Tunisie – Services bancaires : La qualité sinon rien !

Question ultra sensible qui dépasse le seul aspect du
relationnel qui lie le client à sa banque. Ce n’est pas un souci d’ordre
commercial, stricto sensu, mais un impératif pour l’économie nationale. De ce
fait, la qualité est érigée en obligation légale.

Le Club «Atuge Finances» a fait tilt en abordant le sujet de la qualité des
services bancaires lors de son dernier petit-déjeuner de presse samedi 4
juillet où le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, M. Taoufik Baccar,
était l’invité d’honneur.

L’affaire dépasse le seul champ d’intérêt qui lie la clientèle aux banques ;
elle est d’intérêt public. La qualité des services bancaires conditionne, en
grande partie, dira en substance le gouverneur, la compétitivité du reste du
champ économique. C’est dans cette perspective que les pouvoirs publics et
les autorités monétaires et bancaires en font un «Grand Chantier» du plan de
réformes dont «même la crise ne nous en a pas détournés», ajoutera M.
Taoufik Baccar.

La présence du gouverneur de la BCT à cette manifestation est un signal fort
qui en dit long sur l’engagement des pouvoirs publics ainsi que des
autorités monétaires et bancaires, lesquels, après avoir amorcé le problème,
œuvrent à le faire aboutir à vive allure, avec des obligations précises de
résultat.

La qualité de services : quand, comment et pourquoi ?

Sitôt que le secteur bancaire eut recouvré la santé de l’apurement des
créances litigeuses qui dévoraient 25% de ses actifs, le dossier de la
qualité fut tout de suite après engagé sur terrain. La démarche est encore
toute récente. Jusqu’à fin 1996, les conditions de banque étaient encore
totalement fixées par la BCT.

A quoi servait-il aux banques de se démarquer de la concurrence ? Il n’y
avait pas matière à différenciation dans la manière de faire le travail.
L’uniformité empêchait le métier de se libérer. Mais très vite on a compris
que la production bancaire était une source de création de valeur. C’est
alors que la profession, soutenue par les pouvoirs publics, s’est donné les
moyens de produire avec une optique qualité. Là-dessus, la profession s’est
organisée et la place s’est dotée de moyens avancés tel le projet de
télécompensation dont le mérite est d’uniformiser les délais de compensation
de chèques sur tout le territoire de la République. Pareil pour le transport
de fonds assuré par un tiers prestataire.

La monétique, après avoir été structurée, a bénéficié d’un plan de
développement. La Centrale des risques a été organisée apportant le
complément de transparence nécessaire. La plateforme de paiement
électronique est opérationnelle, autorisant les gros paiements on-line.

Les banques, pour leur part, ont suivi le mouvement et ont travaillé à
tendre leurs réseaux d’agences. Ayant supprimé l’autorisation préalable, la
BCT a mis en place une simple procédure de cahiers de charges. Et cela a
permis au réseau global d’exploser.

Sur les trois dernières années, 20 agences ont été ouvertes permettant aux
banques de répondre au besoin de proximité émis par les clients.

Les réformes majeures

En réalité, le métier à été gagné par la fièvre de la qualité dès que la
déréglementation est devenue effective. Cela a eu pour corollaire de décider
les banquiers à segmenter leur activité, et à la faveur de l’agrément unique
qui intronise le concept de banque universelle, on a enregistré, dira le
gouverneur, une profonde métamorphose salutaire.

La banque de détail et la banque commerciale se sont bien profilées. Et la
profusion des produits et leur individualité à l’heure présente sont une
réalité tangible. Jusqu’en1998, les crédits personnels étaient interdits, et
on connaît les ravages que cela a causé au niveau de la distribution
laquelle se substituait aux banques. Cela a fait beaucoup de victimes.

En réhabilitant le crédit à la consommation, on a créé un gisement
inépuisable de croissance pour les banques. Les banquiers ont développé leur
système d’information, ce qui les a aidées à développer le marché en
travaillant à relever le taux d’équipement de leur clientèle. A titre
d’exemple, le gouverneur a évoqué l’explosion du nombre des cartes et de
citer qu’on a enregistré en 2008 un total de 30 millions d’opérations par
carte contre 3 millions soit 10 fois moins à peine 4 ans auparavant.

