OPINION Tunisie – Société : Les jeunes et la politique

Etonnante à plus d’un titre est la pétition qui circule depuis quelques jours à
Tunis et qui est soumise à qui voudrait bien la signer, cependant que la liste
des signataires prend de l’importance et de l’ampleur à vue d’œil. Les auteurs
de la pétition sont des jeunes de 20-24 ans. Le texte, d’une concision
inhabituelle, reprend la mesure qu’aurait prise le gouvernement de transition
actuel, et selon laquelle ‘‘La Tunisie s’engage à rembourser ses dettes
extérieures d’ici la fin de l’année en cours’’, sachant que ces dettes sont
d’une hauteur de plusieurs milliards d’euros (ou de dollars) consentis par le
FMI et la Banque mondiale. Par conséquent, les auteurs de la pétition demandent
l’annulation pure et simple de ces dettes, ou, du moins, leur rééchelonnement
sur plusieurs années, ou encore que le gouvernement de transition revient sur sa
décision. Le motif invoqué est que le pays, dans cette phase délicate qu’il
traverse difficilement, ne pourrait s’acquitter de ses dettes sans basculer dans
la misère noire.

Evidemment, il reste à vérifier si vraiment, et dans l’état actuel des choses,
le gouvernement provisoire s’est engagé dans ce sens. Mais quoi qu’il en soit,
cette pétition ne peut laisser indifférent. Au contraire, elle est chargée de
soucis et inspire quelques réflexions qu’on ne saurait, à notre tour, ne pas
jeter sur la table du débat :

1) Il est clair aujourd’hui que les jeunes continuent à revendiquer leur
Révolution ! Implicitement, ils sont en train de rappeler tout le temps que la
Révolution tunisienne, personne ne l’a faite, mais eux, et seulement eux ! Un
point, d’ailleurs, sur lequel nous sommes tout à fait d’accord.

2) Que leur jeune âge ne leur permette pas de participer aux décisions
politiques engageant d’une manière ou d’une autre le pays, cela, ils le savent ;
mais ils entendent avoir coûte que coûte leur mot à dire pour tout qui concerne
le devenir du pays;

3) Il est aussi clair que la Tunisie d’aujourd’hui ne nous appartient plus (nous
les adultes), mais à ses jeunes ; les auteurs de la pétition sont indirectement
en train de nous dire: «La Tunisie de demain est la nôtre, pas la vôtre; alors,
faites attention à tout ce que vous… faites: car c’est nous qui, demain, serons
appelés à payer les pots cassés, s’il s’en trouve»;

4) Et le plus important à signaler, ici, c’est que nos jeunes ont peur! Ils ont
peur pour leur avenir, et, partant, pour le devenir de leur Tunisie.

Maintenant, lue au deuxième degré, cette pétition nous rassure malgré les soucis
qu’elle renferme. Jusqu’à il y a peu de temps, nous avons pris l’habitude de ne
voir à travers nos jeunes que des fans de rap, de musique disco, et surtout des
fous de football. Aujourd’hui, nous prenons conscience, avec beaucoup de joie et
de plaisir, que nos jeunes gagnent en maturité et en fermeté. Contrairement à
nous qui avons été aveuglés par le culte de la personnalité de Bourguiba et
malmenés par la dictature de son successeur sanguinaire, les jeunes de ce début
du 21ème siècle ne semblent pas prêts à subir sans réagir. C’est une jeunesse
qui décide de prendre son destin à deux mains, et advienne que pourra. Frondeurs
mais civilisés, les jeunes Tunisiens de notre époque ne sont pas dupes, et,
surtout, ne se laisseront pas faire. Nous en sommes très fiers.

Mais encore faut-il que le gouvernement de transition les écoute…