Tunisie : Discipline fiscale… le nouveau critère de citoyenneté


fiscale-02092011-art.jpgLes riches en France ont du cœur. Ils appellent à payer plus d’impôts. Le
dévouement fiscal pour soulager le budget. La citoyenneté gagne le cœur du
contribuable!

Il faut avoir vécu pour le voir. Seize figures emblématiques du capitalisme
français ont fait savoir publiquement qu’elles sont disposées à payer davantage
d’impôts. Cela se ferait sous forme d’une taxe supplémentaire. Elles
s’exprimaient en leur nom propre mais il y a lieu de penser qu’elles engagent en
même temps la majorité des gens fortunés. En toute vraisemblance, il ne s’agit
pas d’un groupe d’enragés mais bien d’un collectif de happy few qui traduisent
un sentiment largement répandu dans la classe des gens aisés et nantis. On a
jusque-là vécu avec l’image du riche, profiteur sur le dos de la communauté
nationale, fraudeur du fisc. Comme les temps ont changé! Quand le contribuable
positive, c’est un nouveau jour qui se lève pour la solidarité nationale.

Fiscalité et patriotisme

Selon la terminologie bancaire et financière, le budget français vivait une
impasse. L’ennui est qu’elle se creusait régulièrement. L’Etat français a exposé
l’affaire dans le champ public. Plus le déficit explosait et plus la dette
enflait, mettant en péril l’autonomie financière de l’Etat. La question était de
trouver les moyens de procurer plus de ressources à l’Etat afin de ne pas le
contraindre à supprimer certaines prestations sociales qui auraient
définitivement porté atteinte au modèle social français.

Alors, dans ce pays où l’impôt sur la fortune est décrié à gorge déployée, les
riches, à travers un groupe d’élite conduit par Liliane Bettancourt, actionnaire
de référence de L’Oréal et tête d’affiche des fortunes de France, vient au
secours du budget français pour le relayer. Ce revirement de mentalité nous
interpelle à plus d’un titre. Le plus beau est que l’histoire a fait tache
d’huile. Les artistes, sous la férule de Jamel Debbouze, suivi par Charles
Aznavour, eux aussi, y vont de leur engagement pour verser leur obole afin de
soulager le budget.

Toutes ces contributions réunies ne combleront pas le déficit mais elles ont une
valeur symbolique. C’est une expression civique du patriotisme car elle prend
une dimension de citoyenneté. Les gens nantis, qui n’ont pas besoin des
prestations du service public, car ils se soignent dans les cliniques privées et
étudient dans les écoles privées, jugent nécessaire d’y aller de leur
contribution pour détendre le budget de leur pays.

Le choc des civilisations

La fiscalité prend désormais la qualité de ciment de l’unité nationale. C’est
elle qui fait vivre l’Etat qui est la couverture pour tous. Le credo de la
discipline fiscale devient une clé de cohésion et de pérennité pour l’Etat. On
se souvient de l’initiative des riches américains au courant de l’été 2010 pour
se défaire de toute leur fortune au service de certaines causes humanitaires.
Mais ils ne le faisaient pas sous la couverture de l’Etat mais par leur
initiative propre.

Ainsi, Warren Buffet et Bill Gates et consorts faisaient don de sommes
mirobolantes mais toujours sous leur nom propre et par le bais de leur fondation
personnelle jamais à la gloire de l’Etat. Les Anglo-saxons voient l’Etat comme
un envahisseur, un intrus, une «chose», un «machin», enfin une structure
parasitaire. Quant aux Latins et par-delà les Méditerranéens dont les Tunisiens,
ils considèrent que l’Etat est la matrice nourricière sans laquelle rien ne se
conçoit et ne dure.

La “Règle d’or“

L’initiative des fortunés français intervient à un moment où le débat porte sur
l’inscription de la “Règle d’or“, portant sur l’équilibre budgétaire dans le
texte de la Constitution française. C’est dire si la question n’est pas d’‘ordre
vital pour l’Etat.

Sous peu, nous Tunisiens nous allons élire une Constituante et ce serait bien
que l’on évoque la question avec notre sensibilité propre. On peut toujours
inviter les riches à faire autant.

Cependant, je suggère que la classe moyenne y vienne à son tour. Nous
connaissons tous l’état sclérosé du service public et des prestations sociales.
Les parents d’élèves qui se saignent pour payer des cours particuliers. Une
contribution par l’impôt serait bien moins coûteuse que les frais de cours
particuliers et nous assurerait à tous un enseignement de qualité. Ce qui est
bon pour l’enseignement vaut également pour la santé publique et la culture. Et
il se trouve que ces trois éléments sont parmi les déterminants majeurs de notre
identité nationale. Celle-là même que nous avions défendue un fameux 14 janvier
2011.