Résilience et stabilité de la Finance Islamique

Par : Autres

A cause de sa stabilité inhérente la finance islamique a attiré l’attention
des banques des principaux centres financiers. La montée de la finance
islamique n’est pas le fait du hasard. C’est une conséquence directe de la
crise financière et économique qui sévit actuellement. Contrairement à la
finance conventionnelle qui est périodiquement frappée par des crises plus
ou moins sévères, la finance islamique est maintenant considérée comme un
système financier stable capable de promouvoir la croissance et la création
d’emplois stables. La finance islamique exclut l’intérêt, la spéculation, le
marché secondaire de la dette et se base sur les activités de production et
de commerce réelles. Elle est immunisée contre l’expansion du crédit non
causé et la spéculation qui sont des caractéristiques de la finance
conventionnelle et qui sont déstabilisé même les systèmes financiers les
plus avancés.

I- La finance conventionnelle est instable par nature

La crise financière qui a éclaté en août 2007 est considérée comme la plus
grave de la période de l’après guerre. L’effondrement de milliers de
milliards de dollars de dérivés fictifs de crédit et de la croissance
incontrôlée du crédit donne une indication de l’étendue et de l’intensité de
la crise qui pourrait atteindre une dimension ingérable. La crise a estropié
les systèmes financiers de plusieurs pays avancés et a causé la disparition
de grandes institutions financières établies de longue date. La crise a
prouvé que les systèmes financiers avancés étaient très vulnérables et
incapables de survivre seuls. Des faillites massives ont été provisoirement
évitées au prix d’énormes plans de sauvetage. Les marchés de capitaux ont
gelé. La conséquence a été une crise boursière qui a effacé des milliers de
milliards de dollars en valeurs d’actions et en comptes
d’investissement-retraite.

L’incertitude économique n’a jamais été aussi grave. La crise a-t-elle été
gérée correctement, ou au contraire a-t-elle été aggravée ? Au vu des
injections énormes de liquidités effectuées par les principales banques
centrales, l’offre de monnaie est-elle en train d’échapper à tout contrôle ?
Combien de temps va durer la crise ? Combien de secteurs et de pays
va-t-elle affecter ? Quel sera son impact sur la croissance et l’emploi ?
Quel en sera le coût en termes de fiscalité et d’inflation ? Les tensions
inflationnistes vont elle réapparaître et échapper à tout contrôle ? Alors
que des réponses précises ne peuvent être avancées, il est clair que cette
crise a déjà ralenti la croissance dans plusieurs pays développés, déclenché
des émeutes à cause des prix de produits alimentaires de base ou des
produits énergétiques dans des pays vulnérables, augmenté le chômage et
imposé d’énormes coûts fiscaux. Malgré ses conséquences dévastatrices la
crise a mis en évidence le besoin pressant pour une stabilité financière en
en faisant une question fondamentale dans le domaine de l’économie et de la
finance.

L’instabilité financière a été un phénomène récurrent de l’histoire
économique contemporaine, affectant divers pays de manières plus ou moins
intenses. La crise la plus dure a été la Grande Dépression de 1929-33.
D’éminents économistes qui ont vécu la période de la Grande Dépression ont
tout fait pour établir un système bancaire capable de préserver la stabilité
financière. Leurs propositions étaient connues sous le nom de « Plan de
Réforme de Chicago » du fait qu’elles étaient élaborées par des professeurs
d’économie de l’Université de Chicago. Bien qu’ils n’aient aucune
connaissance de la finance islamique en ce moment, leurs propositions
étaient une réaffirmation naturelle des principes de base de la finance
islamique. Le «Plan de Chicago » divise le système bancaire en deux
composantes essentielles : une composante banques de dépôts avec une
obligation de réserve de 100% et une composante banque d’investissement sans
contrats monétaires et sans paiement d’intérêts, où les dépôts sont
considérés comme des parts sociales (actions, etc.) et sont rémunérés par
les dividendes, avec des échéances qui coïncident parfaitement.

Ce plan montrait en fait que seul un système financier basé sur les
principes islamiques pouvait être immunisé contre l’instabilité financière.

