Une diversification réussie du secteur touristique en misant sur les segments porteurs (Tourisme des seniors, tourisme de santé et bien-être, maisons d’hôtes et tourisme rural, tourisme haut de gamme, tourisme locatif / plateformes), pourrait générer des recettes totales de l’ordre de 13,17 milliards de dollars à l’horizon 2030, soit 24,45% des recettes totales du secteur touristique à cet horizon, c’est ce qui ressort d’une étude publiée par l’IACE.
L’étude intitulée « Chiffrage du potentiel des segments » et présentée lors de la 9ème édition du Tunisia Economic Forum organisé, mercredi, à Tunis, montre également que la diversification du secteur touristique à travers des investissements ciblés et des politiques publiques proactives permettrait une création nette de 32 895 emplois d’ici 2030, contribuant ainsi à la désaisonnalisation du secteur a ajouté, Safouane Ben Aïssa, auteur de l’étude.
Cette étude a, en effet, établi trois scénarios prospectifs (2025-2030). Un scénario conservateur qui consiste en le maintien d’une croissance modeste, avec des gains limités en raison de contraintes structurelles (infrastructures, instabilité). Un scénario central axé sur la poursuite d’une croissance portée par la consolidation de segments existants (balnéaire, santé), et un scénario ambitieux qui prévoit une accélération de la croissance via une diversification réussie de l’offre touristique.
L’étude plaide, ainsi, pour une diversification du produit touristique national en s’adaptant aux nouvelles tendances du tourisme mondial. Elle identifie, ainsi, 6 secteurs porteurs sur lesquels la Tunisie dispose de plusieurs avantages comparatifs.
Il s’agit du tourisme des seniors qui pourrait attirer une clientèle européenne retraitée, à fort potentiel en basse saison (hiver/printemps), du tourisme de santé et bien-être sur lequel la Tunisie bénéficie déjà d’une réputation internationale, surtout auprès de la diaspora et des clientèles maghrébines et européennes, du tourisme rural et de maisons d’hôtes actuellement en vogue avec la montée de la recherche d’authenticité, de circuits culturels et d’écotourisme. Ce segment favorise un rebalancement régional et une plus grande inclusion des zones intérieures.
Il s’agit également du tourisme de luxe essentiel pour diversifier le mix touristique et capter des clientèles à fort pouvoir d’achat et du tourisme locatif qui connait une forte croissance via des plateformes comme Airbnb, Abritel, etc., notamment dans les grandes villes et les zones balnéaires.
« Ces filières restent freinées dans leur développement. Les obstacles sont connus : Un cadre réglementaire encore trop rigide et souvent inadapté aux nouvelles réalités, une coordination institutionnelle insuffisante, et un décalage persistant entre l’offre traditionnelle et les attentes évolutives des marchés internationaux », a souligné le président de l’IACE, Amine Ben Ayed.
Et d’ajouter « promouvoir ces nouveaux segments n’est pas une option. C’est un choix stratégique pour l’avenir de notre pays. Mais ce choix ne pourra réussir qu’à travers notre capacité collective à agir, à coordonner nos efforts et à innover ensemble ».
L’étude propose ainsi une feuille de route 2026-2028 pour réussir la diversification du secteur touristique et développer les créneaux porteurs identifiés. Laquelle passe par l’autorisation de visas long séjour et le développement de packages bas-saison pour les seniors, la mise en place d’un label national, d’un portail pour les rendez-vous et des accréditations pour le tourisme de Santé.
Cette feuille de route plaide, aussi, pour la création d’un label durable et de fonds de rénovation/restructuration pour le tourisme rural et des maisons d’hôtes, la création d’un label Luxury Tunisia et la défiscalisation des investissements en patrimoine pour le tourisme de luxe. Elle appelle aussi à la fixation d’un registre/licence, de quotas zonés et d’une fiscalité simplifiée pour le tourisme locatif.
Nécessité de réformer le cadre juridique du tourisme tunisien
Lors de ce forum, l’IACE a également présenté une deuxième étude intitulée « Vers une nouvelle réglementation ». Laquelle a mis l’accent sur l’impératif de réformer le cadre juridique du tourisme tunisien pour favoriser le développement des segments porteurs.
Cette étude a identifié les points forts du cadre actuel qui consistent en l’ancrage historique et la continuité législative depuis 1919, l’organisation institutionnelle structurée (ministère, ONTT, commissariats régionaux…), l’encadrement technique rigoureux pour l’hôtellerie traditionnelle et les dispositifs d’investissement diversifiés (code des investissements, lois sur les investissements, avantages fiscaux).
Ce cadre souffre, toutefois, de défaillances structurelles majeures dont les dysfonctionnements transversaux, l’approche administrative traditionnelle inadaptée, la fragmentation normative et undéficit de cohérence et d’innovation face à la digitalisation.
S’agissant des segments porteurs identifiés par la première étude, le tourisme des seniors fait, surtout, face à l’absence de statut (résidences-services) et le manque de conventions signées avec les pays concernés.
Le tourisme de santé, lui, est plutôt confronté à une dualité institutionnelle (Décret 2008-2864) et à la propagation de pratiques non réglementées. Le tourisme rural pâtit toujours du statut flou des gites, des contraintes foncières agricoles et de la fiscalité inadaptée. Le tourisme de luxe, concept abandonné depuis 1973, est réduit aux “hôtels de charme » alors que le tourisme locatif fait face à un vide juridique total, des plateformes non encadrées et une concurrence déloyale.