Tunisie-Diplomatie : Motus et bouches cousues

Il ne fallait pas être un spécialiste pour constater le grand déficit observé
par la diplomatie tunisienne pendant les 23 années du règne des
Ben Ali-Trabelsi.
Les entretiens du ministre et des secrétaires d’Etat étaient suivis de
communiqués secs qui mettaient en avant les “acquis et réalisations de la
Tunisie dans tous les domaines”, exprimés le plus souvent par l’hôte de la
Tunisie, et les thèmes abordés au cours de l’entretien.

Le site web du ministère tunisien des Affaires étrangères a changé depuis le 14
janvier 2011. Outre son ergonomie, qui est à l’instar de tout le ministère en
recomposition, le site comporte des informations d’actualité. En outre, un lien
Facebook a été introduit ainsi que des vidéos. Il s’agit de l’expression d’un
certain renouveau dont l’un des terrains est celui de la communication.

Il ne fallait pas être un spécialiste pour constater le grand déficit observé
par la diplomatie tunisienne pendant les 23 années du règne des Ben Ali-Trabelsi.
Le ministère des Affaires étrangères était l’un des rares au monde et dans la
région à ne pas avoir de Porte-parole, ni à organiser des conférences de presse.

C’était “motus et bouches cousues”, pour reprendre une expression largement
connue. Les entretiens du ministre et des secrétaires d’Etat étaient suivis de
communiqués secs qui mettaient en avant les “acquis et réalisations de la
Tunisie dans tous les domaines”, exprimés le plus souvent par l’hôte de la
Tunisie, et les thèmes abordés au cours de l’entretien. Ou du moins certains
d’entre eux.

Le ministère réagissait, par ailleurs, à deux occasions: lors de quelques
anniversaires (Journée des Nations unies, Journée de l’Afrique, …) avec des
textes longs publiés dans tous les quotidiens pour raconter la même chose d’une
année à une autre, ou lorsqu’il fallait “répondre” à des “allégations” et des
“mensonges” –c’était toujours le cas; c’est-à-dire lorsque la diplomatie
tunisienne -plutôt le Palais de Carthage- était contrariée par une déclaration
d’institutions et/ou de responsables étrangers.

Sur ce terrain, les diplomates avaient-ils, du reste, les moyens d’avoir une
initiative quelconque? La réponse est évidement non. Les contours étaient tracés
pour tout un chacun. Les diplomates avaient notamment pour obligation de débiter
à satiété le même discours fait pour l’essentiel de chiffres pour présenter les
avancées du pays: importance de la classe moyenne, taux de scolarisation des
filles, pourcentage des femmes à l’université, équipements en ordinateurs,
nombre d’internautes,…

Ou encore des rappels historiques: premier pays arabe à avoir libéré la femme,
premier pays arabe à se doter d’une Constitution, premier pays arabe à avoir
aboli l’esclavage,… Evidement rien sur les Droits de l’Homme. Les réponses
étaient les mêmes lorsque -par malheur- la question était posée par un diplomate
étranger: absence de prisonniers politiques, indépendance de la justice,
approche globale des droits humains,…

Les choix ne suivaient pas le tracé des intérêts du pays

Cela dit, le pouvoir en place avait peut-être pensé que les diplomates n’étaient
pas à la hauteur pour “défendre ce dossier” ; et nous avons vu naître un corps
de “spécialistes”, grassement payés, qui voyageaient d’une capitale à une autre
pour apporter “la bonne parole de Ben Ali” dans ce domaine.

La diplomatie tunisienne avait-elle les moyens d’agir? Les choix des
implantations des ambassades et des consulats généraux ou des consulats ou
autres centres dépendant du ministère des Affaires étrangères ne répondaient
pas, aux dires de beaucoup de vieux routiers de la diplomatie tunisienne, à une
vision claire. Ces choix ne suivaient pas le tracé des intérêts du pays. «Ainsi,
après avoir investi des efforts en Afrique, durant les années soixante et
soixante-dix, l’”ère des Ben Ali-Trabelsi” aura été celle d’un abandon de
l’Afrique où tout le monde, à commencer par les grandes nations asiatiques, ne
cessait de gagner du terrain», note un ancien diplomate.

Autre terrain de défaillance de la diplomatie tunisienne: l’intérêt pour la
communauté tunisienne à l’étranger. Celle-ci était perçue, malgré les discours
bienveillants, comme, d’abord, une masse d’électeurs. “Les Tunisiens à
l’étrangers qui avaient une parfaite connaissance du terrain n’étaient
sollicités que pour ramener des adhérents au RCD, l’ancien parti au pouvoir.
Ainsi, seuls les Rcdistes avaient droit de cité et la confiance des premières
années du règne des Ben Ali-Trabelsi a fini par céder le pas à un réel
mécontentement “lorsqu’il s’agissait d’entreprendre quelque chose dans le pays…
Les Tunisiens à l’étranger découvrant l’autre face d’une image que les
responsables du pays essayent de leur vendre: celle d’un pays rangé par la
corruption”, remarque notre ancien diplomate.