Non aux emprunts extérieurs, non à la levée des subventions, non à l’augmentation des impôts et non à la privatisation ! Comment avec ces 4 « non » présidentiels, établir le cadrage macroéconomique, réaliser un équilibre budgétaire, assurer la relance économique du pays et sortir de la récession ?

L’économie nationale, au deuxième trimestre de l’année, affiche, selon l’INS un taux de croissance en repli par rapport au premier trimestre (révisée à 1,9 %, contre 2,1% initialement). « En termes de variations trimestrielles (c’est-à-dire par rapport au premier trimestre de 2023), le PIB en volume a connu une évolution négative de -1,3 %, alors qu’il avait augmenté de 0,7 % au cours du trimestre précédent ».

La demande intérieure en volume a progressé de 0,2%, ce qui est très peu, et a contribué positivement à hauteur de 0,25 points de pourcentage à la croissance économique du deuxième trimestre (0,6). Le solde des échanges extérieur y a contribué à hauteur de 0,35 point, du fait de la hausse du volume des exportations de biens et services de (11,4%).

La Tunisie affiche une croissance en repli, avec des taux de croissance revus à la baisse

Des réalisations trop modestes qui ne suffiront pas à combler le manque de ressources financières permettant de combler les trous de 3 années successives où l’Etat a été dans l’incapacité de s’acquitter de ses engagements budgétaires.

Hechmi Alaya, une référence en matière d’analyse du contexte économique parle d’une récession économique qui s’installe en prenant pour indicateur la monnaie qu’il considère comme le miroir de l’économie. « L’éclairage le plus pertinent est fourni cette semaine par la monnaie. Jamais la Tunisie n’a connu en plus de deux décennies, un ralentissement aussi déclaré des financements bancaires à l’économie. Non seulement le crédit à l’économie n’a pas augmenté en juillet-août par rapport au second trimestre, mais il s’établit globalement à fin août, en hausse de seulement 2,5% par rapport à la même période de l’an passé. La part des crédits destinés à financer le cycle de production des entreprises et la consommation des ménages est tombée cette année à son plus bas niveau depuis plus de deux décennies : 76,0% vs 78,9% l’an dernier et 87,6% en moyenne pour la décennie 2010. Cette raréfaction de l’offre de crédit bancaire est un signe qui ne trompe pas : le ralentissement économique s’est accéléré au 3ème trimestre ».

“Le ralentissement des financements bancaires à l’économie reflète un défi économique majeur”, souligne Hechmi Alaya.

Au compter sur soi prôné par Kais Saied, les experts les plus compréhensifs répondent : ce n’est pas suffisant. Abdelkader Boudrigua, professeur d’économie estime que sans accord avec le FMI, il ne serait pas aisé de trouver les ressources nécessaires pour les investissements publics locomotive de la redynamisation économique. Pour que la Tunisie puisse retomber sur ses pattes, il va falloir réaliser une croissance de 6 à 7 %, ce qui relèverait de l’impossible pour les années 2024/2025 et 2026.

La BAD et aussi la Banque mondiale estiment que la croissance pour l’année prochaine ne dépassera pas les 2,8 à 3%. « Le taux de croissance augmentera en Tunisie à 3% en 2024 pour se situer au même niveau en 2025, estime le rapport, soulignant que le taux de croissance a été révisé à la baisse de 1% en 2023 et de 0,6% en 2024. » Selon la Banque Mondiale plusieurs facteurs ont limité la hausse du taux de croissance en 2022, dont les chocs par suite des transactions étrangères et la lenteur des réformes.

Vaincre les résistances d’une Administration qui rejette les réformes !

Institutions nationales et internationales et experts appellent à l’accélération des réformes structurelles, seul moyen pour que la Tunisie de se remette de la récession et surmonte ses vulnérabilités économiques.

Mais avant tout l’apaisement et la réconciliation ! La Tunisie ne peut pas continuer dans la logique de la chasse aux sorcières et le climat de la peur. Il revient à la justice de sévir quel que soit le crime ou le délit et il est du devoir et même de l’obligation des pouvoirs publics de rétablir la confiance et rassurer la population partout et dans toutes ses composantes socioprofessionnelles ou régionales.

Un coup de crayon pour modifier les lois et réglementations handicapantes et des coups de balais dans une administration qui fait de la résistance à la numérisation et qui cultive la culture de la rente pourraient changer la donne dans le pays.

Le grand combat est celui que l’Etat doit livrer, mais plus intelligemment, à certains acteurs économiques qui monopolisent les opportunités d’affaires et au système d’autorisations qui bloque toute activité économique.

“Les réformes structurelles sont indispensables pour que la Tunisie se remette de la récession”, insistent les experts

En Tunisie, la rente est devenue une culture ancrée dans certains milieux qui disposent de tous les moyens y compris d’entrées dans l’administration publique pour rendre presqu’impossible toute concurrence ou l’entrée en scène de rivaux possible. Le secteur de la friperie en est l’illustration la plus parfaite, aussi certaines activités dans l’agroalimentaire, les tomates concentrées ou les fourrages en sont des exemples assez édifiants !

Depuis les années 70, l’UGTT est aussi dans la rente monopolisation toute décision dès qu’il s’agit d’entreprises publiques décidant des nominations et des responsables et plaçant les « proches » dans des postes administratifs clés.

L’Administration est aussi dans la rente, bloquant tout plan de mettre fin au contact direct avec les administrés et profitant des bénéfices que cela peut apporter. Sans tomber dans la généralisation, nous pouvons trouver des centaines d’exemples dans les services de douanes, ceux des impôts, les municipalités et même les postes de police. Une partie de l’administration publique est prête à livrer toutes les guerres pour ne pas céder le pouvoir de décider d’accorder ou de ne pas accorder une autorisation, un certificat ou une attestation.

Dans les années COVID, Nizar Yaïche, alors ministre des Finances, a dû imposer par la force que la déclaration de revenus pour un chiffre d’affaires de plus de 100 mille dinars se fasse à distance. (Avant, il fallait un million de dinars).

L’Administration-celle du ministère de l’Intérieur- qui fait tout pour maintenir le visa en papier alors que l’établissement du visa électronique pourrait faire gagner au pays un milliard de dinars par an, outre l’encouragement des investisseurs de tous les pays du monde qui pourraient venir en Tunisie, plus facilement au lieu d’être obligés de chercher une ambassade et d’attendre des semaines ou des mois pour avoir le visa.

Une administration qui traine à lancer le passeport biométrique obligatoire à partir de 2024 dans tous les aéroports du monde mettant les voyageurs tunisiens dans des situations embarrassantes même aujourd’hui à chaque fois qu’ils partent dans des pays où les passeports non biométriques ne sont pas tolérés.

Ne parlons pas des appels d’offres nationaux et de tous les subterfuges, nous y reviendrons. Numérisation et rétablissement de la confiance devraient être les maîtres mots en Tunisie alors que nous ignorons ce que nous réserve un futur économique défini par les 4 « Non » du président de la République.

Si l’Etat use du coup de crayons et des coups de balais, peut-être qu’il pourrait assumer comme il se doit la responsabilité de répartir les richesses d’une croissance espérée alors que nombreux sont les créateurs de richesses qui préfèrent déserter la Tunisie pour faire profiter de leur expertise, idées, projets et finances d’autres pays.