Le Groupe Tawhida Ben Cheikh a appelé, ce jeudi à Tunis, à lever les obstacles entravant l’application de la loi garantissant aux femmes tunisiennes le droit à l’avortement depuis 52 ans (1973) soulignant que l’interruption volontaire de la grossesse (IVG) demeure un droit fondamental même si le taux de fécondité est en baisse.

S’exprimant lors d’une rencontre organisée à Tunis à l’occasion de la Journée mondiale pour le droit à l’avortement (le 28 septembre), la présidente du Groupe Tawhida Ben Cheikh, Hedia Belhaj, a rappelé que la Tunisie était pionnière dans la promulgation d’une loi garantissant le droit de la femme à l’IVG, à travers l’article 214 du Code pénal, saluant les efforts déployés à l’époque par l’État pour mettre en place un programme inclusif de planification familiale.

Elle a cependant signalé que l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive est devenu difficile ces dernières années faisant remarquer que des femmes célibataires sont souvent “stigmatisées” lorsqu’elles sollicitent un avortement, en plus des lourdeurs administratives qui constituent un obstacle majeur, notamment pour les non-mariées et les mineures (moins de 18 ou 20 ans).

Selon Belhaj, certains professionnels de la santé refusent de pratiquer des avortements, en raison des normes sociales et religieuses.

“L’avortement médicamenteux, pourtant reconnu comme une méthode sûre et efficace, reste limité aux centres de l’Office national de la famille et de la population”, a-t-elle relevé.

Elle a ainsi plaidé pour la mise en place de mécanismes de suivi, de reddition de comptes et d’évaluation du personnel médical et paramédical dans la prestation des services sexuels et reproductifs, appelant à promouvoir une éducation sexuelle complète dans les centres de santé.

À ce propos, elle a évoqué les résultats d’une étude récente menée par le Groupe Tawhida Ben Cheikh révélant qu’un quart seulement des hommes interrogés sont informés de l’existence d’une loi garantissant le droit à l’avortement, contre moins de 50 % des femmes. D’autres études réalisées par l’association ont mis en lumière des disparités entre zones rurales et urbaines, ainsi que des difficultés accrues pour les jeunes filles et les femmes en situation de vulnérabilité (faibles revenus, handicap, victimes de violences, vivant avec le VIH, migrantes) à accéder à l’information et aux services de santé.

De son côté, la secrétaire générale de l’association, Salma Hajri, a souligné que, malgré les acquis législatifs, une jeune fille de 18 ans doit encore présenter une autorisation parentale pour avorter, alors qu’elle dispose des mêmes droits et devoirs que tout citoyen, y compris celui de voter et de participer à la vie politique.

Elle a, dans ce contexte, affirmé que la stigmatisation dont souffrent les femmes lorsqu’elles revendiquent leur droit à l’avortement a de lourdes conséquences sur leur santé physique, psychologique et sur la société en général, rappelant que l’avortement est essentiel pour garantir les droits sexuels et reproductifs des femmes ainsi que leur liberté de choix et leur autonomie.

Afin d’assurer une offre de services cohérente et intégrée, les participants à la rencontre ont appelé au renforcement de la coopération entre les organismes institutionnels et les organisations de la société civile.