Jamais sans mon Facebook


Par Amel
Djait Belkaid

facebook12603.jpgLa
folie Facebook s’est emparée de la Tunisie. Toute la presse nationale l’a
signalé. Le 10 mars 2008, le réseau passe de l’anglais à la langue
française. Le nombre de Tunisiens inscrits explose pour atteindre 16.000
le 25 mars 2008, alors qu’ils n’étaient encore que 10.871 le 23
janvier 2008.

 

Site
Internet de réseau social d’origine étudiante, il est mis en place pour
tenter de concurrencer My Space et Second Life. Au-delà du mot tendance et
magique cela fait moderne, business et up to date. En somme, en étant Facebook vous êtes un peu dans la branch attitude.

 

Récemment valorisée par Microsoft à 15 milliards de dollars, Facebook
affiche en mars 2008 plus de 67 millions de membres à travers le monde. 6ème
site le plus visité du monde avec 73,5 millions de visiteurs uniques, et 5ème
site le plus consulté du monde avec 34,5 milliards de pages vues selon
l’indice de comScore. Ce qui n’était qu’un moyen de retrouver quelques
copains cache des enjeux économiques énormes, notamment pour le marché
publicitaire actuellement accordé pour 50% à Microsoft, bien que les pubs y
soient encore très faibles.

 

Le commentaire d’un spécialiste du web résume parfaitement la situation. «Faites les comptes : chaque visiteur «unique» – celui qui se rend, ne
serait-ce qu’une seule fois par mois, sur le site – vaut 300 dollars».

 

Selon Facebook, qui publie une carte géographique de ses utilisateurs, la
Suède serait le pays le plus accro avec 8,59%. Suivie de près par le
Royaume-Uni avec 7,52% de la population britannique inscrite. En France,
1,5% de la population y est inscrit. Le taux d’utilisation le plus faible
est le sud de l’Europe avec 0,13% en Roumanie, 0,29% au Portugal et 0,33%
en Italie.

 

Début janvier 2008, 37% des utilisateurs de Facebook étaient originaires des
Etats-Unis, avec des chiffres à la baisse au premier trimestre 2008. Avec
nos presque 16.000 inscrits, je vous laisse faire le calcul.

 

Fort de sa popularité, Facebook a même fait des émules, des plagiats parfois
humoristiques et parodiques, comme le site HateBook, qui répertorie tous
vos ennemis et qui compte à ce jour 75 Tunisiens inscrits.

 

Mais précisément, que peuvent bien faire les Tunisiens sur Facebook ? Quel
usage les «facebookeurs» et «facebokeuses» tunisiens font-ils de ce
réseau ? Selon les statistiques du réseau Tunisie, 23% des enregistrés
seraient des hommes contre 26% de femmes. 65% sont sans sensibilité
politique mentionnée, 52% seraient sans statut social défini, 4% seulement
déclarent être mariés et 6% sont en couple… Des stats à la tunisienne quoi !

 

A part se tagguer, s’envoyer des cadeaux, du soleil qui brille, des petits
trèfles qui portent chance, des gros cœurs et des bisous, ils s’échangent
leurs albums de photos, font des tests psychologiques à deux sous, jouent à Pacman ou au poker, créent des groupes, organisent des concours et rendent
hommage.

 

Auprès des classiques Honneurs à Amina fakhet, El Gorgi, El Tearto, Habib
Bourguiba, etc., les utilisateurs de Facebook organisent des concours de la
meilleure photo en noir et blanc, regroupent des proverbes, pensent à leur
grands-mères, à La Marsa, à Sidi Bou Saïd, à Hammamet, à leur discothèque
préférée, au Parc Ennahli, à leur ancienne école ou université. Ils
revendiquent surtout une nouvelle manière de percevoir et présenter la
Tunisie avec des groupes «de palais et demeures de la médina», «Femmes
actives de Tunisie», »Les meilleurs sites de Tunisie», réseau de
journalistes… et procèdent même au hit parade des 10 tunisiens les plus
célèbres selon un vote sur le réseau.

