Turquie : les pressions de l’armée font flancher la Bourse et la monnaie

 
 
SGE.TXN92.300407160409.photo00.quicklook.default-245x144.jpg
Des courtiers à la Bourse d’Istambul, le 30 avril 2007 (Photo : Hocine Zaourar)

[30/04/2007 16:19:30] ISTANBUL (AFP) La Bourse d’Istanbul et la monnaie turque ont nettement reculé lundi en raison des tensions entre l’armée et le gouvernement qui, si elles persistent, risquent de refroidir les ardeurs des investisseurs étrangers aujourd’hui massivement présents dans le pays.

L’indice de référence de la Bourse turque, regroupant les 100 principales valeurs, a cédé 4,01% en clôture après avoir de dégringolé de 8% à l’ouverture. Dans le même temps, la livre turque reculait de quelque 2,4% face à l’euro vers 15H00 GMT. Elle s’était replié de 4% en début de journée.

Il s’agit de son décrochage le plus important en une journée depuis la bourrasque monétaire qu’avaient connu la plupart des devises des économies émergentes il y a presque un an de cela, en mai et juin 2006.

En pleine élection présidentielle, l’armée a accusé vendredi en termes très durs le gouvernement, issu de la mouvance islamiste, de ne pas défendre les principes laïcs. Dans la foulée, environ un million de personnes ont défilé à Istanbul pour la défense de la laïcité.

L’élection du président turc est devenue un tournant pour le processus de démocratisation de ce pays, très largement musulman mais qui reste laïque dans ses fondements et a commencé il y a un an et demi des négociations en vue d’une éventuelle adhésion à l’Union européenne. Une perspective qui a dopé les investissements étrangers.

“Après les explications de l’armée, tout a changé, nous nous rappelons tous ce qui s’est passé il y a dix ans”, a déclaré à l’AFP Arzu Odabasi, analyste chez Global Securities.

Une référence aux pressions exercées par l’armée en 1997 sur le premier gouvernement islamiste de l’histoire de la Turquie moderne, poussé à la démission. Si la Turquie connaît le multipartisme depuis 1946, elle a aussi connu trois coups d’Etat militaires suivis de dures répressions en 1960, 1971 et 1980.

“Si on en reste là et que les choses rentrent dans l’ordre après la décision de la Cour constitutionnelle”, qui doit rendre dans les prochaines 48 heures son verdict sur la validité du premier tour de l’élection présidentielle, il n’y “aura pas beaucoup d’impact sur l’économie” nationale, estime Nicolas Bouzou, du cabinet d’études économiques Asteres, spécialisé dans les pays émergents.

Un avis partagé par Murat Salar, vice-président du fonds d’investissement A Yatirim. “Si une décision d’invalidation vient de la Cour constitutionnelle (…) cela peut être positif (pour les marchés) dans le sens ou cela peut réduire l’incertitude”, a-t-il dit.

“En revanche si la situation s’aggrave, si l’ingérence de l’armée dans le processus démocratique se fait plus visible, cela peut dissuader les entreprises d’aller investir en Turquie”, prévient Nicolas Bouzou. “Les investisseurs étrangers se diront que la Turquie ne pourra pas adhérer à l’Union européenne car son fonctionnement démocratique est trop éloigné” du modèle occidental, ajoute-t-il.

La Turquie bénéficie d’un spectaculaire rattrapage économique depuis quelques années, même si sa croissance a ralenti l’an dernier.

Après une progression de 7,4% en 2005, son Produit intérieur brut (PIB) a crû de 6% en 2006, une décélération due à des hausses de taux d’intérêt pour contenir une inflation galoppante.

Le Fonds monétaire international, dans ses dernières prévisions, table sur une poursuite du ralentissement en 2007 à 5% avant un redémarrage attendu l’an prochain à 6%.

 30/04/2007 16:19:30 – © 2007 AFP