La Tunisie participe cette année à la 79ème édition du Festival d’Avignon (France), l’une des plus grandes manifestations internationales du spectacle vivant contemporain, qui se déroulera du 5 au 26 juillet 2025, avec une programmation artistique portée par l’association L’Art Rue et les deux artistes chorégraphes Selma et Sofiane Ouissi.

A travers un spectacle chorégraphique inédit, “Laaroussa Quartet-un corps libre qui invente son propre geste”, et deux films documentaires “Sejnane, là où naît le geste” et “Wajdan”, cette présence tunisienne entre en résonance avec les spectacles de la langue invitée de cette édition, qui met à l’honneur l’arabe, “langue de lumière, de dialogue, de connaissance et de transmission”.

“Laaroussa Quartet” : une création contemporaine née des gestes ancestraux

Depuis plus de deux décennies, le duo Selma et Sofiane Ouissi explore le savoir-faire unique des femmes potières de Sejnane (Nord de la Tunisie), inscrit depuis 2018 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Dans le cadre de cette participation, ils présenteront leur toute nouvelle création chorégraphique, “Laaroussa Quartet”, programmée les 6, 7 et 8 juillet 2025 à La FabricA du Festival d’Avignon.

A travers cette œuvre scénique qui fait dialoguer danse, musique, vidéo documentaire et gestes ancestraux, les deux artistes tissent les récits et les gestes des femmes potières de Sejnane, avec ceux des interprètes, dans une écriture chorégraphique qui interroge la mémoire, le territoire et la transmission.

Création à la fois chorégraphique et documentaire, “Laaroussa Quartet” qui interroge la capacité du geste à créer du lien, à transformer la matière et à transcender les frontières sociales, culturelles et géographiques, s’inscrit dans le prolongement de leur aventure qui a commencé en 2011 à Sejnane, allant à la rencontre de ces potières qui se transmettent, de mère en fille, l’art du façonnage des poupées d’argile appelées dans le dialecte tunisien “Laaroussa”.

De cette rencontre naît une première partition chorégraphique, interprétée alors par le duo en regardant le geste artisanal comme une expérience esthétique. Les fondateurs de Dream City proposent dans cette création une relecture confiée à quatre danseuses, prolongeant cette mémoire vivante à travers d’autres corps, dans une démarche de “société rêvée”, où le geste, fragile et puissant, devient un acte de résistance.

L’originalité de cette création réside dans sa phase préparatoire : une immersion complète auprès des potières de Sejnane, qui ont transmis leur gestuelle aux interprètes. Parmi elles, la doyenne disparue, Jemaa Selmi, ou “Ommi Jomaa”, dont la présence a profondément marqué la genèse du projet.

La distribution réunit Amanda Barrio Charmelo, Sondos Belhassen, Marina Delicado Bellmunt, Moya Michael et Chedlia Saidani. La dramaturgie sonore et musicale est assurée par Tom Pauwels, avec une composition d’Aisha Orazbayeva.

“Laaroussa Quartet” est une production de Dream City 2025 en coproduction avec le Festival d’Avignon, Charleroi danse -Centre chorégraphique de Wallonie-Bruxelles-, Ictus Ensemble, KVS (Bruxelles) avec le soutien du Théâtre National Tunisien (TNT) et de la Sharjah Art Foundation.

“Sejnane, là où naît le geste” et “Wajdan” aux “Territoires cinématographiques”

En parallèle, la programmation “Les Territoires cinématographiques” du festival, prolonge les réflexions du spectacle vivant à travers le prisme du cinéma. Ce rendez-vous quotidien propose des projections suivies de rencontres avec des artistes, chorégraphes, cinéastes, critiques ou journalistes invités au festival.

Dans ce contexte, deux films liés à “Laaroussa Quartet” offriront aux cinéphiles l’occasion de découvrir le processus créatif de ce projet choréo-documentaire.

Le premier, “Sejnane, là où naît le geste”, programmé pour une projection-débat le 11 juillet prochain est un documentaire expérimental de trente minutes qui témoigne du savoir-faire des femmes potières de Sejnane, de leurs gestes quotidiens et de leurs résistances silencieuses. Conçu comme un choréo-documentaire réunissant quatre interprètes, film et musique, il s’inspire de gestes millénaires transmis directement aux artistes par les femmes berbères de Sejnane. Il en résulte une oeuvre sensible, où artisanat, danse, cinéma et sonorité s’unissent pour révéler “un corps libre qui invente son propre geste”.

Le second film, “Wajdan”, est un long-métrage documentaire réalisé en 2020, sur commande du Guggenheim Museum Abu Dhabi. Il interroge la place des artistes en période de crise. Pour ce projet, Selma et Sofiane Ouissi ont dirigé à distance cinq artistes femmes filmées chez elles avec leurs téléphones portables. Elles répondent à la voix de “Wajdan”, une réfugiée syrienne vivant en France, dont le témoignage faisait déjà partie de leur projet artistique “Le Moindre Geste”.

“Les Territoires de la langue”: des films à l’écran en résonance avec la langue invitée

Les projections seront rythmées par plusieurs temps forts, dont “Les Territoires de la langue”, mettant à l’honneur des œuvres issues de la culture arabe en résonance avec la langue invitée de cette édition.

Pour sa 79ème édition, le Festival d’Avignon a choisi de mettre à l’honneur l’arabe, cinquième langue la plus parlée au monde et deuxième en France, avec l’ambition de “faire des découvertes, nouer des dialogues et affirmer une confiance dans la capacité des arts à créer des espaces communs”.

Du plateau à l’écran, une série de films aux couleurs de la Tunisie, du Maroc, du Liban, d’Egypte, de Syrie, d’Irak et de Palestine est proposée pour interroger les résistances, les luttes sociales et les identités culturelles. A travers des récits puissants et singuliers, ces œuvres dressent des portraits de femmes puissantes et libres, avec notamment “Les Filles d’Olfa de Kaouther Ben Hania”, abordent des thématiques comme l’enfance confrontée aux défis du monde, dans “Capharnaum” de Nadine Labaki, ou encore la mémoire familiale, à travers “Bye Bye Tibériade” de Lina Soualem, etc.

Fondé en 1947 par l’auteur et homme de théâtre et de cinéma français Jean Vilar, le Festival d’Avignon, considéré comme une grande fête civique et artistique aux multiples visions du monde, vise à renforcer le soutien à la création artistique, à accompagner les artistes émergents et à co/produire et à présenter des créations d’excellence.