Tunisie : Ridha Saïdi au forum de l’Economiste maghrébin, «Nous ne sommes ni des adeptes zélés du tout Etat ni des défenseurs inconditionnels du marché»

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«Plus d’Etat, mieux d’Etat», c’est l’intitulé du 14ème forum organisé par l’économiste maghrébin jeudi 3 mai 2012. «Inverser les tendances», c’est le rôle qui revient aujourd’hui à l’Etat, a suggéré Hédi Mechri, président du Comité d’organisation dudit forum, car la Tunisie a vécu depuis le 14 janvier 2011 un cortège d’instabilités, une perte des repères et de fortes tensions sociales.

L’Etat doit-il reprendre le rôle de l’Etat providence? Il devrait aujourd’hui s’investir dans de nouvelles missions, estime M. Mechri, comme celles d’intégrer les régions dans la dynamique de développement économique, parrainer le dialogue social et surtout assurer l’ordre républicain pour améliorer le climat d’investissement et renforcer l’attractivité du site Tunisie en garantissant la sécurité et les libertés fondamentales. L’Etat doit être politique, fin stratège économique, planificateur, protecteur des classes démunies et soucieux de la maîtrise des dépenses.

Le rôle de l’Etat est également de donner de l’espoir à une jeunesse désenchantée et à des catégories sociales pendant longtemps coupées et privées du minimum pour vivre dignement.

Ridha Saïdi, ministre conseiller auprès du Premier ministre chargé de l’Economique et du Social, reconnaîtra d’emblée les propos de M. Mechri, dans son allocution d’ouverture du forum: «La complexité de la situation actuelle, conséquence d’une désorganisation quasi-inévitable de l’économie et heurté par l’onde de choc de la révolution».

Le ministre a toutefois voulu rassurer les participants, experts, représentants des médias et des organisations de la société civile sur les orientations du gouvernement qui se distingue aujourd’hui par un pragmatisme tenant compte de la réalité du terrain. «Nous ne sommes ni des adeptes zélés du tout Etat ni des défenseurs inconditionnels du marché dont nous connaissons les limites… Notre conviction est que lorsque le marché faillit, l’Etat doit reprendre la main».

Cela sera donc “un Etat ami du marché“ que décrète aujourd’hui le gouvernement Jebali en appelant le secteur privé à jouer un rôle fédérateur, en permettant aux agents d’évoluer en toute liberté et transparence et garantissant les conditions de l’innovation et de la créativité individuelles. Mais se rattrape Ridha Saïdi: «Le marché ne règle pas le problème de la pauvreté, il l’aggrave… L’argent du privé…va où il rapporte plus…et c’est là où l’Etat doit intervenir pour assurer sécurité, stabilité, investir dans l’avenir, dans l’enseignement, le social, l’environnement, les infrastructures de base, la recherche, les pôles de compétitivité et les centres d’excellence».

Un rôle que le gouvernement actuel compte assurer d’après ses initiateurs grâce à l’anticipation des mutations sociales, des ruptures économiques, à la planification et au besoin en entreprenant par lui-même sans oublier l’importance de développer le système de partenariat public-privé de manière à se désengager de certains investissements. Investissements dans des créneaux comme les TIC, l’énergie, les mines, l’assainissement des eaux…

Ce sont de champions nationaux que cherche à encourager l’Etat, de grandes entreprises à vocation régionale et euro-méditerranéenne pour consolider les efforts de développement du pays. «Nous leur assurerons aide et appui logistique à l’international. Le gouvernement doit avoir la capacité de légiférer vite et bien au mieux des intérêts de nos entreprises qui évoluent désormais dans un cadre ouvert et hautement concurrentiel».

Très belle déclaration d’intention de la part du ministre conseiller, que nous croyons parfaitement convaincu s’il ne s’agissait que de lui… Mais une déclaration qui paraît à contrecourant de l’action gouvernementale accentuée par le grand nombre de ministres, ministres-conseillers et conseillers… Lorsque nous avons en face de nous un gouvernement de coalisés avec pour chaque parti au pouvoir un agenda qui n’est pas forcément en symbiose avec ceux de ses partenaires. Lorsque nous observons le sentiment d’insécurité qui caractérise la communauté d’affaires actuellement en Tunisie avec ses 460 interdits de circulation et ceux qui risquent de rejoindre ce contingent en l’absence d’une décision politique courageuse pour accélérer la fin des mesures préventives. Car comment stimuler les projets d’investissement dans le secteur privé lorsque la chasse à l’homme continue avec acharnement dans une période de justice transitionnelle et touchant ceux qui ont approché de près ou de loin l’ancien président?

«Nous partons d’un principe de réalité, qui exclut toute forme de rigidité doctrinale ou idéologique. En la matière, seule une attitude pragmatique est à même d’apporter au pays les solutions qui s’imposent, pour desserrer les contraintes économiques et sociales», assure Ridha Saïdi.

Il faudrait peut-être commencer par persuader certains membres du gouvernement qu’ils ne sont plus à défendre des idéologies partisanes et à faire de la propagande pour mobiliser les militants et endoctriner les foules, mais qu’ils sont à des postes de responsabilité au sein de l’Etat. Postes qui exigent de la maturité politique, plus de diplomatie, de sens des compromis pour servir les hauts intérêts du pays et du peuple. Ceci, bien entendu sans enfreindre les principes de la bonne gouvernance et de meilleures pratiques.

Une équation que des compétences expérimentées et bien rodées à la gestion des affaires de l’Etat pourraient sans doute réussir.