Le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a publié, fin février 2021, les résultats de sa consultation au titre de l’article IV avec la Tunisie dressant un bilan de l’impact de la pandémie en Tunisie et évaluant la réponse apportée par le gouvernement.

On peut lire dans ce rapport que, selon des estimations, le PIB réel s’est contracté de 8,2% en 2020, enregistrant ainsi le ralentissement économique le plus important depuis que le pays est devenu indépendant.

De plus, le FMI attire l’attention sur le déficit budgétaire et la dette publique qui ont augmenté en 2020 en identifiant les « responsables » : la masse salariale du secteur public, dont les récentes embauches dans le secteur de la santé pour faire face à la pandémie de Covid-19 et les subventions énergétiques.

Les administrateurs notent aussi que « la dette publique de la Tunisie deviendrait insoutenable à moins que ne soit adopté un programme de réforme solide, crédible et bénéficiant d’un soutien étendu ».

Ce programme viserait principalement la restructuration des entreprises publiques afin de réduire leur masse salariale, tout en favorisant le secteur privé pour augmenter la croissance et rendre l’activité économique plus riche en emplois.

Ainsi, le message est clair: « la Tunisie doit mettre en place les réformes attendues par le FMI en commençant par les entreprises publiques et les subventions ».

La Banque mondiale (BM) a également adopté le même positionnement, cette dernière « ne donnera pas de prêt à la Tunisie sans les réformes déjà mentionnées », selon Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord.

A cette position commune de la part des deux institutions, l’agence de notation Moody’s réduit davantage la marge de manœuvre du gouvernement en baissant la notation de la Tunisie de B2 à B3 et en maintenant les perspectives de cette notation à « négatives », resserrant ainsi les opportunités d’avoir des prêts à taux d’intérêt convenables alors que le ministère des finances avait prévu dans sa loi de finances 2021 de mettre en place une levée de fond pour l’équivalent de 6,5 milliards de dinars sur les marchés financiers internationaux.

Par ailleurs, la révision des perspectives négatives et le changement de notation sont liés à la conclusion d’un accord avec le FMI, sans lequel la Tunisie pourra difficilement lever des fonds sur les marchés financiers internationaux.

Selon l’agence Moody’s, l’abaissement de la note est alors lié au manque de prévisibilité des institutions et des actions du gouvernement, altérées par une forte présence du secteur public.

Suite à cette succession de pressions, l’ancien ministre des finances Ali Kooli, a confirmé la nécessité de recourir au FMI au début du mois de mars de cette année en annonçant qu’ « avoir un prêt du FMI donnera plus de crédibilité à la Tunisie sur les marchés financiers même s’il ne couvre pas tous les besoins ».

En effet, depuis l’alignement et la coordination des bailleurs de fond dans leur action, l’abandon d’un bailleur de fond majeur tel que le FMI ou la BM peut signifier l’arrêt des financements d’autres bailleurs multilatéraux.

Ainsi, « un programme de réformes est déjà établi par le gouvernement sans attendre les propositions du FMI » comme insiste à le dire le ministre des finances. En parallèle, l’ancien chef du gouvernement a accéléré la signature d’un accord avec l’UGTT et avec l’UTAP pour mettre en place des reformes stratégiques pour « la promotion de l’économie tunisienne » et pour « former un consensus autour des principales priorités de réformes, qui sera un argument de persuasion face aux partenaires étrangers et aux bailleurs internationaux dans la mobilisation de fonds pour notre pays », répondant ainsi à la première conditionnalité du FMI mentionnée dans le rapport des consultations de 2021 au titre de l’article IV avec la Tunisie pour mettre en place un « dialogue national sur les réformes » qui facilitera la mise en place, sans entraves par la société civile, des réformes demandées.

Par ailleurs, la restructuration des entreprises publiques semble annoncer une éventuelle privatisation. Selon le Vice-Président de la Banque Mondiale pour la région Moyen Orient et Afrique du Nord, Ferid Belhaj, « les entreprises publiques doivent être compétitives, sinon il faudra les vendre en espérant que le privé veuille bien les acheter ». Ainsi, le plan de sauvetage vise à diminuer le poids du secteur public en privatisant certaines entreprises publiques, conditionnalités classiques du FMI.

En effet, au milieu des années 1980, la privatisation des entreprises publiques a été entamée en Tunisie, notamment avec l’entrée en vigueur du premier plan d’ajustement structurel en 1986 lié à l’accord de confirmation avec le FMI de la même année. Ainsi, en Tunisie, comme dans le reste des pays du Sud, la privatisation a été l’un des principaux piliers des programmes d’ajustements structurels du FMI, présentée comme étant la solution ultime pour redresser les déséquilibres économiques et financiers.

Ce processus de privatisation a connu un rythme plus rapide en Tunisie durant les années 90, surtout après la conclusion de l’accord d’association avec l’Union européenne en 1995, avec une vitesse égale à la privatisation de 15 entreprises par an.

Entre 1987 et 2010, 250 entreprises publiques ont été privatisées. En 2016, le gouvernement de l’époque s’est engagé auprès du FMI à poursuivre le programme de restructuration des institutions publiques16 concernant la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG), la Société tunisienne des industries de raffinage (STIR), l’Office des céréales, Tunisair et la Régie Nationale du Tabac et des Allumettes (RNTA).

Ainsi, le programme dit de « restructuration des institutions publiques » n’est en fait qu’une étape d’un processus qui a commencé depuis les années 90 et dont l’objectif est de diminuer le rôle de l’Etat.

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Source : Observatoire Tunisien de l’Economie

Auteurs :

Imen Louati, PhD, Reseach Officer Community Field Coordinator, et Chafik Ben Rouine, Head of Statistics & Quantitative Research, se proposent, dans ce briefing paper, de présenter une évaluation de l’une de ces réformes entamées depuis 2016, à savoir la dévaluation du dinar tunisien.

Et cette dévaluation a eu un impact significatif sur les réserves en devises, le déficit commercial, le service de la dette, l’inflation et les entreprises publiques.