Procès Microsoft : après 5 jours de débats, l’issue reste imprévisible

Par : Autres

 

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Le directeur des affaires juridiques, Brad Smith, représentant de
Microsof, le 24 avril 2006 à Luxembourg

La Commission a été mise en difficulté à plusieurs reprises pendant les cinq
jours des débats ultratechniques qui l’ont opposée à Microsoft devant la
justice européenne, pourtant vendredi, personne ne pouvait prédire l’issue
du procès.

 

Si les avocats de la Commission ont plaidé avec brio, ils ont en revanche
parfois peiné à répondre aux questions très pointues des juges.

 

Mais cela ne suffit pas à sceller le sort de la Commission, relève un
avocat. Sa défense “désastreuse” en septembre 2004, lors d’une première
audience en référé, ne l’avait en effet pas empêchée de l’emporter face à
Microsoft, qui avait été condamné à subir immédiatement les sanctions de la
Commission sans attendre la décision sur le fond.

 

En outre, les avocats de Microsoft, qui ont passé des mois (et englouti des
millions de dollars) à préparer leurs arguments, ont eux aussi été malmenés
par le président du Tribunal, le Danois Bo Vesterdorf, et le juge
rapporteur, l’Irlandais John Cooke.

 

Pendant les cinq jours où se sont succédé plaidoiries et batailles
d’experts, les deux juges sexagénaires ont en effet posé aux deux parties
d’innombrables questions, impressionnant l’audience par leurs connaissances
techniques.

 

Outre son aspect extrêmement technique, ce procès a été exceptionnel à plus
d’un titre. D’abord par sa durée record, puis par le nombre de juges chargés
d’arbitrer le litige : c’est seulement la 2e fois que la Grande Chambre,
composée de 13 magistrats, se réunit depuis sa création fin 2003.

 

Mais c’est surtout par ses enjeux que ce procès sort de l’ordinaire. Tandis
que la Commission engageait sa crédibilité d’arbitre de la concurrence,
Microsoft jouait l’avenir de ses pratiques commerciales.

 

Outre une amende record d’un demi-milliard d’euros, ce dernier a en effet
été contraint en mars 2004 par Bruxelles à commercialiser son système
d’exploitation Windows sans le logiciel audio-vidéo Media Player et à
divulguer les protocoles informatiques nécessaires au dialogue ou
“interopérabilité” de Windows avec les produits concurrents.

 

Lundi et mardi, les deux parties se sont opposées sur le volet Media Player.
Microsoft a mis en avant l’échec essuyé par XPN, la version de Windows sans
lecteur audio-vidéo mise sur le marché l’été dernier à la demande de la
Commission.

 

La Commission a alors brocardé le “cynisme” de l’entreprise américaine,
jugeant qu’après six ans de ventes groupées, Microsoft avait justement
réussi avec brio à “verrouiller” complètement le marché.

 

Mercredi, le Tribunal a abordé le volet le plus complexe de l’affaire, celui
de l’interopérabilité.

 

A coup de diagrammes colorés et de concepts parfois très obscurs, les
experts de la Commission et de Microsoft ont tenté d’exposer aux juges leur
vision de l’interopérabilité.

 

Alors que l’on aurait pu croire que la technologie était une notion
objective, le procès Microsoft a démontré le contraire. Sur l’appréciation
de l’interopérabilité, chacune des parties a accusé l’autre de vivre hors du
réel, Microsoft reprochant même à la Commission d’évoluer “dans le monde
d’Harry Potter”.

 

Sur le fond, Microsoft a affirmé que l’accès aux protocoles informatiques de
Windows n’était en rien indispensable à l’innovation de ses concurrents.
Selon lui, cela violerait en outre ses droits de propriété intellectuelle.

 

En guise de réponse, la Commission a sorti jeudi de sa manche un
témoin-surprise, Andrew Tridgell, le fondateur du très populaire logiciel
libre Samba. Le programmeur australien a alors démontré assez clairement que
les informations demandées à Microsoft n’avaient rien d’excessif.

 

Vendredi, la Commission est revenue là-dessus, assurant que les brevets
invoqués par Microsoft n’était qu’un “prétexte” inventé a posteriori et que
l’affaire en cours n’avait rien à voir avec les droits d’auteur, mais bien
avec un abus de position dominante.

 

Le procès devait s’achever vendredi vers 16HOO GMT.

 

 

 

©
AFP 2006

Photo : Jean-Christophe
Verhaegen