Après 18 ans d’exercice en tant que banque de développement et compte tenu de son apport à l’économie tunisienne, la Banque de financement des petites et poyennes entreprises (BFPME) “n’a plus aujourd’hui le droit à l’erreur”, déclare Lébid Zâafrane, son directeur général, dans un entretien exclusif accordé à l’agence TAP.

Zâafrane plaide en faveur d’une restructuration totale et urgente de cette banque, qui traverse une période difficile, en raison de manque de fonds publics, de lignes de fonds budgétaires non renouvelées, de lignes de financement étrangères épuisées, et aussi des programmes d’investissements bloqués.

Dans cette conjoncture difficile, Zaâfrane analyse la situation générale de la banque sous l’angle comptable. Situation difficile!

La banque est actuellement dans une “situation difficile”. Car, d’après le responsable, elle a déjà absorbé tout son capital a cause de pertes financières antérieures. “Le capital de la banque n’a pas été augmenté depuis 2015, alors que la loi de finances complémentaire de l’année 2015 prévoyait une augmentation à 100 millions de dinars.

En 2019, le scénario s’est reproduit et l’injection prévue de 100 millions de dinars par l’Etat tunisien, en tant que seul actionnaire de la banque, a été abandonnée à cause du projet de création de la “Banque des régions”, a développé Lébid Zaâfrane.

Une autre défaillance évoquée par le responsable: le modèle d’affaires actuel de la banque, étant dépassé, ne permet pas de dégager une situation financière équilibrée. Les bénéfices sont ainsi infimes par rapport à ceux qui sont réalisés par les banques commerciales de la place.

Selon la loi bancaire, la BFPME est définie comme étant une banque de développement universelle qui se distingue de la banque commerciale, puisqu’elle prend beaucoup de risques en finançant 80% des projets de création et 20% des projets d’extension.

En d’autres termes, 65% du portefeuille de la BFPME sont orientés vers les projets installés dans les zones de développement régional. Son directeur général appelle donc à la nécessité de remplacer l’ancien modèle d’affaires de la banque, basé sur un seul produit bancaire qu’est le crédit à moyen et à long terme, par un autre qui tient compte de ses atouts.

“En effet, l’accompagnement, le financement et la gestion des fonds sont les trois principaux maillons de la chaîne par lesquels passent les nouveaux promoteurs et sur lesquels l’Etat doit agir pour instaurer une banque de développement au sens propre du terme”, a affirmé le responsable.

Accompagnement des promoteurs, depuis la conception jusqu’à la post-création

Sur le plan de l’accompagnement des promoteurs, “la banque ne ménage aucun effort en consacrant 70% de son temps à la formation et l’encadrement des promoteurs gratuitement durant toute la phases de la création de leurs projets. C’est-à-dire de la conception du projet jusqu’à l’étape post-création”.

LA BFPME est parvenue à augmenter le taux de remboursement des créances à 90%

Zâafrane recommande, dans ce cadre, la rémunération de ces services d’accompagnement, à l’instar des banques commerciales, afin d’augmenter le taux du recouvrement et par conséquent maîtriser le taux des créances accrochées.

Au niveau du financement, la banque a alloué aux nouveaux promoteurs, durant la période 2008-2013, des crédits sans garantie réelle, même pour la location des machines. Ce qui montre que durant cette période la règle Banking, qui exige des garanties auprès du promoteur, n’a pas été respectée.

Une expertise dans le financement des PME

Aujourd’hui, assure Zâfrane, la banque est parvenue à augmenter le taux de remboursement des créances à 90%. Depuis 2018, aucun crédit n’a été classé, a-t-il rappelé. “Nous avons fait le bon choix de changer la méthode d’évaluation des projets ainsi que la politique budgétaire de la banque. Ceci a permis de bien choisir les clients”.

D’après les études de la BFPME, plus de 50% des demandes des promoteurs exigent auprès de la Banque un financement de leurs besoins en fonds de roulement structurel, alors que le reste des demandes porte sur des crédits d’investissements.

En ce qui concerne la gestion des fonds, la BFPME exige l’inclusion des commissions dans le Produit Net Bancaire (PNB) pour pouvoir couvrir les risques encourus par l’entrepreneur, rappelant que le risque bancaire ne dépasse pas 3% pour la BFPME contrairement aux banques commerciales qui exigent un risque de plus de 6%.

plus de 50% des demandes des promoteurs exigent auprès de la Banque un financement de leurs besoins en fonds de roulement structurel,

Crédit participatif, produit privilégié de la banque

La BFPME propose un produit spécifique qui est le crédit participatif d’une durée de 8 à 10 ans, sans intérêts, avec une période de grâce de 3 ans. Ce privilège permet, d’après le responsable, de renforcer les fonds propres des projets réalisés et de minimiser leurs risques.

Pour que la banque puisse s’acquitter efficacement de sa mission, Zâafrane préconise une injection de près de 450 millions de dinars (MDT) pour couvrir ses différentes charges et pour que la banque retrouve ses équilibres financiers.

Zâafrane préconise une injection de près de 450 millions de dinars pour couvrir ses charges

Pour mémoire, la BFPME a approuvé, en 2022, près de 1 644 dossiers de création de projets pour un total d’investissement de près de 1,3 milliard de dinars, générant 30 464 postes d’emplois.

Le secteur des industries alimentaires occupe la première place avec 348 approbations pour un total d’investissement de 298,152 millions dinars (MDT), créant 4 761 postes d’emplois, suivi des industries chimiques avec 168 approbations pour un total d’investissement de 227,589 MDT générant près de 2736 postes d’emploi, puis le secteur des services avec 325 approbations pour un total d’investissement de 183,220 MDT générant 3 521 postes d’emploi.