La Chambre syndicale des SSII tunisiennes «Infotica» et la
société 2CW organisent la 3ème édition du Salon de l’Outsourcing&It solution
(externalisation des fonctions et des services), qui se tient du 15 au 17 avril,
au Parc des Expositions du Kram. L’outsourcing, ou l’externalisation, est une
activité qui se développe de plus en plus en Europe et qui commence à gagner du
terrain dans notre pays. Elle consiste à réduire et améliorer les coûts de
structure au sein de l’entreprise, à rendre les opérateurs plus performants et
renforcer leurs avantages compétitifs en leur permettant d’axer leurs efforts
sur leur activité principale.
Pour en savoir plus, entretien avec Noureddine Hajji, Managing Director AMC
ERNST & YOUNG. Diplômé Expert Comptable, il est associé fondateur du cabinet AMC
Ernst & Young, sponsor du Salon de l’Outsourcing&It solution.

    : qu’est ce qui motive le recours à l’outsourcing, selon vous ?
Noureddine Hajji* : L’outsourcing est, à la base, un choix de
    management pris par une entreprise dans le but d’améliorer ses performances.
    D’une façon générale, un management rationnel s’emploie à aligner le modèle
    d’organisation de ses activités et de ses hommes avec la vision et les
    objectifs stratégiques de son entreprise. Parmi les modèles utilisés, figure
    l’outsourcing (ou externalisation) qui consiste à déplacer durablement un
    rayon d’activité de l’entreprise bien déterminé vers l’extérieur. Cette
    activité devient traitée par un opérateur externe à l’entreprise qui peut
    d’ailleurs être localisé soit dans le même pays que l’entreprise ou dans un
    autre pays. 
    Ce qui vient à l’esprit en premier pour motiver les entreprises à
    externaliser certaines de leurs activités, c’est d’abord le potentiel de
    réduction des coûts. En réalité, ce n’est pas la seule raison.
    L’externalisation permet à l’entreprise de se concentrer sur les activités
    les plus critiques dans la chaine de valeur créée. Elle lui permet aussi de
    se libérer, d’une certaine façon, du risque lié aux activités externalisées.
En 2008, vous avez publié une étude dans laquelle, vous avez parlez de
    six fonctions qui sont plus externalisées au niveau des entreprises
    tunisiennes, quelles sont ces fonctions? 
Il y a d’abord les activités de support, c’est-à-dire celles qui ne sont pas
    liées à l’activité principale de l’entreprise. Les activités de support
    incluent les fonctions d’administration et de finances, les services
    généraux, la gestion des ressources humaines et l’informatique et télecom.
    L’étude 2008 révèle aussi que l’outsourcing couvre également des domaines
    proches de l’activité de production tels que la logistique et transport, la
    distribution et la maintenance et quelque fois même de l’une des composantes
    dans l’activité de production. D’une façon générale, l’enquête révèle une
    meilleure connaissance du processus d’externalisation.
Mais à part cela est ce que vous ne pensez pas que l’outsourcing dans un
    pays comme le notre a encore du chemin à faire, parce qu’au fait, c’est une
    question culturelle. On a tendance à avoir du mal à nous détacher de la
    partie que nous considérons comme étant la notre, on a besoin de tout
    contrôler. Comment faites-vous pour convaincre les chefs d’entreprise, que
    l’outsourcing ce n’est pas prendre une partie de leur travail, mais c’est
    plutôt les aider à améliorer leur productivité, leur rentabilité et la
    qualité de leurs produits.
Il y a une appréhension, peut être d’ordre culturel par rapport à l’outsourcing.
    On a tendance à penser que nul ne peut faire mieux que soi-même et on a
    aussi peur d’avoir des activités qui échappent au contrôle direct de
    l’entreprise. 
