Un Afghan lance le concept du drone pas cher et pacifique

photo_1333982434383-1-1.jpg
ï Elali devant son drone dans la province de Nimroz, en Afghanistan (Photo : AFP)

[09/04/2012 14:43:09] KABOUL (AFP) Pourquoi s’embarrasser de technologie avancée quand un peu de liège, quelques pousses de bambou et des moteurs de tronçonneuses font l’affaire ? Zemaraï Elali est, grâce à ses talents de bricoleurs, à la tête d’une flotte de cinq drones “made in Afghanistan”, à vocation 100% pacifique.

L’engin ressemble davantage au “Spirit of Saint-Louis”, l’aéronef qui permit à Charles Lindbergh de traverser le premier l’Atlantique, en plus carré, qu’aux engins fuselés qu’utilisent les armées modernes pour survoler sans bruit, et bombarder parfois, les territoires afghan et pakistanais.

Mais ce fils d’un salarié de la compagnie aérienne locale Ariana, qui “l’emmenait à l’aéroport pour voir les avions”, n’en a cure. Lui qui voulait, depuis tout petit, “savoir comment ils volaient” et “avoir les siens un jour” en a désormais cinq à disposition, “deux grands et trois petits”.

Le processus, qui a duré six ans, est allé crescendo. Les premières productions de Zemaraï Elali étaient des jouets. “Puis j’ai construit de plus gros avions, télécommandés”, explique cet ingénieur, à mi-chemin entre MacGyver et Géo Trouvetou.

Les matériaux utilisés sont déroutants. A défaut de kevlar ou d’aluminium, “le fuselage est fait de plastique, de liège, de bambou et de quelques métaux. J’ai utilisé des moteurs de tronçonneuses pour propulser l’avion, parce qu’ils sont plus légers”, raconte-t-il.

Qu’importe le glamour, l’essentiel est pourtant atteint. Le 21 mars, l’Icare afghan, âgé de 45 ans, fait décoller ses bébés depuis l’aéroport de Zalanj, dans la province de Nimroz (sud-ouest), devant le gouverneur et quelques autres responsables locaux.

Une vidéo postée sur youtube (http://www.youtube.com/watch?v=-W-C-JM2bS4) par un journal local, montre la technologie afghane en action. On y voit l’une de ses créations, visiblement légère comme une libellule, prendre un envol presque vertical, effectuer une jolie boucle dans le ciel, pour se reposer en souplesse.

Fuselage de liège

photo_1333982485790-1-1.jpg
ï Elali à côté de son drone dans la province de Nimroz, en Afghanistan (Photo : AFP)

“Certains de mes avions peuvent voler jusqu’à 7.000 mètres d’altitude, même s’il devient difficile de les contrôler au-delà de 2.000 mètres, convient ce directeur du département de l’Electricité de Nimroz. Mais ils peuvent rester en l’air 20 minutes.”

Le plus imposant d’entre eux fait “5 mètres d’envergure, il fonctionne à l’essence, et peut transporter jusqu’à 15 kilos”, se félicite cet ingénieur diplômé de l’université polytechnique de Kaboul.

De quoi rivaliser avec les drones actifs en son pays ? “Je ne dispose pas de la technologie utilisée par les drones américains. Les miens n’ont pas de caméra embarquée, répond-il. Mais j’aimerais vraiment les développer pour qu’ils puissent aider mon pays.”

En leur adjoignant, au besoin, les technologies utilisées par l’Isaf, la force de l’Otan présente depuis 10 ans en Afghanistan, afin d’en faire de dangereux oiseaux de proie ? “Ces avions pourraient transporter des explosifs, mais je ne permettrai à personne de les employer dans ce but”, affirme Zemaraï Elali.

Contacté, le porte-parole du ministère de la Défense afghan, a de toute façon admis “ne pas être au courant de contacts établis” entre M. Elali et son administration, ni d’une “utilisation future dans un but militaire”.

Mais la construction d’un drone local est “une bonne nouvelle pour tous les Afghans, nous sommes fiers qu’un de nos citoyens, avec les faibles ressources disponibles, ait pu construire” un tel engin, a-t-il ajouté. Le drone afghan ou un bref moment de légèreté dans un quotidien dramatique.

www.youtube.com/watch?v=-W-C-JM2bS4