Tunisie – Pêche : Le thon rouge, victime de la mondialisation!

Il était une fois un poisson sauvage très bon nageur (!), qui ne parvient pas à
passer entre les mailles des filets réglementaires afin de sauver son espèce…

Le stock de thons rouges en âge de se reproduire -les poissons âgés de 4 ans ou
plus et d’un poids de plus de 35 kg- a baissé en Méditerranée de 74,2% de 1957 à
2007 -dont 60,9% au cours des dix dernières années. L’année dernière, la
première organisation de protection de la nature, le WWF, rendait publique une
analyse exclusive montrant que la population de thon rouge va disparaître de la
Méditerranée d’ici 2012. Cette étude révèle que la taille des thons matures a
diminué de plus de moitié depuis les années 1990, ce qui joue dangereusement sur
les capacités de reproduction de l’espèce.

L’organisation environnementale dénonçait déjà la surcapacité des flottes de
pêche, les captures réelles qui dépassent de loin les quotas, la pêche pirate,
l’utilisation illégale d’avions de repérage, la sous-déclaration des captures,
la pêche durant la saison de fermeture, et des mesures de gestion qui ne
tiennent pas compte des avis scientifiques comme responsables d’une
surexploitation de la ressource méditerranéenne en thon rouge et donc de
l’effondrement des stocks naturels.

Et voilà que ce mercredi 3 février 2010, le ministre français de l’Ecologie,
Jean-Louis Borloo, et son homologue de l’Agriculture, Bruno Le Maire, ont
annoncé que la France plaiderait pour l’interdiction du commerce international
du thon rouge lors de la réunion des 175 pays membres de la Convention de
Washington sur le commerce international des espèces de faune et de flore
sauvages menacées d’extinction (CITES), prévue à Doha (Qatar) du 13 au 25 mars
prochain, pour étudier ensemble 42 mesures à prendre pour sauver l’espèce en
danger.

Quelle importance cette décision aura-t-elle en Tunisie ?

D’après une source digne de foi qui participait à une réunion organisée le
vendredi 5 février 2010 à ce sujet par la Direction générale de la pêche, cette
décision d’aura «aucun» impact sur la Tunisie. Certes, cette déclaration est
rassurante pour les quelques familles tunisiennes de pêcheurs qui vivent de
cette activité, cependant, il faudrait envisager des mesures de soutien à court
terme, et des mesures de reconversion à moyen et long terme.

En effet, en Tunisie, la pêche et l’exploitation du Thunnus thynnus, le petit
nom scientifique du thon rouge (qui n’est pas le thon que nous trouvons en
conserves), obéit aux règles fixées par la Commission internationale pour la
conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA ou ICCAT). Depuis quelques
années, la trentaine de bateaux concernés par cette pêche voit leur quota fondre
comme une peau de chagrin : de 1.370 t pour une période de pêche de 2 mois en
2008, à 1.060 t pour une période de pêche de 28 jours en 2009.

Rappelons que l’ICCAT, qui réunit 47 pays (dont la Tunisie) et l’Union
Européenne, a décidé en novembre 2009 de diminuer les quotas de pêche d’un
tiers, avec une limitation des captures à 13.500 tonnes au lieu des 19.500
tonnes prévues initialement pour 2010 (22.000 t en 2009) et que le Japon
consomme 80% du thon rouge pêché en Méditerranée.

Mais ce quota est très critiqué par les associations écologistes qui préconisent
un quota maximum de 8.000 tonnes par an pour se donner 50% de chances de voir
les stocks de l’espèce se reconstituer.

Nos enfants auront-ils la chance de pouvoir gouter cette espèce menacée
d’extinction ?