Il faut juste avoir à l’esprit les succès accomplis derrière le choix de
    l’externalisation. Les exemples sont multiples, laissez-moi vous citer
    l’exemple de DUCATI, l’entreprise italienne de fabrication de moto sport de
    haute performance. Ducati a transformé en 2000 son business model en partant
    d’une équation simple : Garder à l’intérieur de l’entreprise les activités
    où la valeur pour le client est forte et où l’avantage compétitif de
    l’entreprise est élevé et outsourcer le reste. A l’arrivée, 90% de
    l’activité de production initiale de Ducati est externalisée. Elle a gardé
    au fait la Recherche & Développement (incluant le Design), le marketing et
    vente et l’assemblage. D’une certaine façon, elle a construit sur la force
    de sa marque, ses capacités d’innovation et sur la relation client. Le
    succès de cette compagnie au cours des années qui ont suivi est épatant. 
Le choix l’outsourcing peut ainsi aller jusqu’à la remise en question du
    modèle du business en lui-même. Morale de l’histoire, avec les changements
    que nous vivons aujourd’hui, les risques qu’ils contiennent mais aussi les
    opportunités qu’ils créent, nous devons réfléchir en dehors des idées
    préétablies et loin des sentiers battus. 
Si on prend l’exemple de l’entreprise italienne que vous venez de citer,
    n’y aurait-il pas de risques que quand une entreprise pareille sous-traite
    la fabrication d’une roue par ci, une autre pièce par là et l’assemblage
    autre part, la qualité et la solidité de son produit final soient atteints
    et toucheraient le label lui-même ? 
Le risque existe mais il est gérable. On arrive à le maitriser et surtout à
    en faire un vecteur créateur de valeur ajoutée pour l’entreprise, pour les
    clients et pour l’ensemble des acteurs. L’entreprise met en œuvre des
    processus de gestion de la relation avec ses partenaires similaires à ce
    qu’elles devraient mettre à l’égard de ses fournisseurs. Les entreprises
    performantes se soucient de la qualité des processus et des hommes de leurs
    fournisseurs ainsi que de leurs performances autant qu’elles se soucient de
    leurs propres performances et de la qualité de leurs propres processus et
    leurs propres hommes. 
Il y a des pratiques assez courantes dans notre pays qui fait qu’il y a
    des entreprises qui développent quelquefois l’activité de leurs fournisseurs
    parallèlement à la leur pour ne pas recourir à lui, justement. Là, nous
    revenons au problème de la mentalité et je dirais même qu’il faudrait peut
    être une révolution culturelle pour que les mentalités de nos entrepreneurs
    changent. Mais il y a une autre chose qui m’interpelle, certains chefs
    d’entreprise n’osent pas user de l’outsourcing pour des questions
    réglementaires, est ce qu’il faut un cadre juridique particulier pour
    protéger le produit de ceux qui ont recours à l’outsourcing.  
Je ne sais pas si sur le plan juridique, on a besoin d’une réglementation
    particulière en dehors du cadre contractuel entre les parties, mais je crois
    que ce sont, au fond, les forces du marché qui doivent légitimer l’outsourcing.
    L’entreprise qui externalise une partie de ses activités doit pouvoir
    améliorer la qualité ou la valeur donnée à ses clients et d’être plus
    performante. En face, il doit y avoir un acteur qui soit à même de prendre
    en charge l’activité externalisée de façon à répondre aux exigences de son
    client prescripteur et dans des conditions lui permettant de tirer lui-même
    un profit durable.
    Aujourd’hui, les choses sont en train de bien évoluer dans notre pays. Nous
    avons un grand potentiel pour passer à la vitesse supérieure dans l’outsourcing,
    bien sûr dans certains domaines plus que dans d’autres, en pensant aux
    activités de back office et de technologie de l’information où la marge de
    progression est bien réelle. L’outsourcing s’adresse aux entreprises
    étrangères mais s’adressent aussi -et probablement en premier lieu- aux
    entreprises tunisiennes. Pour aider ce processus, il faudrait à la fois
    travailler sur l’offre et sur la demande. Travailler sur l’offre à travers
    la prise d’initiatives entrepreneuriales dans le secteur des services, pour
    avoir à terme quelques champions de référence dans leurs domaines
    respectifs. Travailler sur la demande c’est inciter les entreprises à
    changer de réflexes et les convaincre de la validité économique de l’outsourcing.
