Tunisie : Quand Béji Caïd Essebsi fait de la pédagogie!

sebbsi_13052011-320.jpgRarement une conférence nationale réunissant partis politiques, représentants de
la société civile et des régions intérieures, personnalités indépendantes et
syndicalistes de tous bords aura été aussi unanime. Cohérente. Enthousiaste.
Face à l’intimidante hauteur de vue du locataire du Palais de la Kasbah. Dont
l’obsession, depuis la formation de son gouvernement, au mois de mars 2011, est
de prendre de la hauteur. De retrouver de la profondeur stratégique. De sortir
du champ partisan. De dominer le quotidien. De s’adosser aux avantages d’une
stratégie de mouvement. Sans antagoniser quiconque. Sans subir l’usure et les
avanies du traitement des affaires courantes.

Finalement, au Palais des Congrès, personne ne jettera la pierre au Premier
ministre. Qui a l’art des grands épéistes. Qui sait des choses et sait les
taire. Qui s’est lancé dans des analyses limpides et lucides. De la situation
nationale et internationale. En contraste avec la balourdise idéologique. Des
uns et des autres. Raisonnant en termes de compromis. D’alliances. De
realpolitik.

Eh oui…! Le temps passe vite en politique. Hier encore mal-aimé et contesté, le
voici aujourd’hui légitimé. Au cœur du consensus. Lié à la
date du 23 octobre
2011
, qui verra la faune politique faire les yeux de Chimène aux Tunisiens.
Aller à la pêche aux votes. Aux dons. Afin d’imprimer sa marque. De s’affirmer
dans le tournoi des idées. De mettre le pied à l’étrier. D’honorer le verbe
“militer“. D’encenser le verbe être. D’engager la bataille résurrectionnelle. De
prendre d’assaut les sièges de la Constituante. D’amadouer les cœurs des
électeurs. Mais comme en amour, les preuves seront toujours à faire. Car le
pays, me dit un confrère, visiblement réconforté devant une salle pour une fois
à l’unisson, a besoin de repères, de retrouver un rapport au temps et de
remettre de la chronologie dans une société postrévolutionnaire marquée par «la
dictature de la transparence et du présentisme».

«Le gouvernement de transition qui prend, avec une philosophie stoïque, des
coups que les hommes de terrain sont là pour prendre, entend continuer à
coopérer et à dialoguer avec toutes les composantes de la société civile, les
partis politiques et les instances issues de la révolution, sans pour autant
brader ses prérogatives ou mettre en péril les équilibres macroéconomiques du
pays, mis à mal depuis des mois à cause des grèves périodiques, des sit-in
incessants, des revendications anarchiques et des conséquences désastreuses des
événements sanglants de la Libye sur la situation sécuritaire et économiques du
pays», déclare d’emblée
Béji Caïd Essebsi, qui appelle les élites politiques,
associatives et syndicales du pays présentes au grand complet au Palais des
Congrès, dans un élan de responsabilité et de maturité indéniable, à éviter les
bras de fer verbaux, à s’abstenir à s’enfermer dans l’interpellation du
gouvernement comme si c’était toujours lui qui commandait à tout et aux astres
et à apprendre au peuple, durant les quatre mois à venir, à se contraindre, à
prévoir et à resserrer les rangs autour des intérêts vitaux de la nation dans un
contexte régional et international de plus en plus tendu.

Tout au long de son intervention, le chef du gouvernement de transition, pour
qui un homme d’Etat doit se faire aimer par les pierres mêmes, a rappelé le rôle
avant-gardiste de la révolution du jasmin dans le monde arabe, les atouts de la
Tunisie pour devenir un pôle des droits de l’homme dans la région, le lieu où
l’islam politique donnera la preuve de son adhésion aux valeurs universelles
liées à l’alternance, à la démocratie et aux libertés individuelles,
l’obligation de se dresser contre les défis inhérents aux enjeux démocratiques
en cours et la disponibilité des partenaires traditionnels du pays, exprimée
d’ailleurs d’une manière solennelle au sommet du G8 à Deauville, de se tenir aux
côtés des Tunisiens dans cette période transitoire, généralement un champ
fertile pour la société médiatique, les doléances sociales, les surenchères
politiques, les lobbyistes organisés et les agents d’influence.