Tourisme tunisien : A l’ombre de la crise

L’ensemble des représentants du tourisme tunisien à l’étranger se sont
rencontrés la semaine écoulée durant une journée de réflexions, de bilans,
de projections et de rapports, sous l’œil vigilant d’un ministre du Tourisme
qui voulait motiver ses troupes. Il a été question autant de stratégies et
de promotions que de mesures à prendre pour affronter une conjoncture
difficile à cause de la crise économique. La crise venant s’ajouter à une
liste déjà assez lourde de défis, que se doit de relever le tourisme
tunisien pour passer à la vitesse de la performance.

Se voulant rassurant, Khelil Laajimi a annoncé que le flux touristique vers
la destination Tunisie est stable, vu les résultats positifs du premier
trimestre 2009. Les prévisions pour cet été se maintiennent, et la cellule
de crise créée au sein du ministère du tourisme veille de manière continue
sur l’évolution des marchés.

Malgré un enthousiasme apaisant, le ministre du Tourisme a attiré
l’attention sur la grippe porcine qui, depuis quelques temps, rajoute un
obstacle supplémentaire contre la volonté de voyages chez les consommateurs.

La baisse dans le pourtour méditerranéen est confirmée. La tendance est en
recul, mais qui s’en étonne ? Les répercussions de la crise économique sont
conséquentes. Le Mediteranen Travel Association (META), dans sa lettre du
mois de mai 2009, résume en des termes crus mais douloureux la situation :
«Le premier trimestre 2009 aura le triste record (provisoire) de la plus
grande baisse des départs en tourisme du nouveau siècle ; pire que 2001,
pire que l’épidémie de SRAS de 2003 ; avec des décotes de 20 à 30% par
rapport au premier trimestre 2008, que ce soit dans l’hébergement,
l’activité des agences de voyages physiques, le transport aérien (surtout
longue distance), touchant indifféremment les secteurs d’affaires et de
loisirs. Cette baisse subite entraîne dépôts de bilan, plans de
licenciement, fermetures brutales de routes aériennes» low cost,
effondrements préoccupants de recettes en Méditerranée, qui caractérisent
notre époque d’hyper réactivité. Une grippe porcine inquiétante, née au
Mexique fin avril, déclenche une pandémie, ajoutant une crise à la crise.
N’en jetez plus !».

Pour le moment, c’est l’attentisme et l’observation qui sont de rigueur. Les
destinations concurrentes injectent de l’argent. Certaines en injectent
beaucoup dans la promotion «tout de go» ou ciblée. Elles soutiennent “des
opérateurs décisifs pour leur marché en particulier” ou parient sur des
régions à fort potentiel.

Dans le monde, nombreux opérateurs touristiques, particulièrement européens,
sont fortement menacés de faillite. Les temps sont durs pour toute
l’industrie du tourisme: destinations, opérateurs, hôtellerie, aérien…
Chaque pays se débrouille au mieux, ou «au moins pire» pour faire passer la
tempête.

Entre temps en Tunisie, certains continuent de croire qu’une tranche de la
clientèle se rabattra sur des destinations plus proches et économiquement
plus accessibles comme la Tunisie, faute de ne pouvoir voyager vers des
destinations lointaines et onéreuses. La Tunisie pourra, semble-t-il,
récupérer des parts de marché, mais n’est-elle pas déjà en train de perdre
un large segment de sa clientèle?

Durant ce 37ème séminaire, huit marchés ont été passés au peigne fin : la
France, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne, la Russie, la Tchéquie… Autant
dire que le son de cloche était le même pour tous. Les marchés,
classiquement émetteurs de touristes pour notre destination, sont en baisse,
voire en berne. Au mieux, on avance «un manque de visibilité et
l’inexistence de prévisions», au pire, on annonce clairement «la baisse et
le recul».

Les attentes du booking pour l’été 2009 sont négatives. A titre indicatif,
le marché français, qui a tout de même enregistré une augmentation de 4,5%
et une hausse de 7% sur les nuitées, à l’issue de l’exercice 2008, est
parvenu à totaliser près de 1,4 million de touristes. Sur ce marché,
précisément, on s’attend à une baisse de réservations de l’ordre de 21,7%
pour l’été 2009.