    Dans ce domaine, l’Etat, en tant que grand acteur, a un rôle majeur à jouer
    en amenant les administrations publiques et les entreprises publiques à
    recourir de façon plus franche à l’outsourcing. Il en sortira grand gagnant
    par une meilleure rationalisation de ses ressources et l’amélioration de la
    qualité des services rendus.
Dans votre étude, vous dites également que les Tunisiens évitent l’outsourcing
    parce que cela coûte cher. Alors que l’externalisation devrait permettre de
    se focaliser sur l’activité principale de l’entreprise et réduire ses coûts,
    n’est ce pas contradictoire ? 
Il faut d’abord faire les bons calculs pour conclure que cela coûte plus
    cher ou moins cher. Le coût des activités déjà externalisées correspond aux
    facturations du partenaire et est donc facile à déterminer. En revanche,
    l’exercice est plus compliqué quant l’activité est maintenue à l’intérieur
    de l’entreprise. Est-ce le coût facial uniquement ? Ne doit-on pas inclure
    les coûts indirects induits? Ne doit-on pas y ajouter les coûts
    d’opportunité liés à l’immobilisation des ressources financières et humaines
    pour cette activité ? En opérant ce type d’ajustement, les données de
    l’équation peuvent changer significativement.
    Ceci étant, l’activité externalisée devient par définition le cœur de métier
    du partenaire de l’entreprise. Celui-ci est sensé être plus à même de
    réaliser cette activité dans des conditions économiques plus favorables, en
    termes de coût et/ou de qualité. Il doit être plus à même d’intégrer les
    progrès techniques et technologiques supportant cette activité et donc de
    pérenniser son rendement. Il faut donc bien relativiser les choses lorsqu’on
    met le facteur coût dans la balance.
Et par rapport à l’activité économique en général, est ce que l’outsourcing
    peut être un outil de dynamisation de l’économie, est ce que c’est un
    facteur de développement de l’activité entrepreneuriale, est ce que ca aide
    à créer des PME ? 
    Lorsqu’on fait l’analyse macro-économique, un raisonnement primaire nous
    amène à dire que rien ne change, l’activité qui était exercée par
    l’entreprise X est déplacée au niveau d’une entreprise Y. Mais en réalité,
    c’est qu’en déplaçant cette activité, on le fait d’une façon plus
    rationnelle. L’entreprise qui a externalisé gagne en performance sous
    l’effet direct de la qualité et/ ou du coût des activités externalisées
    et/ou en mieux se concentrant sur ses activités génératrices de valeur.
    Celle créée spécialement pour l’activité externalisée (la PME dont vous
    parliez) l’est également, car elle va logiquement pouvoir offrir ses
    services de façon plus large, ce qui la rend en termes économiques plus
    productive. On offre ainsi une opportunité pour un nouveau relais de
    croissance de l’activité économique dans son ensemble. Au plan
    macroéconomique, nous gagnons donc à la fois en croissance et en
    productivité. En définitive, tout le monde gagne. 
Et le salon de l’outsourcing, quel est l’intérêt d’Ernst and Young, à
    être le partenaire de ce salon ? Ce n’est pas votre principale activité,
    qu’est ce qui a motivé cette initiative ?
    Nous sommes partenaires de cette initiative depuis sa création. Nous étions
    convaincus –et nous le sommes plus encore maintenant- à la fois du potentiel
    de l’outsourcing en tant que vecteur de développement des activités des
    services en général et de son impact positif sur les performances des
    entreprises. Nous avons une opportunité extraordinaire pour développer l’outsourcing
    à l’adresse des entreprises étrangères et notamment européennes et ce n’est
    pas la crise mondiale que nous vivons actuellement qui changera la donne.
    J’aurais même tendance à dire au contraire. Ces entreprises seront amenées à
    revisiter la distribution de leur chaine de valeur pour aboutir à l’arrivée
    à l’extension des activités à externaliser. 
