Tunisie : De la révolution à l’évolution

Par : Autres

erikberglof-1.jpgLa Tunisie abritera, lundi 12 décembre 2011, une réunion dans le cadre de l’initiative «D’une transition à l’autre», organisée par la Banque européenne de Reconstruction et de Développement (BERD), sous le thème de «Favoriser la croissance et l’investissement pendant la transition», en collaboration avec l’UTICA et le Centre de Marseille pour l’intégration en Méditerranée (CMIM).

Erik Berglof, directeur des affaires économiques de la BERD, nous en présente les contours.

Le grand penseur politique Alexis de Tocqueville écrivait que «les révolutions sont comme les romans. La difficulté n’est pas d’en écrire le début mais de concevoir une fin appropriée». Une année mémorable se termine depuis que la Tunisie a engagé cette révolution qui a suscité des demandes de changement dans nombre d’autres pays. Ces pays continuent à regarder la Tunisie en référence. A présent, il appartient aux organisations, comme la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement (BERD) de vous soutenir, alors que vous essayez de concevoir une suite appropriée.

La BERD est elle-même fille de révolution? Elle a été la réponse de la communauté internationale à la chute, en 1989, du mur de Berlin et l’effondrement du communisme. La Banque a été constituée pour accélérer la transition d’une planification centralisée au libre marché, de faciliter la conversion traumatique de la dictature à la démocratie.

Le désir d’un avenir plus optimiste n’était pas spécifique aux peuples de l’Europe de l’Est. Nous avons entendu les mêmes échos, aujourd’hui, dans des parties du sud et de l’ouest de la méditerranée. C’est un appel, comme en 1989, que le monde ne peut ignorer. C’est un appel auquel entend répondre la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement, à l’instar de ce qui avait été fait durant les deux dernières décennies en Europe du Sud et Europe Centrale, ainsi qu’au Caucase et en Asie Centrale.

Il y a autant de différences que de similitudes entre ces deux régions qui ont subi des changements dramatiques, il y a deux décennies. Les pays de l’Europe de l’Est reconnaissent certains défis que ceux auxquels vous faîtes face aujourd’hui. Lorsque le communisme s’était effondré, ils avaient aussi un système politique si hautement centralisé, des secteurs publics fortement protégés et besoin de stimuler la croissance économique et de créer de nouveaux emplois dans le secteur privé.

Mais, il y a d’autres similitudes entre les défis de la Tunisie et ceux de l’Europe de l’Est aujourd’hui. Les pays qui avaient initié leur révolution après la chute du mur de Berlin n’ont pas tous géré l’accomplissement de leurs transitions politique et économique. Certains pays d’Europe Centrale et des Baltiques ont réussi leurs transformations, alors que d’autres s’y trouvent encore embourbés, pris par des intérêts particuliers et ployant sous la fatigue des réformes.

Comme il y a similitude des défis, nous encourageons les pays qui ont engagé leur transition durant les deux dernières décennies, de venir vers vous pour partager ensemble expériences et enseignements, les uns des autres, non seulement pour ce qui a réussi mais aussi pour ce qui a échoué. C’est pour cette raison que nous organisons cette rencontre «D’une transition à l’autre», à Tunis, ce mois, en vue de faciliter l’échange d’expérience entre acteurs concernés. Nous voulons comprendre ce dont la Tunisie a besoin pour garantir son avenir économique, prêtant une écoute attentive, alors que nous définissons nos plans pour venir en aide à l’économie tunisienne.

La Banque avait déclaré qu’elle est en mesure d’investir, éventuellement, jusqu’à 2,5 milliards d’euros à travers le Sud et l’Est de la Méditerranée. Dans l’ensemble, les défis pour la Tunisie sont clairs. La croissance recherchée doit être suffisamment élevée afin de pouvoir absorber la demande croissante des nouvelles entrées sur le marché de l’emploi. La formation et l’éducation sont nécessaires pour fournir les qualifications demandées par le marché. Mais, des emplois doivent aussi être créés pour répondre aux besoins du grand nombre de jeunes tunisiens, bien formés. Le besoin est de se convertir d’une faible valeur ajoutée et d’une économie à faible coût, en une haute valeur ajoutée, une économie du savoir intensive, à moyen terme.

Le secteur privé doit jouer un rôle clé dans ce processus. Grâce à de précédentes réformes, nombre d’institutions et structures de marché sont en place mais il importe de les mettre en œuvre, ce qui est crucial. A cet effet, le systeme d’accès aux emplois et au financement doit être privilégié tout au long d’un bannissement du favoritisme. Quant au secteur privé, il sera capable de générer une croissance plus forte et plus inclusive seulement lorsqu’il sera soutenu par des réformes d’Etat.

C’est ce type de challenge que nous avons connu également à travers notre longue expérience dans les anciens pays communistes d’Europe. Nous mettrons à profit les leçons apprises pour essayer de développer le secteur privé en Tunisie, concentrant particulièrement sur les besoins des petites et moyennes entreprises. Nous nous intéressons également à voir comment nous pourrons venir en aide au secteur agroalimentaire afin de participer et accélérer la création d’emplois. Afin d’y parvenir, nous examinerons les moyens de restructuration et de renforcement du secteur financier. Accroître l’efficacité de l’économie exige aussi l’usage plus efficient et de manière plus durable des ressources énergétiques. Nous savons, également qu’il y a d’autres domaines où nous pouvons trouver des gisements de valeur, y compris l’investissement dans l’infrastructure et de meilleurs services municipaux. Cela fait de notre mission que d’aider aux changements économiques et à rendre la vie meilleure.

A travers cette initiative « D’une transition à l’autre », à Tunis, nous voulons apprendre plus comment nous pourrons soutenir la Tunisie dans la relève de ces défis. Certains pays parmi les 29 où nous opérons partageront ouvertement leurs expériences, espérant apporter les mêmes approches que la Tunisie. Nous suivrons avec attention les débats, mettant à profit les données acquise pour aider la Tunisie à aller de la révolution à l’évolution, développant une économie diversifiée et étendue, au moment où votre pays construit sa démocratie.

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