Le comportement du marché français est loin d’être unique. Les attentes en
termes de réservation pour la saison estivale 2009 se situeraient à -15% sur
le marché allemand, toutes destinations confondues. Le marché italien,
fortement réputé pour sa saisonnalité, continue de chuter. Cet hiver 2009,
il était à -30% et l’on retient son souffle pour voir comment il se
comportera cet été.

Baptisé le «mystère», le marché britannique continue de mener la vie dure au
tourisme tunisien. La destination poursuit sa chute fulgurante et la baisse
se situe à -18,5% en termes d’entrées et à -14,9% en termes de nuitées.
L’état du booking afficherait un recul de 12% pour l’été à venir.

Du côté de l’Espagne, la baisse est attendue à hauteur de 17,7% et les
nuitées sont en recul de 14,7%.

L’état des réservations pour l’été 2009 sur le marché russe affiche, pour sa
part, un recul de 40% par rapport à l’été précédent.

Il convient de mentionner que les opérateurs touristiques européens sont
quasiment tous dans le flou. L’année 2009 s’annonce assurément comme celle,
du last minute, du report et recul des départs en vacances. Elle confirme le
retour au tourisme national et de proximité.

La crise n’épargne aucune destination

Comme un malheur n’arrive jamais seul, la crise a aussi fait des ravages sur
nos concurrents. Personne n’y échappe : Turquie, Egypte, Espagne, Maroc, …
Faut-il s’en réjouir pour autant ? Assurément non, mais les chutes des
ventes ont bel et bien concerné toutes les destinations. A titre d’exemple,
l’Egypte a connu un hiver très difficile avec une régression de 64% suite à
l’annulation de 80% de sa programmation charter sur la Russie.

Sur le marché allemand, l’Égypte accuse un recul de 21,6%, la Turquie de -6%
et l’Espagne de-8%.

Le Maroc, par contre, enregistre une progression de 8,6% soit +11.954
clients. Et il n’est pas le seul !

Sur le marché anglais, l’Égypte fait des miracles. Dans un marché global
largement négatif (-7%), le pays des pharaons et des petits poissons affiche
une hausse de 31%. On a beau expliquer cette percée par: «l’image très
positive perçue par les vacanciers britanniques, le rapport qualité/prix, le
facteur climatique (hiver très doux) et une forte relation commerciale avec
les grands TO», la situation pousse à la réflexion.

La crise économique et financière a des incidences très lourdes sur
l’économie mondiale. Ses premiers impacts se reflètent incontestablement sur
le secteur du tourisme et des voyages par précisément l’émergence de
nouveaux comportements et stratégies de consommation. Selon les experts,
“les tendances sont à l’achat malin : achat rationnel, comparaison des prix
et des offres, recherche du bon plan Internet, dernière minute, satisfaction
des besoins fondamentaux, recul de la consommation «bling-bling», priorité
au durable, au solide, à l’utile indémodable, renforcement des liens de
proximité… “.

Des analystes mettent en exergue que cette crise est la première récession
après la révolution Internet. «En termes de marketing et de communication,
on assiste à un profond changement à la fois dans la façon dont les
consommateurs fonctionnent et dont les opérateurs peuvent agir. Les
consommateurs ont plus de choix, plus de médias, plus de sources
d’informations, plus de facilité dans la gestion de leurs choix, et en
conséquence utilisent cette nouvelle liberté pour gérer leur budget et leurs
achat». Ils conseillent d’optimiser les outils de e-marketing et de
commercialisation en ligne, et notamment les nouveaux outils du web 2.0 :
production, personnalisation et partage de contenus, mise en place d’outils
collaboratifs (Wiki, blogs, podcast, flux RSS, réseaux sociaux et
professionnels),…

Alors que durant les crises précédentes, les premiers budgets à être réduits
étaient ceux de la publicité, Internet est, peut-être, aujourd’hui une
sortie de secours. Les plus malins s’y investissent ardemment. En 2009, le
web serait «au premier rang des solutions efficaces et immédiatement
rentables pour informer, rassurer, séduire, convaincre et fidéliser les
consommateurs». Ne dit-on pas que “c’est en temps de crise que l’on découvre
qui l’on est!”.

Il s’agit aujourd’hui de savoir répondre à la crise, panser ses blessures et
se projeter dans l’après-crise. Les temps qui s’annoncent seront difficiles
pour tous, mais ceux qui affronteront mieux la crise seront les premiers à
s’en relever.