Tourisme : La Tunisie maîtrise-t-elle au moins son nom sur le marché russe?

tourisme-070412.jpgQuand le Maroc va en Russie, c’est pour annoncer que son ambition est d’atteindre 2 millions de touristes à l’horizon 2020. Quand le secteur du tourisme tunisien s’y rend via ses professionnels et son administration en participant aux Salons, il mentionne une hausse de 55% par rapport à 2011 et 35% par rapport à 2010.

Les touristes russes devant visiter la Tunisie en 2012 atteindront 230.000 contre 152.000 en 2011 et 188.000 en 2010. Il n’y a pas de quoi fanfaronner. Pourtant le potentiel est énorme. Retour sur un marché prometteur exploité par les destinations comme la Turquie et l’Egypte. Des destinations qui ont su absorber la demande d’un marché qui, toutes destinations confondues, a enregistré une hausse de 32% en 2010 par rapport à 2009 et où la part de marché de la Tunisie ne représente que 1,4%, selon l’Agence fédérale du tourisme russe.

Ce ne sont pas les atouts de la destination Tunisie qui manquent pour attirer cette clientèle. Aux yeux des Russes, la Tunisie, dont l’accès se fait sans visa, semble être considérée comme une destination attirante avec une aura prestigieuse liée à Carthage et à la thalassothérapie. Leurs destinations préférées sont Sousse et Hammamet, et on enregistre un début d’intérêt pour Mahdia et Djerba. Les Russes, dont la classe moyenne est en mutation, ont des départs depuis plus de 14 villes russes. Pour choisir la Tunisie, ils se confrontent malheureusement à un manque d’informations, de documentation et de communication en langue russe avant ou pendant leurs séjours.

Un marché à investir si on s’en donnait les moyens

En tapant le mot Tunisie sur Google Russie, les résultats sont surprenants. On tombe sur les sites d’opérateurs privés et il semble, du moins selon les diverses recherches effectuées, que la Tunisie ne soit pas vraiment maîtresse de sa propre image sur ce marché. Un danger à bien considérer et un défi à relever de toute urgence. Comment une destination qui n’est ni maîtresse de sa propre image ni du contenu des informations à son propos peut-elle mener à bien sa stratégie de développement? Surtout dans des marchés d’avenir comme ceux des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine).

Tous les spécialistes s’accordent à dire que la Russie est un des principaux marchés d’avenir face à une Europe vieillissante traversant de multiples crises économiques. Selon les récentes études, 75% des Russes ont moins de 45 ans et les revenus mensuels par habitant sont plutôt en progression. Faut-il aussi mentionner qu’ils dépensent en moyenne 156 euros par nuitée d’hôtel, selon Hôtel Price Index 2006, bien loin devant les Allemands (107 euros) ou les Français (117). Autant dire une population à fort potentiel avec une forte présence sur Internet puisque plus de 40 millions de Russes y surfent et sont donc susceptibles de faire leurs achats touristiques ou en tout cas d’y chercher des informations qui pourraient les décider à choisir la Tunisie -ou non- pour leurs prochaines vacances.

Pour cela, la destination Tunisie se doit de faire sa révolution du Net et d’innover pour répondre aux diverses attentes des touristes russes. Ces derniers sont férus de shopping, de bien-être, de gastronomie, de détente, de balnéaire… C’est en fait la manière de vivre dans les autres pays qui intéresse beaucoup plus les Russes. Diverses études attestent qu’ils s’intéressent aux mœurs et aux traditions des autres pays (47%), aux lieux de repos et de tourisme (30%), à la nature (29%).

De ce fait, il y a un autre défi à relever, celui du service afin que les clients qui séjournent en Tunisie repartent avec de bonnes impressions. Ce sont les commentaires sur le Net et le bouche-à-oreille qui décide les Russes au choix d’une destination au détriment d’une autre. Les réclamations qui proviennent aussi bien des divers opérateurs que de leurs représentants des agences de voyage (RAV) ici même et des quelques clients sondés sont liées à l‘environnement, au manque d’animation et de loisir, au harcèlement marchand dans les centres-villes et autres médinas touristiques, aux «beznessas» qui, la crise aidant, deviennent agressifs et à la limite violents.

Le marché russe répond vite et bien et les nombreux professionnels tunisiens qui convoitent ce marché ne sont pas parvenus à accorder leurs violons pour une conquête efficace et sérieuse. Il faut savoir que la destination est également commercialisée par une communauté d’affaires turque autant redoutable que professionnelle.

Le tourisme tunisien a certes consolidé son budget de promotion sur ce marché en passant de deux millions de dinars en 2011 à six millions de dinars en 2012, soit une évolution de 186%. On estime qu’avec des taux de progression de 20% durant les quatre prochaines années et un budget évolutif de 25%, le tourisme tunisien est à même de drainer plus de 400.000 touristes russes au terme de 2015.

En face, l’Egypte a réalisé, en 2010, 2,5 millions d’entrées avec un budget de promotion de 4 millions de dollars et la Turquie a réalisé durant la même année 3,1 millions d’entrées avec un budget de 14 millions de dollars.