La prolifération des innovations financières dans des marchés déréglementés
a conduit à une énorme pyramide de crédit inversée avec une base réelle très
fine. Le niveau d’innovation en matière de produits financiers a largement
distancé la capacité d’utiliser ces produits et la capacité d’en comprendre
les caractéristiques en termes de risques et de conséquences à long terme.
Les instruments récents sont pour la plupart basés sur le concept de « créer
et distribuer » au lieu de « créer et garder » avec un recours excessif aux
modèles de titrisation.

Les politiques de certaines banques centrales qui ont consisté à offrir des
liquidités bon marché ont été un facteur clé dans le déclenchement des
crises financières majeures. La crise actuelle, par exemple, est
essentiellement le résultat de la manière d’opérer de certaines grandes
banques centrales. Elle a été causée par les taux d’intérêt les plus bas de
l’après guerre fixés par la « US Federal Reserve » (Banque Centrale des
Etats-Unis) suite à l’implosion de la bulle Internet à la fin de l’année
2000. Comme conséquence, la masse des crédits avait augmenté dangereusement
et de manière exponentielle au taux de 12% par an aux Etats-Unis sur la
période 2001-2008. Cette croissance phénoménale du crédit s’est faite au
prix d’une grave érosion de la qualité des risques prix par les banques.
Soros avait dit en 2008 que « lorsque l’argent est gratuit un prêteur
rationnel continuera à prêter jusqu’au moment où il n’y aura plus
d’emprunteur ».

La banque centrale peut aussi jouer un rôle essentiel en matière
d’instabilité financière si elle permet une expansion du crédit non soutenue
par les ressources appropriées, c’est-à-dire une croissance des crédits sans
qu’il y ait dans le système une croissance suffisante de l’épargne. A
travers sa politique monétaire la banque centrale permet aux banques de
s’engager dans une expansion de crédit sans contrepartie (en termes
d’épargne). En fait ce n’est pas l’expansion du crédit en tant que telle qui
peut conduire à une situation de crise mais c’est l’expansion de crédit sans
contrepartie qui aboutit à un détournement de l’épargne réelle des activités
productives vers les activités non productives, qui à son tour affaiblit le
processus de création de richesse réelle.

En somme la finance dite conventionnelle est en foncièrement instable. Les
causes d’instabilité sont le taux d’intérêt, l’expansion de crédit sans
contrepartie, et une banque centrale déstabilisatrice lorsque la politique
monétaire s’appuie sur le taux d’intérêt ou permet l’expansion de crédit
sans contrepartie.

II- La finance islamique est stable par nature

Les sources d’instabilité financière du système conventionnel, c’est-à-dire
le taux d’intérêt, le crédit sans contrepartie, l’abondance de liquidités,
la spéculation et la fixation du taux d’intérêt par la banque centrale sont
pour l’essentiel absents dans un système de finance islamique, assurant
ainsi la stabilité intrinsèque de ce système.

Deux principes fondamentaux sous-tendent la finance islamique : le premier
est qu’un système financier islamique est basé sur le commerce et la
production et non sur l’intérêt, qui est banni ; le deuxième est qu’un
système financier islamique basé sur le commerce sera immunisé contre
l’instabilité, alors qu’un système basé sur l’intérêt est en soi instable
sujet à des pertes et à des crises répétitives. Un système financier
islamique est défini comme un système où il n’y a pas d’actifs sans risque
et où toutes les transactions sont basées sur le partage du risque et par
conséquent du profit ou de la perte. De ce fait tous les actifs financiers
sont des créances courantes et il n’y a pas d’instruments de dette avec un
taux d’intérêt fixe ou variable. De ce fait le taux de rendement des actifs
financiers est en premier lieu déterminé par le rendement du secteur réel.
Dans une économie en croissance les banques islamiques obtiennent toujours
des rendements nets positifs.

L’intermédiation financière islamique est différente de celle d’un système
financier conventionnel. La banque dans un système islamique est
génériquement différente de la banque dans un système conventionnel. Les
banques n’accordent pas de crédits générateurs d’intérêts et ne créent pas
et ne détruisent pas la monnaie. Elles participent directement dans les
opérations de production et de commerce sur une base de partage du profit ou
de la perte. Les banques n’agissent pas comme de simples prêteurs, elles
doivent s’impliquer directement dans les opérations de commerce et
d’investissement et exercer la propriété directe des actifs réels. Les
dépôts auprès d’une institution financière islamique peuvent être considérés
comme des actions ou des parts sociales et sont soumis à risque. Ils peuvent
générer un profit ou subir une perte.

