« Pour réussir dans le monde, retenez bien ces trois maximes : voir, c’est savoir ; vouloir, c’est pouvoir ; oser, c’est avoir ».

Il n’y a pas mieux que cette citation d’Alfred de Musset pour démarrer une nouvelle rubrique consacrée aux Startups dans notre pays. Une rubrique dédiée à cette “Tunisie qui gagne“, aux hommes et femmes qui réussissent, souvent discrètement avec humilité, ignorés parfois par tous. Celles et ceux oubliés des médias, qui investissent et s’investissent avec courage et abnégation dans des projets, des fois hasardeux, qui relèvent le défi mais ne semblent pas être assez «sexy» pour séduire un audimat larmoyant obnubilé par les clichés et les mièvreries.

Pour parler de ces Tunisiens déterminés qui agissent comme s’il était inadmissible d’échouer, Habib Karaouli, PDG de Cap Bank.

WMC : Pourquoi est-il si important dans le contexte actuel de parler de ceux qui réussissent plutôt que de ceux qui échouent ?

Habib Karaouli : Lorsque nous vivons dans des situations difficiles, de détresse, de désespoir ou d’obscurcissement des perspectives d’avenir, il y a des moments dans l’histoire où il faut se dire que ce n’est pas général parce qu’il y a aussi du succès, de la lumière et de l’espoir de l’autre côté. Il faut raconter les succès et parler de ceux qui réussissent, qui travaillent et qui atteignent leur but en dépit de tout.

Ces gens-là ne comptent sur personne et n’attendent rien de personne. Ils accomplissent leurs parcours de combattants, parce qu’ils ont foi en l’avenir et savent que même si la situation aujourd’hui n’est pas idéale, l’avenir sera meilleur.

Ces gens-là savent qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes et agissent comme si leur avenir ne dépendait que d’eux, ignorant entraves et obstacles.

Lorsque nous vivons dans des situations difficiles, de détresse, de désespoir ou d’obscurcissement des perspectives d’avenir, il y a des moments dans l’histoire où il faut se dire que ce n’est pas général parce qu’il y a aussi du succès, de la lumière et de l’espoir de l’autre côté

Je suis de ceux qui pensent que, même dans cette Tunisie qui n’est malheureusement pas médiatisée, beaucoup d’histoires positives existent et méritent d’être racontées. Des histoires de gens qui ont cru en leurs capacités de changer la donne et qui ont relevé le challenge en prenant des initiatives malgré toutes les complications du monde.

Ces gens-là résistent et réussissent, et j’estime qu’il est de bon temps de mettre l’histoire de leurs parcours et de leurs succès en exergue et de les montrer aux autres.

Il faut que ces autres changent de paradigme et comprennent que réussir est possible. Si rien n’a été fait pour les autres et le succès a été quand même au rendez-vous, eux aussi peuvent le faire.

même dans cette Tunisie qui n’est malheureusement pas médiatisée, beaucoup d’histoires positives existent et méritent d’être racontées

Nous avons besoin d’histoires de succès dans tous les domaines, dans le domaine bien entendu économique et social, d’autant plus qu’il y a aujourd’hui énormément de choses qui aident à les réaliser, et aussi dans le culturel. Nombreuses sont les initiatives qui font plaisir à voir dans la culture et qui nous renvoient à notre humanité, dans ce qu’elle a de plus beau et de plus haut.

Vous pensez que les jeunes peuvent réussir sans aide de l’Etat ?

Je ne pense pas, je les vois. Il y a des jeunes qui ont déjà fait leur deuil de toute intervention de l’Etat, qui comptent sur leur propre force et qui ont créé des petites niches par leurs propres moyens en se limitant à un petit public pour assurer leur survie et se développer plus tard. Nous les voyons dans le tourisme, la culture et dans le domaine sportif.

L’environnement n’encourage pas la réussite, n’encourage pas l’action, pourtant, et c’est paradoxal, nous trouvons des gens qui ont la foi

Beaucoup de talents cherchent à s’exprimer, mais malheureusement ont du mal à trouver des sponsors ou du parrainage qui les conduit vers la performance, notamment internationale. L’environnement n’encourage pas la réussite, n’encourage pas l’action, pourtant, et c’est paradoxal, nous trouvons des gens qui ont la foi. Ils sont confiants pas seulement parce qu’ils attendent des résultats matériels faramineux mais parce que ce sont des rêveurs qui veulent se réaliser par eux-mêmes.