Il y a la réaction contraire, il y a des entreprises qui étaient
    localisées en Tunisie et qui par solidarité avec leurs pays d’origine ou
    pour des raisons d’ordre économique, ont rapatrié leurs activités ?  
Il y a toujours ce type de réactions, en particulier lorsqu’elles sont
    prises à chaud. Mais à terme, les décisions des entreprises se prennent sur
    la base de considérations économiques objectives. De ce point de vue,
    l’option d’externaliser les activités vers un pays comme la Tunisie sera
    plus présente dans les agendas des décideurs.
Est ce que vous croyez que nous en tant que Tunisiens et justement dans
    l’option de ce que vous venez de dire, on devrait faire plus d’efforts pour
    attirer ce genre d’activité ? Et ne faudrait-il pas se déplacer et apprécier
    la situation dans les pays européens sans attendre que les opportunités
    viennent frapper sur nos portes 
Du côté des acteurs économiques il faudrait qu’il y ait plus d’initiatives
    pour créer de véritables projets d’entreprises autour des activités de
    services aux entreprises (notamment de Back office et de traitement de
    l’information). Lorsque je dis projet d’entreprise, je vise un concept
    complet avec les capitaux, l’infrastructure logistique, l’organisation et
    les processus, et surtout la technicité nécessaires. Ce qui implique le
    ciblage des activités qu’on compte exercer, les clients potentiels, les
    marchés potentiels, et un bon argumentaire pour forcer la décision
    d’externalisation. Je voudrais préciser, au passage, qu’il faudrait être
    d’une taille respectable –et non microscopique- en particulier lorsqu’on
    vise les entreprises étrangères. 
Du côté des pouvoirs publics, je pense qu’il y a beaucoup de choses déjà
    faites, le cadre est là, mais reste des améliorations à apporter dans le
    domaine de l’infrastructure, notamment de télécom, à la fois en terme de
    capacité, de qualité et de coût. Les pouvoirs publics peuvent aussi « agiter
    » la demande intérieure en amenant les administrations et les entreprises
    étatiques à s’y mettre au plus tôt. Si le modèle économique
    d’externalisation de certaines activités s’applique aux entreprises
    étrangères, il doit aussi s’appliquer pour les entreprises tunisiennes. 
Les gens ne connaissent pas l’outsourcing, c’est peut être l’objet de ce
    salon, mais au niveau de la communication, ce salon reste assez fermé et
    réservé aux professionnels, alors que pour que les professionnels adoptent
    ce concept il faut que le grand public aussi le connaisse. Qu’attendez vous
    de ce salon, est ce que vous avez vu plus grand 
D’année en année, le salon prend de l’ampleur et gagne en maturité. Cette
    année, la dénomination du salon « Oursourcing & IT solutions » a
    explicitement intégré la dimension des services de technologie de
    l’information. Nous attendons une participation encore plus importante, côté
    visiteurs et coté exposants. Beaucoup de workshops et d’espaces d’échanges
    sont prévus. Notre cabinet présentera les résultats de l’enquête Baromètre
    de l’outsourcing 2009. Nous animerons deux workshops : l’un sur la
    contribution effective de la fonction IT à la performance de l’entreprise et
    le second, circonstance oblige, sur les opportunités en temps de crise. 
Noureddine
    Hajji : bio-express 
Noureddine
    Hajji est Associé Directeur Général de Ernst & Young Tunisie, un des plus
    importants cabinets d’audit et de conseil d’entreprises avec un effectif de
    plus de 120 personnes. 
    Ernst & Young est un leader mondial en Audit, Fiscalité, Conseil en
    transactions et Conseil. Les 130 000 professionnels que compose
    l’organisation sont unis autour de valeurs partagées guidant les actions et
    les comportements de chacun et d’un engagement indéfectible pour la qualité.
    Ernst & Young fait la différence en aidant ses équipes,
    ses clients et la large communauté d’aller au
    bout de leur potentiel. 
 
 
		

