance pourraient servir à un autre en cas de crise ou de catastrophe naturelle.

Le Qatar abritera en principe le siège de l’alliance. Pour Bader Omar Al Dafa, cette initiative ne se substituera pas aux organismes des Nations unies mais œuvrera à concrétiser sur terrain les ambitions des peuples qui souffrent de carences au niveau de leurs ressources agricoles à trouver des solutions ensemble. «Nous avons remarqué l’engouement des pays européens, des USA et d’autres pays en Afrique et en Amérique Latine pour cette initiative car ils y trouveront de l’intérêt. La raison en est simple, nombreux parmi eux sont des exportateurs des produits alimentaires et d’autres pourraient coopérer avec nous dans les programmes de recherches et d’études. Il y a des pays qui ont de programmes d’aide aux pays en développement qui pourraient également en profiter. Nous sommes décidés à concrétiser les projets et programmes qui seraient mis en place dans le cadre de l’Alliance mondiale des pays désertiques, espérons que nos partenaires y adhèreront».

Le Qatar, initiateur de l’Alliance, veut se positionner dans le monde comme une plateforme de recherche et d’études dans le secteur agroalimentaire mais aussi en tant que passage obligé pour ce qui est des négociations internationales touchant à la sécurité alimentaire. Ce pays, qui a beaucoup investi dans d’autres domaines tels la culture et le sport, veut affirmer encore plus son positionnement dans la zone MENA face aux autres groupements internationaux et s’assurer un poids dans les négociations commerciales mondiales. Quoi de plus sensible et de plus important que la sécurité alimentaire? N’appelle-t-on pas toutes ces révoltes qui ont lieu partout dans le monde, les révoltes de la faim ou du pain et ne prévoit-on pas que les prochaines guerres se rapporteront à la sécurité alimentaire?