Tunisie : La survie des microentreprises à l’épreuve des dynamiques structurelles territoriales… (5)

Par : Autres

IV- Pour positionner les tissus productifs des gouvernorats défavorisés au cœur
d’un processus de développement inclusif : Propositions et recommandations

Comme démontré dans la section précédente, les écarts de survie des
microentreprises par rapport à la moyenne nationale constatés essentiellement
dans les gouvernorats du Kef, Siliana, Kasserine, Sidi Bouzid, Tozeur, Kébili,
Gafsa et Tataouine dépendent en majeure partie des dynamiques structurelles des
territoires d’implantation et particulièrement de la demande solvable. Deux
facteurs principaux exercent des effets négatifs sur la demande solvable au
niveau local et par ricochet sur la pérennité des microentreprises. Il s’agit en
premier lieu des contrecoups de la baisse absolue de la population dans ces
contrées pour cause de migration et puis l’inexistence d’un tissu productif
polarisé autour d’un noyau de moyennes et grandes entreprises d’où le
surdimensionnement du secteur des
microentreprises dont le développement serait
tout a fait anomalique.

Il s’ensuit inévitablement une précarisation croissante d’une frange de la
population locale, un effritement de plus en plus prononcé de la demande
solvable et c’est ainsi que les effets au niveau des microentreprises se feront
ressentir au niveau de leur viabilité et leur capacité de résistance.

L’optimisation des crédits octroyés aux microentreprises dans les gouvernorats
concernés et la rationalisation des dépenses budgétaires dans le cadre des PAE,
imposent une refonte globale de la politique industrielle, de développement
régional, d’aménagement du territoire, de lutte contre le chômage et de
promotion de l’auto emploi. Notre idée consiste à ramener les problématiques
liées à la faiblesse des taux de survie des microentreprises dans les
gouvernorats en question à des politiques de développement industriel
inappropriées qui ont justement produit deux dualismes: un dualisme
inter-gouvernorats et un dualisme intra-gouvernorats. Il serait alors capital de
créer des spirales vertueuses ou des économies d’agglomérations en jetant dans
chacun des gouvernorats ciblés les bases solides d’un tissu productif structuré
et structurant. Dans ce qui suit, les recommandations qui seront proposées sont
susceptibles d’imprimer un nouvel élan à une structuration nouvelle des tissus
productifs locaux en vue de résoudre progressivement les problématiques du
chômage, le surdimensionnement du secteur informel dans certains territoires et
le déséquilibre régional.

Partant d’une conviction forte que les politiques structurelles centralisées
sont vouées à l’échec, les propositions consacreront le principe de la
territorialisation des politiques et porteront de ce fait sur nombre de
gouvernorats (Le Kef, Siliana, Sidi Bouzid, Kasserine, Gafsa, Tozeur, Kébili et
Tataouine) qui souffrent d’une faiblesse manifeste de leurs tissus productifs.
Les propositions s’articuleront comme suit :

A/ Des propositions en amont des tissus productifs locaux: La mise en place
d’une stratégie pour l’émergence industrielle des gouvernorats à faibles tissus
productifs

La mise en oeuvre cette stratégie reposera sur la réalisation des actions
suivantes:

i- La création d’un Fonds Stratégique d’Investissement pour l’émergence
industrielle (FSIEI): Ce fonds aura comme objectif principal d’assurer le
rattrapage des gouvernorats ciblés par rapport aux gouvernorats à tradition
industrielle à travers:

La participation au financement de projets de création de grandes entreprises
dans le cadre notamment de partenariats public-privé, ce qui facilitera
l’émergence de forces centripètes permettant le rapprochement entre les
entreprises implantées sur un même territoire. De même, ces grandes unités
industrielles pourraient jouer le rôle de véritables corridors de développement
et de croissance pour les micros et les petites entreprises à travers la
stimulation de la demande solvable locale.

L’accompagnement des petites et moyennes entreprises de croissance pour
lesquelles il participe au financement en fonds propres.

L’accompagnement de grandes et moyennes entreprises qui jouent un rôle important
dans leur région d’implantation et leur secteur ce qui permet la création de
grands projets industriels créateurs de richesses.

Ce nouveau fonds, qui pourrait être crée dans le cadre du fonds générationnel
(Fonds des fonds), investira dans des projets rentables à travers des apports en
fonds propres et dans des projets stratégiques au regard de la compétitivité de
l’économie et la conjoncture internationale tout en faisant recours au co-investissement
en recherchant l’implication d’autres investisseurs.

ii- La création d’une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC)
spécialisée dans l’émergence industrielle des gouvernorats à faibles tissus
productifs : CDC-Emergence

La filiale CDC-Emergence aura comme mission de développer les activités de
capital-investissement de la CDC dans les gouvernorats ciblés. Son objectif est
de favoriser le financement en fonds propres des PMGE de croissance, créatrices
de valeur et d’emplois dans les gouvernorats ciblés.

