Ventes à créditUne vidéo publiée par l’Anpme (الجمعية الوطنية للمؤسسات الصغرى والمتوسطة) a suscité un vif débat en Tunisie. Le sujet : l’interdiction d’appliquer des intérêts lors des ventes à crédit par des commerçants. La publication a touché un large public et révélé des divergences profondes sur les pratiques commerciales.

Un cadre juridique contraignant

En Tunisie, le Code des Obligations et des Contrats encadre strictement la facturation d’intérêts. Entre commerçants, leur stipulation est présumée, mais elle doit être écrite entre non-commerçants. Parallèlement, dans la finance islamique, le principe du Riba interdit toute rémunération basée sur l’intérêt, perçue comme une exploitation injuste. Cette double contrainte légale et religieuse influence directement la manière dont les entreprises organisent leurs ventes à crédit.

Risques économiques pour les entreprises

Pour les PME, l’absence d’intérêts implique une perte de revenus liés au financement différé. Elle accroît aussi le risque de défaut ou de retard de paiement, puisque l’entreprise supporte seule la charge du crédit consenti. Certaines préfèrent alors privilégier le paiement comptant, ce qui réduit l’accès de nombreux clients à certains biens ou services.

Des modèles alternatifs émergents

Face à ces contraintes, des solutions innovantes se développent. Dans le commerce en ligne, plusieurs plateformes tunisiennes ont adopté le modèle Buy Now, Pay Later (BNPL), permettant au client de payer en plusieurs fois sans frais, tandis que le commerçant reçoit immédiatement la totalité du montant. Dans l’automobile, certains concessionnaires proposent des plans de financement à taux zéro, intégrant le coût du crédit dans le prix final du véhicule.

Les grandes surfaces et enseignes de distribution s’y mettent également, en offrant des crédits gratuits sur l’électroménager ou le mobilier. Ces formules reposent souvent sur des partenariats avec des institutions financières, qui proposent des contrats adaptés comme la murabaha ou la location-vente. Enfin, des PME innovantes orientées vers le développement durable recourent à des mécanismes de financement participatif ou de partage de profits, conciliant éthique et compétitivité.

Une contrainte transformée en opportunité

Si l’interdiction des intérêts à crédit apparaît au départ comme un frein, elle agit aussi comme un levier d’innovation. Les entreprises tunisiennes qui adaptent leurs pratiques commerciales à ce cadre réglementaire découvrent de nouvelles marges de manœuvre, capables de renforcer leur attractivité et leur durabilité. Le débat public, relancé par l’Anpme, montre que la question ne relève pas seulement de la finance, mais aussi de la confiance entre commerçants, banques et consommateurs.