Ils veulent relever des challenges et inventent de meilleurs lendemains. Résultat : ils ne réussissent pas seulement pour eux mais aussi pour les autres parce qu’ils leur donnent la possibilité de faire de même, brisent les tabous, bradent les obstacles et, au réveil le matin, se regardent dans le miroir et se disent : «nous l’avons fait et nous avons réussi».

Que faites-vous à Cap Bank pour aider les ambitieux à réaliser leurs rêves ?

A travers Cap Bank, nous avons pensé qu’en temps de crises, il faut prendre des initiatives. Notre créneau à nous est l’innovation, car s’il y a un domaine où nous avons des avantages compétitifs dans notre pays, c’est bien celui-là. Donc, tout ce qui relève de l’industrie 4.0, de intelligence artificielle, de la robotique, des systèmes complexes et de l’agroalimentaire, car nous avons des atouts dans ces domaines. Nous procédons à des focus sectoriels et des recherches pour trouver des promoteurs qui portent ces projets-là. Nous les accompagnons du début à la fin, et c’est ce qui nous différencie des autres.

Nous croyons que si nous-mêmes ne le faisons pas, personne ne le fera. Le système bancaire classique conventionnel ne peut pas le faire parce que ce n’est pas dans sa vocation. Les fonds d’investissement conventionnels traditionnels ne le font pas parce qu’il y a trop de risques. Pour nous, même si le risque est élevé, le résultat peut être extraordinaire, et c’est ce qui nous encourage dans cette orientation.

Quels sont les projets qui vous ont séduits ?

Il y en a plusieurs où nous avons été un peu pionniers, comme la robotique, notamment la robotique de sécurité. Nous accompagnons un projet très important pour nous, que nous avons financé à hauteur de 4,5 millions de dinars (MDT), et c’est le plus gros ticket pour une start up en Tunisie.

Nous partons d’une analyse à la fois macroéconomique et microéconomique sur la question de la sécurité qui va être une problématique tout au long du 21ème siècle, avec un changement de modèle et une introduction de la robotisation. Je suis convaincu que, dans les 5 années à venir, la start up sera une icône africaine.

il n’y a pas d’âge pour entreprendre, il n’y a pas d’origine géographique pour entreprendre et il y a pas de genre pour entreprendre !

Nous misons aussi sur tout ce qui relève de l’intelligence artificielle, parce que c’est un domaine dans lequel nous avons des avantages compétitifs.

L’internet des objets (Internet Of Thing) aura un grand avenir dans un domaine qui en a fortement besoin, à savoir l’agriculture. Gérer l’agriculture de manière intelligente et de manière moderne permet de comprimer les coûts et les charges.

Nous nous intéressons également au génie chimique et composite. Nous avons accompagné un projet qui est une success story. Il a été entrepris par un senior qui a vécu 28 ans à l’étranger. Rentré au bercail, il a voulu lancer son propre projet et nous l’avons accompagné.  Nous sommes fiers de démontrer que l’on peut entreprendre à tout âge et qu’un «startuppeur» n’est pas forcément un jeune de moins de 30 ans.  De notre point de vue, il n’y a pas d’âge pour entreprendre, il n’y a pas d’origine géographique pour entreprendre et il y a pas de genre pour entreprendre !

Un bon entrepreneur, c’est quelqu’un qui a une idée, qui a quelques moyens et qui estime qu’il y a un marché pour son produit. S’il n’a pas lui-même les moyens, il peut trouver des gens pour l’accompagner dans sa démarche.  En Tunisie, nous misons sur ce qu’il y a de meilleur et en dépit de toutes les difficultés, ça marche et ça marche parce que nous avons une stratégie.

Quelle est votre stratégie ?

C’est une stratégie que nous sommes seuls à appliquer, le crédo de Capbank, est : «A Handzone for a value creation». A partir du moment où nous pensons à une participation dans un projet, il devient le nôtre. C’est pour cela que nous réussissons plus que les autres, parce que nous sommes interventionnistes, parce que nous connaissons les circuits administratifs et nous sommes corps et âme avec le promoteur.

Nous ne sommes pas juste les membres d’un conseil d’administration auquel nous assistons  4 fois par an.  Nous sommes dans l’accompagnement, dans le soutien, dans le lobbying quand c’est nécessaire, pour justement démontrer que nous croyons dans le projet et que le projet est devenu le nôtre. Dans tout projet, la volonté de réussir détermine le degré de réussite.

Entretien conduit par Amel Belhadj Ali

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