Selon nos informations, lassé depuis plus d’une dizaine d’années par les contreperformances répétées de la Tunisian Foreign Bank (TFB), banque française à capitaux tunisiens basée à Paris, l’Etat tunisien aurait décidé de vendre sa participations à son capital à des partenaires stratégiques.

Abou SARRA

Pour mémoire, l’Etat a tenté une première fois de la céder mais l’offre n’était pas intéressante, moins de 20 millions d’euros.

Créée en 1977, avec des fonds publics, la TFB, ex-Union tunisienne de banques, est une banque de droit français affiliée à la Fédération bancaire française. Son capital est détenu par des institutions financières tunisiennes, dont 14 % pour l’Etat tunisien, 49,5 % pour la STB et 34 % pour la BH Bank. Avec un capital social de 26,9 millions d’euros (M€) en 2020, elle dispose de cinq agences en France et d’une succursale offshore à Tunis à travers lesquelles elle exerce ses activités domestiques et internationales.

L’objectif officiel recherché à travers cette proposition de cession est double. Le premier serait d’améliorer la gouvernance de cette banque et de mettre fin à l’utilisation de cette banque – comme c’était le cas avec les proches des anciens présidents tunisiens, Bourguiba et Ben Ali – comme une tirelire qu’ils cassent une fois à Paris pour se payer toutes sortes de caprices.

Le deuxième serait de renforcer les capacités de cette banque afin qu’elle exerce son principal métier, à savoir celui de collecter au maximum l’épargne des Tunisiens résidant en France et en Europe.

Au cas où la TFB serait partiellement cédée

Si le scénario de sa cession partielle était retenu, ce qui est probable, du moins selon notre source, la STB serait la seule banque publique à garder sa participation au capital.

Quant à la BH Bank, certaines sources indiquent qu’elle ne serait pas intéressée d’y rester. Pourtant, elle a essayé en 2019 d’acquérir la totalité du capital, mais elle n’est pas parvenue à le faire en raison du montant élevé des fonds à mobiliser pour redresser la TFB.

Forte d’une grande notoriété auprès des Tunisiens résidant à l’étranger, la BH Bank, qui est active sur le marché européen, présente objectivement le profil idéal pour le rachat de cette banque.

Parmi les partenaires stratégiques intéressés par la TFB, on parle également de deux banques privées de droit tunisien qui auraient manifesté de l’intérêt pour le rachat de la TFB, fût-il partiel.

D’après nos sources, les deux banques candidates dont le nom n’a pas encore été révélé perçoivent dans cette cession partielle une précieuse opportunité pour se développer en Europe. Elles auraient justifié leur décision par deux atouts : le positionnement de la TFB à Paris au milieu de l’Union européenne avec laquelle la Tunisie réalise plus de 75 % de son commerce extérieur et la disponibilité d’une clientèle potentielle de 800 000 Tunisiens résidents en France et une communauté d’environ 30 000 Français en Tunisie.

Pour les experts, ce projet de cession partielle tombe à point nommé. Il pourrait contribuer à oxygéner la TFB et à la remettre sur la voie de la croissance d’autant plus qu’elle a été obligée, ces dernières années, à vendre des actifs pour 2 millions d’euros pour garder la tête hors de l’eau.

La restructuration de la TFB, une demande des Tunisiens en France

Ces mêmes experts estiment que le moment est venu pour mettre de l’ordre dans cette banque, et étayent leurs propos par les déboires qu’elle a connus. Parmi ceux-ci, ils citent un blâme et une amende de 700 000 euros que lui ont flanqués les autorités françaises de contrôle bancaire pour défaut de système de contrôle interne et pour manquement à ses obligations en organisation comptable. C’est le comble du non professionnalisme.

Pour ceux qui sont férus des chiffres : « à fin 2020, le PNB de la banque baissait de 22,1 % par rapport à 2019, pour à peine dépasser les 4 M€. Déficitaire de presque 5,5 M€, le RBE donnait déjà le ton pour le résultat net qui était aussi déficitaire de 3,934 M€ ».

Autre illustration de la défaillance de la TFB, les manquements dénoncés par les résidents tunisiens en France quant à l’inefficience de cette banque et les multiples appels qu’ils ont lancés aux autorités centrales « pour faire valoir leur droit à un service public bancaire à la disposition du citoyen tunisien en France ».

Exploitant en 2012 ce mécontentement, le parti Al-Joumhouri «Section Paris-Centre» avait saisi les autorités tunisiennes, l’Assemblée constituante à l’époque et la Banque centrale de Tunisie, à propos de la TFB.

Les principaux reproches adressés à cette banque sont : sa léthargie et les insuffisances de sa gouvernance. Pour eux, la TFB ne se démène pas beaucoup pour être à proximité des Tunisiens en France (maillage territorial mal adapté, avec 3 à 5 agences) et ne fournit pas assez de produits pour les intéresser (prêts pour étudiants…).

« Ce constat amer, notait Al-Joumhouri, est d’autant plus dur à accepter quand on observe le succès d’autres banques communautaires en France, telle que la banque Marocaine « Al Chaabi » qui a réussi à bâtir un réseau de 19 agences avec pratiquement moitié moins de capitaux investis que la TFB.

Pourtant, les économies des Tunisiens en France ne cessent au fil des années de s’imposer comme un apport consistant et de qualité pour les réserves en devises du pays.

Pour ne citer que les chiffres les plus récents de la Banque centrale de Tunisie : « Les transferts d’argent des Tunisiens résidents à l’étranger ont augmenté de 17% pendant le premier trimestre de l’année 2022 par rapport à la même période 2021. Ces transferts ont atteint 1,73 milliard de dinars ». Pour la totalité des transferts pour 2021, ces transferts étaient de 7,5 milliards de dinars, soit 8% du PIB. Ce qui est loin d’être négligeable en cette période de crise.

Est-il besoin de rappeler, ici, que la collecte des économies des travailleurs émigrés est retenue par la Banque mondiale comme une importante ressource pour renforcer les avoirs en devises des pays émetteurs, particulièrement pour éviter l’impact excessif de l’endettement en périodes de crise. Ce qui est le cas de nos jours en Tunisie.