Tunisie : Les neurones miroirs

J’ai cette mauvaise habitude d’allumer la télé, de mettre euro-news, de baisser le son, et de travailler tranquillement sur mon PC, avec un coup d’œil de temps en temps sur ce qui se passe dans le monde.

Mauvaise habitude parce que ça devient gênant. De plus en plus, je détourne inconsciemment le regard, je supporte mal les images du sang et les visages de morts. La guerre médiatique faisant que l’on est bombardé, constamment, par de telles images.

Des nuits durant, l’image des deux enfants morts lors de l’attaque américaine en Afghanistan, m’a hantée. Je regardais mes propres enfants avec une douleur, une gêne, un sentiment que je ne sais définir. Je me sens égoïste d’avoir des enfants en bonne santé, comparée aux parents de ces enfants morts. Egoïste ou coupable de quoi, je ne sais pas. De mon silence peut-être.

Bref. est-ce nécessaire de montrer ces images? C’est douloureux, et c’est un choix terrible en soi, mais c’est nécessaire oui, je pense. Sinon personne ne saura ce qui se passe vraiment. Et même si on nous le dit avec des mots, on ne le sentira que si l’on voit réellement des images. C’est comme ça, la mémoire visuelle est la plus forte, et la vue est beaucoup plus étroitement liée au cerveau limbique, celui des émotions, que la raison.

MONTRER est un choix dont l’objectif serait d’éveiller les consciences. En effet, je ne jette plus jamais de nourriture, après avoir vu des images de ces enfants squelettiques, en Afrique. Avec des mouches autour. Le film d’Angélina Jolie. Oui, moi aussi, j’ai vomis mon repas après, et j’ai inconsciemment détourné le regard à chaque fois que je sentais venir ces images. Trop dures à gérer.

J’ai fait des recherches, et j’ai appris que nous sommes tous dotés de ce qu’on appelle des «neurones miroirs». Réseaux de neurones responsables de ce sentiment d’empathie que l’on ressent, à la vue de quelqu’un qui pleure. Ca nous touche. Ca nous touche, justement parce que ce réseau de neurones est activé. Il paraît que les sérials killers présentent des lésions au niveau de ces réseaux-là. Ils ne ressentent rien en tuant.

Mais pourquoi nous détournons le regard alors? Inconsciemment parfois… Et comment ça se fait qu’avec autant d’images de ce qui passe mal dans le monde, de maladies, de douleurs de famines, et autres malheurs… comment ça se fait que l’on ne soit pas plus mobilisé?

Peut-être que trop de ces images tue l’image. Ca nous habitue à la terreur. Ca nous habitue au mal. Peut-être que, justement parce qu’elles sont abondantes, on ne les regarde plus vraiment. On détourne les yeux. C’est plus confortable. La recherche du «confort psychologique», la résolution des «dissonances» ou des conflits, sont des principes de base dans notre psyché.

Et s’il faut regarder… ne pas détourner le regard, pour activer ses réseaux de neurones miroirs, qui n’ont pas fonctionné depuis longtemps si ça trouve… on ressentira ce qu’endure l’autre.

Les neurones miroirs….peut-être la clé de l’évolution de notre espèce vers le meilleur, vers moins de cupidité, moins d’égoïsme, plus de partage, plus de bonheur, plus d’humanité?