Avec un taux de satisfaction de 95% sur ces prestations, M. Baccar considère
que les 5% de dysfonctionnements restant n’invalident pas le succès du
basculement vers les paiements généralisés par carte bancaire encore qu’eux
aussi sont pris en mains et font l’objet de suivi attentif.

D’une façon générale, si la hiérarchie des produits est assez ressemblante,
les tarifs et les conditions d’octroi font la différence et constituent un
vaste domaine de démarcation commerciale.

Et au niveau de l’organisation, les banques ont beaucoup progressé. Le back
office a déserté l’agence -devenue point de vente où le chargé de clientèle
devient roi et où le local est découpé selon une architecture dédiée à la
performance : accueil, guichet (opérations courantes) et aire de crédit.

Doter la qualité d’un cadre légal

Au niveau immatériel, les autorités bancaires et monétaires, édifiées sur la
sensibilité de la question de la qualité, l’ont extraite de son seul giron
de souci commercial des établissements bancaires. Elles l’ont dotée d’une
plateforme légale en codifiant les prestations bancaires les assortissant de
dispositions précises. Il en est ainsi de l’obligation d’informer le client.
Dans cette catégorie, on range les «instruments» classiques du relevé
mensuel mais également du préavis de rejet mais également de la remise
obligatoire du tableau d’amortissement d’un crédit ou de l’impact sur les
mensualités de crédit d’un éventuel relèvement du taux d’intérêt, quand il
est variable, qui ferait suite au relèvement du TMM.

Bien entendu ces pratiques diffusent avec la difficulté qu’éprouvent tous
les changements culturels qui touchent aux comportements des individus et
aux pratiques des organisations. Mais la chose est bien en route. Et au-delà
de ces considérations pratiques, cette base légale donne un droit de
recours. La préférence en la matière va vers une forme d’arbitrage en
instituant la généralisation du poste de médiateur. D’ailleurs, 80% des 300
litiges soulevés par les clients ont été résolus via le médiateur bancaire
et seulement 20% par les voies judiciaires.

L’Observatoire bancaire

Dans ce contexte, l’Observatoire bancaire prend tout son relief. Dès lors
qu’il y a dérégulation, il faut doter la clientèle d’un instrument global de
transparence et c’est bien son rôle. En éditant le tableau comparé des
conditions de banques, c’est-à-dire des tarifs, des délais de réponse aux
demandes de crédits dont l’affichage dans les locaux des banques est
obligatoire, l’Observatoire donne la possibilité aux clients de faire leur
marché en toute transparence. Bien entendu, pour évaluer le degré de progrès
en matière de qualité, l’Observatoire devrait pouvoir établir des «clés de
performance» afin de pouvoir conduire des enquêtes auprès du public, et
c’est ce qui figure dans son agenda.

A côté de l’Observatoire, le Salon des services bancaires et de la Monétique
et les journées portes ouvertes poussent vers la qualité. L’institution d’un
‘’Prix du président de la République’’ récompensant la meilleure agence, qui
sera octroyé en 2009 pour la première fois, incruste le souci de qualité
dans le business-plan des banques. Mais le dispositif institutionnel ne
viendra pas tout de suite à bout des pratiques héritées du passé. La
relation client/banque reste de nature asymétrique, c’est le banquier qui
pense garder l’avantage. Et si tant est que le référentiel de qualité choisi
est inspiré par l’expérience européenne, il faudrait que les progrès
suivent.

Qualité et coûts

Les systèmes d’information des banques ont enregistré des progrès sensibles
-la banque multicanale (via le net et le mobile) est bien là- mais les coûts
des prestations n’ont pas suivi. On devrait voir un certain tassement des
tarifs. La tendance est là mais les économies d’échelle ne sont pas
importantes. Les banques se plaignent de ce que leurs commissions ne
couvrent pas la totalité des charges salariales, mais à peine 60% pour un
effectif de 16.700 employés, invarié depuis 10 ans, comme le rappellera M.
Badreddine Barkia, directeur général à la BCT. Cela plaide-t-il en faveur
d’un mouvement de fusion. L’Etat, en la matière, a donné l’exemple en
regroupant trois de ses plus importantes banques de développement (STB, BNDT,
BDET).

L’atomicité du secteur, constitué à présent de banques privées, demain dans
un contexte d’ouverture, serait un facteur de fragilité.

La qualité serait-elle le point de levier qui manquait au secteur pour
réfléchir à un mouvement de fusion qui lui confèrerait une plus grande masse
critique ? Wait and see.