Les défaillances majeures de la politique de développement régional tunisien : L’échec de la lutte pour l’éradication rapide de la pauvreté régionale (1)*

Par : Tallel

Dans cette Deuxième partie du “développement régional en Tunisie, de Bourguiba à Ben Ali“, le Pr Chadly Ayari diagnostique “Les défaillances majeures de la politique de développement régional tunisien“.

dev-tunisie-1.jpgEn attendant l’audit, rien n’interdit, cependant, de procéder à l’identification et à l’analyse de ce qui nous paraît constituer les dysfonctionnements majeurs dont pâtit la politique régionale nationale, héritée par la Tunisie post-17 Janvier 2011.

A cet égard, quatre types de défaillances nous paraissent être suffisamment préoccupants pour être dénoncées sans concession aucune. L’échec de la lutte pour l’éradication graduelle de la pauvreté régionale. L’absence d’une politique d’aménagement du territoire concertée et efficiente Le déficit de vision, de planification et de programmation en matière de développement régional. La mal- gouvernance régionale et locale.. Que ces quatre formes de défaillances soient interdépendantes, cela est une évidence. Que l’occultation volontaire desdites défaillances ait été permanente, cela en est une autre, aussi.

L’échec de la lutte pour l’éradication rapide de la pauvreté régionale

La lutte contre la pauvreté n’est pas un ‘long fleuve tranquille’

Un processus aux objectifs multiples: La lutte pour l’éradication rapide de la pauvreté régionale est au cœur des stratégies de développement régional – la clé du succès ou de l’échec de toute l’action gouvernementale en la matière. L’éradication demande du temps : l’expérience asiatique, chinoise notamment l’illustre loin. Elle passe aussi par une dynamique irréversible de réduction continue des poches de misère, où qu’elles se trouvent, sans laisser aucune population à la marge. Elle doit, enfin accélérer l’autonomisation des pauvres vis-à-vis de l’assistanat, de la bienfaisance, du secours urgent, via la création de sources de revenus propres.

Casser la résilience de la pauvreté: Et puis de quelle pauvreté parlons-nous ? De la pauvreté absolue ou de la pauvreté relative? De la pauvreté monétaire ou de la pauvreté non monétaire? De la pauvreté urbaine ou de la pauvreté rurale? De la pauvreté réelle ou de la pauvreté virtuelle, la pauvreté numérique? A la limite, cela n’a guère d’importance. Ce qui compte, c’est de fragiliser la pauvreté, quelle qu’en soit forme, de la précariser, de la vulnérabiliser, de casser sa résilience, partout où elle sévit. En cela, l’action gouvernementale tunisienne passée, n’a pas toujours été une réussite.

Une pauvreté régionale résiliente

La bataille de chiffres: Rien ne symbolise mieux le mal régional tunisien, et partant, l’échec de la politique de développement régional dans notre pays que la résilience de la pauvreté dans les espaces les moins nantis de la République. Nous n’entrerons ici ni dans la bataille des chiffres ni dans celle, qui lui est co-substantielle, la bataille des définitions. La récente querelle entre les statisticiens du ministère du Plan (INS) et leurs homologues du ministère des Affaires sociales à propos du taux de pauvreté en Tunisie a créé plus de confusion dans les esprits qu’elle n’a rétabli des vérités occultées jusque-là. On sait que la mesure de la pauvreté est fonction de la définition, c’est-à-dire du contenu qu’on veut bien lui donner, et des modes de calcul utilisés. Comme les contours du concept de pauvreté sont extensibles et que les modes de calculs possibles sont multiples, les taux de pauvreté peuvent varier du simple au double… voire, pour certains, jusqu’au au sextuple!

Les statisticiens tunisiens doivent revoir leurs copies: Sommes-nous plus proches des 5% clamés avec insistance par les planificateurs tunisiens du gouvernement Ben Ali ou des… 28% lancés, comme une bombe, le 28 mai dernier, par le ministère des Affaires sociales du gouvernement de transition? A cette interrogation dont on mesure aisément l’impact politico-médiatique dévastateur en cette Tunisie révolutionnaire rongée par le doute, nous nous contenterons de répondre comme suit: à 5%, le taux de pauvreté est trop faible pour être vrai. A quasiment 30%, le taux de pauvreté est trop élevé pour être crédible. La réalité est certainement entre les deux, probablement à mi-chemin entre ces deux extrêmes. Là aussi, les statisticiens tunisiens des ministères concernés devraient, une fois résolu le problème des définitions, revoir leurs copies, sur la base d’une investigation objective et exhaustive des conditions de vie du citoyen.