On prévoyait de terminer l’année 2023 avec un taux 1,8% de croissance, nous la clôturerons avec seulement 0,9% !  Ce qui est loin de réduire la pauvreté, créer de l’emploi et œuvrer pour plus de prospérité. C’est, comme le décrit un expert financier et économique, une dégringolade du taux de croissance que nous ne pouvons expliquer uniquement par une saison agricole catastrophique. Car si les récoltes céréalières ont accusé des baisses considérables, les exportations de l’huile d’olive vendues plus cher ainsi que celle des dattes auraient pu compenser, ne serait-ce que partiellement le manque à gagner du secteur céréalier !

Mais qu’en est-il des investissements, qu’en est-il de la production du phosphate, du gaz et du pétrole, secteurs potentiellement générateurs de devises et créateurs d’emplois ?

Durant les 9 premiers mois de l’année, les exportations du secteur de l’énergie ont baissé de 38,2% et celles des mines, phosphates et dérivés de 23,9%. (INS)

Le secteur des services a enregistré une croissance de 4,6%, totalisant 324,7 MTND à fin juin 2023. Sur les sept premiers mois de l’année en cours, les investissements approuvés dans le secteur agricole s’élèvent à 275,8 millions de dinars pour un total de 1.556 opérations d’investissement, soit une baisse de 24,5% selon l’APIA.

Dans l’Industrie, on parle à l’API d’un accroissement de 19,7% des investissements déclarés durant les huit premiers mois 2023. A fin juillet, l’investissement déclaré a atteint le montant de 1487.7 MD, contre 1184.7 MD lors des sept premiers mois de l’année 2022, enregistrant ainsi une augmentation de 25.6 %. 1.814 projets déclarés, qui permettraient, si réalisés, la création de 25424 postes d’emplois. Mais entre investissements déclarés et investissements réalisés, il y a un long chemin à parcourir jusqu’à la concrétisation finale.

Cela étant, malgré les « bonnes nouvelles » venant de l’API, nous ne pouvons pas dire que l’investissement a repris au rythme qu’il avait en 2019 avant l’avènement du Covid+, ce qui nous amène à parler du projet de loi des Finances 2024 et des mesures prises pour initier une relance des investissements dans un contexte national et international, le moins qu’on puisse dire délicat et incertain. Nous n’avons pas non plus un cadre réglementaire incitatif. Aux dernières nouvelles, le ministère de l’Economie et de la Planification mettait les touches ultimes au nouveau code des Investissements. Mais avec le limogeage du ministre Samir Saied, qui sait ?

Des mesures ou des mesurettes ?

Une loi des finances qui paraît dans ses grandes orientations pensées et réfléchies qui s’avère après lecture versée dans la facilité. Faute de pouvoir prendre de grandes décisions pour donner un coup de fouet à l’investissement, on s’est contenté d’augmenter les taxes. Soit 9 mesures sur 40 prises dans le cadre de la loi des Finances. A peu près 20%.

Le gouvernement a donc décidé d’appuyer financièrement la BFPME (Banque de financement des Petites et Moyennes Entreprises). La BFPME en grandes difficultés avec des fonds propres de 10,5 MD et des charges de l’ordre de 10,9 MD ! Une banque qui n’a même pas réussi à couvrir ses propres charges à laquelle, comme de tradition, nous injectons l’argent des contribuables ! Il aurait mieux fallu reprendre le principe des banques de développement en unissant la BTS et la BFME dans une seule institution financière avec pour seule mission le développement des moyennes, petites et très petites entreprises.

  • La Tunisie clôturera l’année 2023 avec une croissance bien en deçà des prévisions, impactant la lutte contre la pauvreté et le chômage

La PLF 2024 a aussi prévu une enveloppe de 20 MD pour les sociétés communautaires ignorant les lois instaurant l’économie sociale et solidaire et le crowdfunding qui peuvent être d’un grand apport dans le développement d’un tissu entrepreneurial fait de TPE et visant les porteurs de projets ne disposant pas de moyens financiers. Espérons aussi que le gouvernement mettra en place un mécanisme de contrôle pour suivre l’évolution des sociétés communautaires, accompagner leurs initiateurs, les aider à se développer et s’assurer de leur rentabilité pour éviter de reprendre le scénario des Sociétés de l’environnement, de plantation et de jardinage (SEPJ), créées officiellement en 2011 qui profitent des financements de la CPG sans réelle efficience, productivité ou rentabilité !!!

L’augmentation des impôts a touché le secteur touristique en imposant de nouvelles redevances à toutes les unités d’hébergement afin de compenser les produits subventionnés par l’Etat dont profitent toutes les unités touristiques mais aussi les pâtisseries non classées. 5% sur le chiffre d’affaires des pâtisseries mais qui seront finalement couverts par le consommateur final. L’augmentation aussi des redevances sur les intrants des produits laitiers et leurs dérivés ce qui de nouveau pénalisera le consommateur final.

  • La PLF 2024 : Des taxes et des mesures pour réduire le déficit, mais quel impact sur l’économie ?

La PLF 2024, prévoit l’augmentation de la taxe carbone sur les produits énergétiques : gaz, hydrocarbures et électricité.

La loi prévoit aussi la révision des tarifs sur tout ce qui concerne les permis de conduire, les dépôts des dossiers et les cartes grises et dans un autre chapitre la création d’un fonds destiné à la réforme et au renforcement du système judiciaire.

Pour alimenter le fond on impose désormais des droits de timbres de 10 dinars par page sur les ordonnances sur requêtes, ce qui pénalisera les justiciables démunis. 30% des recettes seront aussi prélevés sur les fonds du RNE (Registre national des Entreprises) pour le financer. Le RNE, une institution publique florissante qui risque de reproduire le schéma de celles en difficultés car touché dans ses équilibres financiers.

A parcourir la loi des Finances, on ne trouve pas de véritables mesures pour lutter contre la fraude fiscale. Pourquoi à ce jour on n’a pas appliqué la loi imposant les caisses enregistreuses dans tous les commerces du pays et pénaliser les réfractaires par des amendes allant crescendo ?

Pourquoi ne pas encourager les acteurs de l’économie parallèle à intégrer le circuit formel on ne les soumettant à aucune condition sauf à celles prévues par la loi à partir du moment où ils deviennent « officiels » ?

Pourquoi ne pas taxer les dividendes distribués par les grands groupes internationaux installés depuis des décennies en Tunisie et appartenant à des étrangers ?

  • Faut-il une loi de finances révolutionnaire pour relancer les investissements et stimuler la croissance en Tunisie ?

En conclusion, nous ne pouvons pas dire que la PLF 2024 n’a pas institué de nouvelles augmentations des impôts comme décrié par certains officiels. Les augmentations sont bien là et couchées sur le projet de loi de Finances qui sera adopté.

On ne peut pas dire non plus que les réformes négociées avec le FMI n’ont pas été considérées par l’Etat tunisien. La réduction de la masse salariale via plusieurs mécanismes, l’augmentation du carburant et des produits énergétiques au titre de la taxe carbone et les nouvelles redevances sur les pâtisseries, les produits laitiers, secteur touristique et para-touristique ont pour objectif de rationaliser les dépenses de l’Etat et de réduire le déficit de la caisse de compensation.

Mais, plus important que tout, la Tunisie pourrait-elle créer de la croissance sans une loi de Finances révolutionnaire pour la relance des investissements ?