C’était en septembre 1983

Par : Autres

   

C’était en septembre 1983

 

La Micro-Informatique
: Intelligence à domicile

 

 

lamicroinformatique1.gif La
micro informatique envahit, peu à peu, les différentes facettes de notre vie
quotidienne. Grâce à elle, l’ordinateur sort définitivement des centres de
calcul climatisés où les anciennes technologies le cantonnaient. Les
entreprises les plus modestes commencent à bénéficier de sa prodigieuse
souplesse. Chacun d’entre nous, au travail, sera bientôt concerné.

 

Même les pans de notre vie que nous cherchons généralement à préserver :
loisirs, vie familiale, sont à leur tour atteints. Sous le feu des médias
qui vantent les bienfaits de l’informatique à la maison, les ménages
commencent eux-mêmes à se demander s’il ne va pas falloir prendre sur le
budget familial pour sacrifier à ce qui, sous bien des aspects, s’apparente
encore à une mode. Les plus hautes autorités de l’État ne cessent de
marteler les thèmes de l’introduction en masse des technologies nouvelles –
seules à même d’épanouir la « ressource humaine » et de donner à la jeunesse
des atouts pour un avenir moins sombre.

 

Et les vendeurs de matériel d’enfoncer le coin, en jouant, dans leur
argumentation publicitaire, sur la corde sensible et les thèmes ambigus de
l’aspiration à l’élévation intellectuelle et sociale : « N’hésitons pas,
donnons toutes leurs chances à nos enfants. »

 

Les années 1983 à 1985 seront, à cet égard, des années-charnières pour un
pays comme la France.

L’« explosion » du marché de la micro-informatique professionnelle et
familiale paraît bien amorcée. Les grands magasins ont tous, aujourd’hui,
des rayons spécialisés, les « micro-boutiques » fleurissent à tous les coins
de rue, des émissions spéciales apparaissent à la radio et à la télévision,
les publications spécialisées, déjà fort nombreuses, font encore des petits
en cet automne 1983.

 

Ce numéro spécial des Dossiers et Documents du Monde ne cherche pas à
ajouter un nouveau titre à une liste déjà considérable : son objet n’est ni
d’expliquer en détail le fonctionnement ou la programmation d’un
micro-ordinateur ni d’être quelques nouveau guide pour acheteurs égarés dans
la jungle des matériels et des logiciels ; d’autres publications s’en
chargent, souvent fort bien. L’ambition est autre : elle est de fournir à
chacun des éléments d’information, et, surtout, de réflexion, sur un
phénomène qui risque d’être, à bien des égards, littéralement bouleversant.

 

La micro-informatique va, tout
d’abord, complètement révolutionner les pratiques professionnelles de
beaucoup. C’est grâce à elle – ou à cause d’elle – que tout le secteur des
activités tertiaires, jusqu’à présent relativement épargné, va se trouver à
son tour confronté à des processus d’automatisation, voire
d’industrialisation.

 

Elle pourrait bien, aussi,
bouleverser la vie sociale : l’impact de l’arrivée du « deuxième petit écran
» sera-t-il comparable à celui de l’invasion de la télévision, qui a
largement contribué, à partir des années 60, à l’évolution considérable des
comportements sociaux et familiaux, voire politiques ?

 

Dès aujourd’hui, bien des
enfants passent autant de temps devant la télévision que face à leur
instituteur ou leurs professeurs. Quel sera le rôle de l’école, et des
éducateurs, dans une civilisation où chacun aura à domicile, sur son « micro
» éventuellement connecté à des banques de données, tout le savoir du monde,
distillé par un enseignant au cerveau de silicium, toujours disponible,
patient, attentif ?

 

Un pays comme la France a-t-il
encore sa chance dans une bataille mondiale féroce, où les technologies
nouvelles se succèdent comme autant d’armes secrètes, financées à coup de
centaines de millions de dollars ?

 

Telles sont quelques-unes des
questions que cherche à poser cette brochure.

 

L’ère des pionniers, qui
assemblaient eux-mêmes leur micro-ordinateur, le fer à souder à la main, et
programmaient dans des langages incompréhensibles, est largement dépassée.
Le présent déjà, l’avenir bientôt, se présentent sous l’aspect de systèmes
plus  « familiers », qui écrivent dans un langage proche du nôtre,
parlent d’une voix vite familière, et ne sauraient tarder à comprendre nos
paroles. Qu’allons-nous en faire ?

 

On propose aujourd’hui à la
maîtresse de maison de stocker ses recettes sur « disquette », quand la
bonne vieille boîte à chaussures pleine de fiches-cuisine fait très bien
l’affaire ; au couple moderne des carnets d’adresses informatisées, qui sont
loin d’avoir la souplesse et la « portabilité » d’un calepin ou de … la
mémoire humaine. Cette intelligence qu’on va nous livrer, pour quelques
centaines de francs, à domicile, serons-nous capables de l’exploiter…
intelligemment ? C’este le défi qui est aujourd’hui posé, et dont les pages
qui suivent cherchent à témoigner.

 

XAVIER WEEGER.