La dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) va-t-elle fermer la parenthèse de l’errance démocratique ? Le pays a-t-il pris une option définitive pour la stabilité politique ?

Le président de la République, Kaïs Saïed, s’est résolu à dissoudre le Parlement. Il s’y est pris, in extremis, dans la soirée du 30 au 31 mars 2022. En effet, la plénière réunie ce mercredi 30 a voté la fin du processus initié le 25 juillet 2021. L’abolition de l’état d’exception pouvait déboucher vers un scénario d’Impeachment.

En actant la dissolution du Parlement, le chef de l’Etat a-t-il sauvé la transition ou tout simplement préservé son projet politique ?

Le jour d’après

Nous voici, le jour d’après. Et la ligne d’horizon n’a pas bougé. Le Parlement radié, la transition reprendrait-elle un cours apaisé loin de toutes entraves ?

Par son acte, le président s’est affranchi de ceux qui lui contestaient le bien-fondé de sa légitimité, s’opposant par la même au parcours “démocratique“ qu’il a déjà mis en route. La Consultation nationale qui s’est achevée le 20 mars en était la séquence d’amorçage. Et on ne peut pas dire qu’elle ait été largement plébiscitée. C’était peut-être la carte que voulait exploiter les forces qui instrumentalisaient le Parlement et qui expliquaient leur baroud d’honneur.

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Avec la dissolution, Kaïs Saïed n’a fait qu’écarter une partie des opposants à son projet, à savoir l’islam politique, en priorité. L’autre opposant, plus coriace et plus écouté de l’opinion, à savoir le PDL, reste toujours debout. Et il régente le débat national prenant le bon peuple à témoin.

Et il rappelle que le président, par deux fois, a pioché dans l’arsenal juridique d’une Constitution, par lui, reléguée. Le 25 juillet, il a eu recours à l’article 80 agitant le spectre du “péril imminent“. Le 30 mars, il s’est servi de l’article 72 qui l’autorise à prendre ses responsabilités dont acte.

La résolution votée par les 116 députés initiait un choc de légitimité. Par conséquent, le péril devenait terrifiant étant donné qu’il menace l’unité nationale, et à la fois le maintien du président.

Saïed pourra-t-il s’affranchir des prescriptions de la Constitution pour le reste du parcours politique ?

Le choix cornélien

Kaïs Saïed est face à un choix capital. Ou il choisit de sauver le pays, ou il s’obstine, contre vents et marées, à aller jusqu’au bout de son projet.

Jusque-là, le président doit son salut aux prescriptions de la Constitution. Or, celle-ci stipule, une fois le Parlement dissout, d’aller vers des élections législatives anticipées. En bonne logique, le président devrait s’y conformer s’il veut échapper à toutes les polémiques que ne se priveraient pas de soulever les partenaires de la Tunisie ainsi que la société civile. Ce serait un bouclier salutaire pour ce qui reste à achever de la transition. Cela nous rapprocherait d’une forme de stabilité, car le parcours à achever est transparent et il a la faveur de toutes les parties prenantes.

N’oublions pas que les agences de notation nous ont pénalisés, essentiellement pour défaut de visibilité. La recherche de stabilité est donc notre boussole démocratique. Le président le verrait-il d’un bon œil ? Mystère !

Cependant, s’il observe une discipline constitutionnelle et renonce à son projet, il favorisera l’arrivée aux affaires du PDL, en toute vraisemblance. Ce serait une voie de garage pour lui.

S’il persistait et s’attache à son projet, il mettrait en péril sa présidence, car il ouvrirait la voie à des formes de contestation qui ne garantiront pas le retour de la stabilité. Ce qui serait calamiteux pour l’avenir du pays.