 

S’informer et réagir sur les évènements culturels de Tunis, se donner rendez-vous, ils ne cessent de se solliciter. En bref, ils font du «relationnel»
des «relations publiques» avec des «Ahla» et «Saha» par-ci, et des «Winek» et «Boussa» par-là. Les Tun s’organisent aussi en deux catégories,
ceux qui sont joignables, cliquables, accessibles et les autres plus
précieux, jouant la carte de la privacy limite snobqui restent sous accès
limité.

 

Le réseau rapproche aussi des gens qui n’ont plus le temps de se faire de
nouveaux amis et encore moins de retrouver les anciens. Il fait découvrir
une nouvelle génération que le débat sur la laïcité fait autant réagir que les
résultats de la dernière Coupe d’Afrique des Nations. Ils sont si jeunes, si
intelligents, si beaux, si motivés, si mobilisés. Un brin artiste, un peu
poètes, le sens de l’humour en bonus, voilà que c’est la quarantenaire que
je suis, qui parle. En effet, sur le réseau, les 40-47 ans ne représentent
que 500 inscrits pour se réduire à 247 inscrits entre 45 et 54 ans.

 

Dans le monde, Facebook fait des siennes avec son lot de scandales,
canulars, blagues de mauvais goût et dérapages. Jérome Kerviel, le trader qui
aurait fait perdre 4,9 milliards d’euros à la Société Générale, comptait onze
amis sur Facebook. Deux heures après le scandale, seuls quatre courageux
contacts figuraient encore sur son profil. Au Maroc, Fouad Mourtada, 26 ans,
se crée un faux profil, se faisant passer pour le Prince Rachid. La suite on
la connaît, elle finit avec une inculpation de 3 ans pour le jeune blagueur
et ou immature, c’est selon…

 

Bilawal Bhutto, le fils de Benazir Bhutto, héritier de la plus puissante
dynastie politique du Pakistan, dément s’y être inscrit. Pas moins d’une
vingtaine de groupes portant son nom sont encore actifs à ce jour. La
communauté de Facebook se serait même choisie un président en début d’année
2008. Un gros canular qui a déjoué les medias français.

 

Assimilé à une immense téléréalité puissance 1000. Tout est gardé en
mémoire, tracé, visible de l’extérieur. Si vous n’êtes pas vigilant, on
pourra vous épier, savoir si vous dormez, si vous êtes chez vous, si vous
avez changé de copine, si vous êtes maniaque, dépressif, amoureux ou
fâché… Sans faire comme les oiseaux de mauvaise augure, il faut tout de même
rester vigilant sur le fait que dans ce grand loft transparent, il y a des
amis, mais pas seulement…

 

Depuis son existence, Facebook a fait et continue de faire l’objet d’une
controverse concernant le respect de la vie privée des utilisateurs.

 

Dans ce sens, un journaliste du Monde attirait l’attention sur la facilité
et le danger avec lequel n’importe quelle personne pouvait y créer un groupe
et toucher 100.000 personnes en quelques semaines. Il demande à Facebook de
surveiller de plus près le contenu des groupes et les messages véhiculés. Le
volume d’information rendrait tout contrôle impossible selon Facebook.

 

Une étudiante en psychologie préparant une thèse sur la formation des sectes
et leur propagation prend le défi de lancer un groupe et explique sa
démarche. Le but de sa thèse est de montrer qu’il est en effet possible de
créer un groupe et d’y faire adhérer plus de 100.000 personnes en 1 mois.
Les inscriptions ont affluée à vitesse grand V. Le projet a commencé le 21
mars à 23H45 et doit se terminer le 21 avril à 23H45. Le 25 mars à 19H55 -soit
exactement 3 jours, 20 heures et 10 minutes après le lancement du groupe,
l’objectif est atteint.

 

Le nouveau challenge serait d’atteindre les 500.000 membres en un mois. En
attendant, l’étudiante devient star : sollicitations, mémoire en ligne,
intérêt médiatique pour l’expérience, révision des objectifs,… Une fois
encore, la bonne vieille formule du Village planétaire est d’actualité.
Moralité, attendons de voir ce que Facebook en fera.

 

Pour la petite histoire, on n’oubliera pas.