Il ne peut pas y avoir de création de crédit ex nihilo en finance islamique.
En finance conventionnelle les dépôts auprès d’une banque peuvent être
instantanément transformés en prêts ou être utilisés pour acheter des actifs
financiers et devenir des réserves ou une base pour un nouveau prêt chez une
autre banque, contribuant ainsi à une création de pouvoir d’achat et à une
inflation au niveau des prix des biens et des actifs. Une telle situation
n’existe pas en finance islamique. Les dépôts doivent être réinvestis
directement par la banque dans des activités de production et de commerce et
créer des flux de biens et de services. De nouveaux flux monétaires sont
générés par la vente des biens et services. La monnaie n’est donc pas créée
indépendamment de la production de biens et services. L’investissement est
égal à l’épargne et l’offre globale de biens et services est toujours égale
à la demande globale.

Le passif de l’institution financière est couvert par des actifs réels
tangibles qui sont possédés directement par l’institution. Ils ne sont pas
couverts par des actifs financiers. Les risques des institutions financières
islamiques sont mitigés puisqu’ils sont principalement liés au rendement des
opérations d’investissement et non au capital de ces institutions.

Dans un tel système seule la banque centrale a le monopole de la création
monétaire. Le taux d’intérêt ne peut être utilisé comme instrument de
politique monétaire. La banque centrale ne refinance pas les banques, comme
c’est le cas en finance conventionnelle. Elle n’achète pas et ne vend pas
d’instruments financiers aux banques. La banque centrale doit appliquer des
plafonds quantitatifs aux agrégats monétaires. Une telle politique a été
efficace pour le maintien de la stabilité financière et l’exclusion des
booms spéculatifs et de l’inflation même pour un système financier
conventionnel. L’injection de liquidités se fait lorsque la banque centrale
procède à l’achat de devises, de l’or, ou de la dette de l’Etat non basée
sur l’intérêt, mais indexée sur l’or, ou sur un panier de produits de base,
ou sur un portefeuille d’actifs réels créés par l’Etat.

III- CONCLUSION

L’histoire se répète avec des épisodes d’instabilité du système bancaire
conventionnel. Les exemples de crises financières graves sont nombreux aussi
bien dans le passé récent que dans le passé plus lointain. Une telle
instabilité avec son impact inflationniste ou déflationniste peut être
imputée aux politiques et pratiques financières basées sur l’intérêt.
L’excès de liquidité peut être dangereux. La concurrence entre banques
conventionnelles pour redéployer l’excès de liquidités les conduit à agir
dans le sens d’une expansion rapide du crédit non basé sur une épargne
réelle. Les prix des actifs passent par des périodes de bulles et de crises
qui génèrent d’énormes redistributions de richesses et des faillites.
L’activité économique passe elle aussi par des épisodes de booms suivis par
des crises. Le rôle de la banque centrale en tant que prêteur de dernier
recours renforce souvent l’instabilité financière. Etre le prêteur de
dernier recours est en effet une manière de valider la création monétaire
excessive par les banques et d’imposer à l’économie un énorme coût en termes
d’inflation. Les banques centrales se trouvent ainsi piégées dans un cercle
vicieux d’instabilité financière, suivie par des opérations de sauvetage,
une politique d’argent bon marché, qui conduit à un nouvel épisode
d’instabilité financière avec un impact foncièrement négatif sur la justice
sociale.

De ce fait la banque centrale doit avoir un contrôle total sur la gestion de
la liquidité, mais elle n’a pas à s’occuper de la croissance économique ou
de l’emploi.

En finance islamique le crédit doit être basé sur l’épargne réelle. Les flux
monétaires sont générés par les ventes de biens et services et transitent
par le système bancaire pour les besoins des paiements ou des
investissements. Les banques ne se concurrencent que pour les opportunités
d’investissement réel, leurs ressources sont réinvesties dans des activités
réelles. De ce fait la croissance économique est durable et ne comporte
d’impact négatif sur la justice sociale puisque l’inflation ne peut pas être
utilisée pour appauvrir les créanciers et les salariés et enrichir les
débiteurs et les spéculateurs.