Tunisie : Le Conseil national de l’UTICA dénonce l’économie informelle

hedidjilani-220.jpg«Si par malchance, vous avez besoin d’une greffe d’organe, surtout n’acceptez pas celui venant d’un homme d’affaires, ses organes sont déjà trop fatigués pour vous remettre d’aplomb et vous rendre la santé». Il s’agit là de ce que nous appelons communément de l’humour noir venant de la bouche d’un opérateur privé, président d’une fédération à l’occasion de la tenue, jeudi 15 juillet 2010, du Conseil national de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA). Il renvoie à une petite présentation faite au début du Conseil par Dr Chebil à propos de l’importance du don d’organes mais surtout exprime le malaise vécu par la communauté d’affaires dans notre pays face à certains maux qu’elle n’arrive pas à éradiquer ou même à réduire.

Parmi ces grands maux, l’économie informelle, car il ne s’agit plus de commerce parallèle, mais d’une «industrie parallèle», a précisé un intervenant; il y aurait d’après lui des usines qui fabriquent de produits en vente sur nos marchés sans qu’elles existent légalement.

Mais pas seulement, la plupart des intervenants représentant différentes fédérations ont insisté sur l’importance de l’équité fiscale. «Il n’est plus admissible que nous qui opérons en toute légalité, qui peinons jour et nuit, qui créons des postes d’emplois et assurons tous leurs droits à nos travailleurs, soyons les seuls à nous acquitter des impôts, de la couverture sociale et toutes les charges inhérant à la bonne marche d’une entreprise. Nous sommes les seuls qui assumons toutes nos responsabilités, alors que d’autres qui opèrent dans l’informel et en toute illégalité sont exempts de toutes les charges, profitant uniquement des bénéfices et des gains sans parler des faux forfaitaires», s’est révolté un intervenant opérant dans le secteur de l’électroménager. «Le commerce parallèle n’est plus limité à des zones tel que la Rue Zarkoun ou Moncef Bey, il est aujourd’hui exercé dans des zones résidentielles comme Ennasr, El Manar et les Berges du Lac au vu et au su de tout le monde», déplore un jeune entrepreneur.

L’exigibilité de la transparence de la part des entreprises impliquerait donc la protection de ces entreprises de certaines activités tolérées mais non légalisées et qui menacent leur existence même. Elle implique également que tous les acteurs économiques soient soumis au contrôle administratif de la même manière, ce qui, apparemment, n’est pas le cas de tout le monde d’après les représentants des différents corps de métiers présents dans la salle du Conseil.

Les problèmes fondamentaux auxquels font face la plupart des opérateurs privés se situent donc dans leurs rapports avec les administrations, qu’elles soient celle des Finances ou des Affaires sociales qui, d’après le président de la Fédération des textiles, ne répondent jamais présentes lorsqu’elles sont sollicitées.

La CNSS aurait même refusé d’autoriser un entrepreneur à recruter des diplômés du supérieur parce qu’elle estimait qu’elle devait tout d’abord éclaircir certains points qu’elle considère confus avec lui. Tout comme elle l’a empêchée de faire profiter ses employés d’un fonds social, le menaçant de sanctions car cela serait considéré comme un complément de salaires.

Un autre homme d’affaires dénonce également certaines positions hostiles de la part des agents de la Caisse nationale de la sécurité sociale. «Avec la CNSS, nous sommes toujours présumés coupables, alors que ce que nous voulons est que notre administration soit un catalyseur et non un frein», a-t-il remarqué.

Une confusion également dans la coordination entre certains ministères tels ceux de l’Industrie et de l’Intérieur, indique le président de la Chambre nationale de la bijouterie, confusion qui peut avoir des répercussions même sur la sécurité des artisans et des bijoutiers.

Hédi Djilani, président du patronat tunisien, qui a observé, en passant, que la représentativité du secteur privé reste limitée au niveau de la Chambre des députés ou du Sénat: «Même si la qualité de nos interventions est d’un niveau élevé», a attiré l’attention sur le fait que le commerce parallèle crée une confusion au niveau des prix entre les produits locaux et ceux venant de l’extérieur par des moyens illégaux. Il a également insisté sur le rôle négatif joué par les femmes dans la consommation de produits qui détruisent notre économie. «Les femmes tunisiennes réputées pour être avisées et intelligentes ne doivent pas encourager au développement de pratiques qui vont à l’encontre des intérêts de leurs enfants. Car si l’entrepreneur tunisien souffrant d’une concurrence déloyale n’investit plus, qui est-ce qui emploiera leur progéniture et futurs diplômés du supérieur ?», a-t-il clamé.

D’autre part, a ajouté le patron du patronat, le code du Travail dans notre pays nécessiterait une révision au plus tôt car il effraie les investisseurs à cause de sa rigidité. «Le meilleur protecteur de l’emploi reste l’emploi lui-même s’il est assuré par des compétences et des personnes impliquées et responsables».

Ceci étant, l’objectif de tous les acteurs économiques, qu’ils soient privés ou publics, est de renforcer la confiance dans l’environnement des affaires dans notre pays et d’offrir aux différents opérateurs les moyens d’évoluer dans un climat sain, équitable et transparent. «Car ce que nous ambitionnons, a précisé un opérateur privé, c’est de pouvoir nous développer à l’échelle régionale, africaine et internationale». Pour cela, il faudra que nos entrepreneurs aient «des reins solides», d’abord, à l’échelle nationale.

– Tous les articles sur

Utica