Le comité de notation de l’agence Fitch Rating a décidé, le 18 mars 2022, la dégradation de la notation souveraine de la Tunisie de B- avec perspectives négatives à CCC, s’alignant ainsi sur la notation de Moody’s…

Selon l’économiste et président du Cercle des financiers tunisiens, Abelkader Boudriga, il s’agit d’un alignement sur le dernier rating de Moody’s, opéré en octobre 2021 (Caa1 Négative Chez Moody’s c’est l’équivalent de CCC Chez Fitch), c’est-à-dire que le risque est déjà intégré par le marché, depuis des mois, et que cette confirmation n’aura probablement, pas de grand impact additionnel.

“Je ne pense pas qu’il y aura un impact additionnel en termes de coût de financement à l’étranger. Il y aura peut-être un certain impact sur le rendement des obligations tunisiennes libellées en euros au début de la semaine, mais un impact provisoire avant de revenir au niveau enregistré depuis plusieurs mois”.

Toutefois, ls évaluations de Fitch intègrent également l’impact de la crise russo-ukrainienne et je pense qu’une augmentation est attendue en termes de prime de risque à l’échelle globale, qui ne sera pas spécifique à la Tunisie. Et comme la Tunisie, est déjà à niveaux très élevés en termes de coût de financement et en l’absence d’un accord avec le FMI, je pense qu’une sortie sur les marchés financiers est déjà surréaliste dans ces conditions. Et même en cas d’accord avec le FMI, je dirais qu’il ne sera pas opportun de sortir sur les marchés à des taux très élevés (au-delà de 12%) “.

Il estime qu’il ne faut pas s’attendre à un effet additionnel de cette dégradation sur les banques tunisiennes, dont la note a déjà été dégradée par Moody’s, car cette dégradation a déjà été intégrée par le marché depuis octobre dernier. ” A part l’impact global de la crise ukrainienne sur les relations bancaires et les coûts des transactions à l’échelle globale, je ne pense pas qu’il y aura un impact additionnel lié à la confirmation de Fitch sur les banques tunisiennes “.

” Il ne faut pas s’attendre non plus à de répercussions additionnelles sur l’investissement direct étranger, car l’information est déjà intégrée par le marché depuis la dégradation de Moody’s ”

” On aurait espéré parvenir à un accord avec le FMI et une amélioration du contexte international pour que Fitch ne s’aligne pas sur la décision de Moody’s, ce qui aurait été, relativement, une bonne nouvelle pour la Tunisie. Maintenant que Fitch a confirmé la notation de Moody’s, je dirais que c’était attendu et qu’il n’y a rien de surprenant dans cette décision “, a-t-il dit à l’Agence TAP.

” Ce n’est pas que l’information est neutre mais c’est que tout a déjà été intégré par le marché depuis des mois que ce soit le risque spécifique relatif à l’absence d’un accord avec le FMI, l’incertitude politique, le risque d’instabilité sociale, le manque de confiance sur le marché d’investissement, les relations tendues entre les partenaires sociaux… “.

Toujours selon ce spécialiste de la finance ” ce qui maintient encore un peu la situation c’est le niveau des réserves en devises. Espérons que toutes ces évolutions n’affectent pas nos réserves en devises et que la saison touristique soit suffisamment, bonne pour préserver un certain niveau de ces réserves, car une détérioration de ces réserves serait catastrophique pour le pays. Mais en tout état de cause, si rien n’est fait pour sauver le pays et si on continue de le gérer de la même manière, je pense qu’on se dirigerait inévitablement, dans les deux prochaines années, vers un scénario très grave que je qualifierai de scénario tunisien ni libanais ni autre “.

Il conclut en disant : ” il est temps qu’une conscience se forme sur la gravité de la situation et qu’une nouvelle classe politique dirigeante prenne la relève car ces querelles vaines et l’excès de populisme ne peuvent conduire qu’à la catastrophe et à la destruction de la valeur. Depuis 2011, on n’a fait que détruire la valeur. En 10 ans, on est passé d’un triple B à un triple C. Le pays est à deux classes d’un défaut de paiement et son salut ne dépend ni du FMI ni de la Banque mondiale. Le salut du pays est entre les mains de ses élites, ses talents et ses cadres, dont l’action doit être libérée et valorisée “.