CDC-Emergence investira pour le compte du Fonds Stratégique d’Investissement
pour l’Emergence Industrielle (FSIEI) en prenant des participations
(majoritaires ou minoritaires) dans des véhicules d’investissement régionaux ou
nationaux qui investissent eux-mêmes dans les PMGE ;

De même, CDC-Emergence créera pour le compte de l’Etat des Fonds d’Amorçage
visant les entreprises investissant dans les secteurs porteurs et à fort contenu
technologique ;

La stratégie d’émergence industrielle des gouvernorats cibles sera élaborée et
mise en oeuvre par CDC-Emergence

iii- La création de pôles de compétitivité dans les gouvernorats à faibles
tissus productifs

Selon la définition de la DATAR1, Un pôle de compétitivité est sur un territoire
donné, l’association d’entreprises, de centres de recherche et d’organismes de
formation, engagés dans une démarche partenariale pour mettre en oeuvre une
stratégie commune de développement. Cette stratégie est destinée à dégager des
synergies autour de projets innovants conduits en commun en direction d’un ou
plusieurs marchés.

En association avec CDC-Emergence à travers les véhicules de
capital-investissement régionaux, les acteurs locaux, le capital risque, le
secteur privé et les institutions de financement, les pôles de compétitivité au
sein de chacun des gouvernorats identifiés plus-haut se fixeront comme objectifs
de créer les déclencheurs (Grandes ou moyennes entreprise) d’une dynamique
vertueuse au sein de leurs territoires. Le but étant d’arriver à une masse
critique de PMGE qui puisse stimuler durablement l’esprit d’entrepreneuriat et
l’investissement privé dans le territoire.

Identification des spécialisations et des thématiques sur lesquelles seront
associés les différents acteurs au sein des pôles de compétitivité. A cet effet,
il convient de prendre en considération le potentiel productif, les spécificités
économiques, sociales, géographiques et urbaines de chacun des gouvernorats
ciblés.

Dans ce cadre, les spécialisations à promouvoir dans le cadre de la création des
pôles de compétitivité seront comme suit :

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Face à l’échec de certaines politiques structurelles centralisées à réduire
l’ampleur du chômage et l’écart grandissant entre les régions littorales et les
régions de l’intérieur, la prise en considération des donnes structurelles
régionales dans le cadre d’une nouvelle de territorialisation des politiques
s’imposerait comme une nécessité pratique afin de conférer l’efficacité requise
aux actions engagées.

Elaboration de diagnostics territoriaux pour tous les gouvernorats à faibles
tissus productifs;

Conférer des prérogatives aux acteurs locaux dans l’élaboration de plans
régionaux pour l’emploi et la formation;

Elaboration d’enquêtes annuelles au niveau des gouvernorats en vue de recenser
les besoins en main d’oeuvre des secteurs productifs ;

Harmoniser la promotion des microentreprises avec la stratégie d’émergence
industrielle des gouvernorats ciblés. Un plan d’action annuel sera élaboré dans
le cadre d’une approche participative impliquant les principaux acteurs
intervenants (Institutions de micro finance (IMF), CDC-Emergence, Pôle de
compétitivité, Véhicules d’investissements régionaux, secteur privé…)

B/ Des propositions en aval des tissus productifs locaux: La mise en place d’un
socle de protection sociale minimum en faveur des populations vulnérables
travaillant dans le secteur informel

Un socle de protection sociale (sécurité de revenus et accès aux soins) dans les
gouvernorats à faibles tissus productifs dominé par les microentreprises,
permettra à bien de travailleurs et de gens d’entrer dans le secteur formel de
l’économie, d’améliorer leurs niveaux de compétence et relever le niveau de la
productivité.

Un socle de protection sociale ramènera à la baisse le coût d’opportunité du
secteur formel pour les salariés dans les microentreprises ce qui permettra à
ces dernières d’intégrer plus facilement le secteur formel et réussir leur
transition d’activités de subsistance à faible rendement à d’autres activités à
rendement plus élevé.

Création d’un fonds pour le développement des microentreprises dans les
gouvernorats à faibles tissus productifs

CDC-Emergence créera un fonds destiné à financer des prêts à taux zéro accordés
à un gestionnaire local de prêts (IMF). Ce dispositif vise à limiter la
sinistralité des microentreprises grâce à un accompagnement renforcé.