Les débats qui ont lieu, ces derniers jours, dans les médias, sur le limogeage de la jeune PDG de Tunisair, Olfa Hamdi, quelques semaines seulement après sa nomination, ont permis, certes, de pointer du doigt le manque de sérieux du gouvernement dans la désignation des PDG des entreprises publiques, mais également de dénoncer le rôle nocif qu’aurait joué l’UGTT dans le pourrissement de la situation de ces entreprises.

Abou SARRA

En effet, si la centrale syndicale a réussi, dans son bras de fer avec Olfa Hamdi, à faire pression sur le gouvernement pour limoger cette dernière, elle a laissé, dans ce combat, à son tour des plumes et essuyé même d’importants revers qui vont ternir, à coup sûr, son image auprès de l’opinion publique.

L’UGTT a été particulièrement épinglée pour avoir imposé, de fait, la filiation et la flemmardise (baisse de productivité) dans les entreprises publiques. Trois témoignages d’anciens ministres et d’experts méritent qu’on s’y attarde.

Les préoccupations de l’UGTT dans les entreprises publiques

Interpellé par la chaîne privée Attessaa sur le rôle de l’UGTT dans la gouvernance des entreprises publiques, l’ancien ministre des Finances, Hassine Dimassi -qui était, pour la petite histoire, un ancien syndicaliste-, a qualifié ces entreprises de « structures féodales aux mains des syndiqués de l’UGTT dont la préoccupation consiste à réclamer constamment des avantages et des augmentations salariales, à y recruter en priorité leurs enfants et à demander des fonds de l’Etat en cas de déficit ».

Mention spéciale pour la filiation. Le témoignage de Dimassi rejoint le constat fait par le porte-parole Itilaf Al Karama (Coalition de la dignité), ennemie jurée de la centrale syndicale, Seif Eddine Mkhlouf. Ce dernier avait défié, en public, « quiconque lui trouverait un enfant d’un syndicaliste en chômage ».

Entendre par-là que tous les enfants de syndicalistes postulants à un emploi sont automatiquement recrutés dans les entreprises et établissements publics où travaillent ou travaillaient des membres de leur  famille. Des conventions sont mêmes conclues, à cette fin, entre les dirigeants des entreprises publiques et l’UGTT.

Cette pratique est particulièrement visible à Tunisair, au Groupe chimique tunisien (GCT), à la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), à la STEG, dans les sociétés de transport…

Concernant la baisse de productivité, lors d’un entretien avec un magazine de la place, Afif Chelbi, ancien ministre de l’Industrie, a donné l’exemple de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG). « Depuis 2011, dit-il, la production, qui était de 8 millions de tonnes, est passée à 3 millions de tonnes aujourd’hui. Cela signifie que la productivité est divisée par 10.  Avant 2011, un ouvrier produisait 600 tonnes par an, aujourd’hui et en dépit du sureffectif (25 000 contre 9 000 en 2011), il ne produit que 60 tonnes par an ».

Sans commentaire. 

L’UGTT ne communique pas sur son approche de la restructuration

D’autres observateurs de l’évolution des entreprises publiques, dont l’expert-comptable Walid Ben Salah, considèrent que la centrale syndicale donne l’impression qu’elle ne veut pas de la réforme des entreprises publiques.

Pour preuve, l’UGTT s’est contentée, jusqu’à ce jour, de plaider vaguement pour la restructuration des entreprises publiques, sans jamais présenter des alternatives crédibles. D’ailleurs, elle ne communique pas du tout sur l’approche ou la feuille de route qu’elle entend suivre pour les transformer. Elle ne serait pas transparente sur ce dossier.

La centrale syndicale, qui reçoit annuellement une subvention de l’Etat de plus de 8 millions de dinars, se doit d’être transparente sur le dossier de la filiation qui constitue, en soi, un scandale.

Elle est également appelée à contribuer à l’amélioration de la productivité dans les entreprises publiques, et ce au regard de la disponibilité d’effectifs pléthoriques pour le recrutement desquels elle est en partie responsable. Il y a va de sa pérennité. Il y va de sa crédibilité en tant que contrepouvoir.