Dans le grand hall de la Cité de la Culture, quelques visiteurs, amateurs de l’art de la photographie ont été les premiers, ce samedi 5 décembre, à explorer les œuvres en grand format de photojournalistes professionnels internationaux accrochés sur les cimaises de cet espace.

La reprise des activités ouvertes au grand public à la Cité, intervient après une interruption qui a duré près de neuf mois, même s’il y a eu, entre-temps, un retour assez bref depuis le début de la crise sanitaire de la Covid-19 en mars dernier. Quoique timide, la présence du public à cette exposition signe un retour progressif à la normale avec le respect des mesures sanitaires liées à la Covid-19.

Toute la créativité narrative et la maîtrise des techniques de la photo sont réunies dans des clichés cultes immortalisant des moments furtifs de l’histoire moderne des contestations à travers le monde, sur une période de 63 ans, étalée de 1957 à 2019.

Au total, une sélection de 21 photos avec des légendes explicatives trônent au milieu de la Cité dans une exposition intitulée “People Power: témoins de mouvements de contestation depuis 1957” qui sera visible jusqu’au 26 décembre 2020. L’inauguration officielle de l’exposition aura lieu, le lundi 7 décembre dans l’après-midi.

Les photographies représentent une sélection primée par le prestigieux concours de photographie “World Press Photo” qui est initié par la World Press Fondation, une plateforme néerlandaise mondiale dédiée au journalisme visuel. Ce travail rend hommage à la liberté de la presse et à la créativité de photographes dont l’œuvre restera à jamais gravée dans les esprits.

Des visages figés, des corps en feu, des manifestants en colère, des forces de l’ordre et pleins de moments inédits dans des récits qui réécrivent l’histoire de peuples et de pays gagnés par les protestations et toute l’actualité brûlante de chaque époque citée. Les affrontements entre manifestants et police antiémeutes sont reproduits dans des images saisissantes comme celle d’un Moine bouddhiste vietnamien qui s’immole par le feu (juin 1963), du photographe Malcolm W. Browne. Une image qui se répète des décennies plus tard, avec une photo prise par Ronald Schemidt, au Venezuela. Le corps du jeune José Victor Salazar Balza, 28 ans, en feu lors d’émeutes à Caracas en mai 2017.

La photo, en noir et blanc, prise par Douglas Martin en septembre 1957 revient sur un épisode douloureux de la ségrégation aux Etats-Unis d’Amérique qui est d’ailleurs toujours d’actualité. Elle montre Dorothy Counts, une jeune afro-américaine devenue assez célèbre, le jour de sa rentrée au Harding University High School. Des manifestations avaient eu lieu contre son admission à cet établissement qui était jusque là ouvert uniquement aux blancs.

Une chronologie des événements marquants montre des images comme celles des bidonvilles de Cape Town, dans une Afrique du Sud sous le régime de l’Apartheid, prise par Leslie Hammond (août 1977) ou de jeunes palestiniens contre la fermeture israélienne des frontières avec Gaza par Larry Tawell (mars 1993). Un grand rassemblement de plus de 300 000 Serbes qui assistaient à la chute du président Slobodan Milozovic est immortalisé par l’objectif du photographe Noel Patrick Quidu (octobre 2000).

Les plus récentes sont celles où l’on voit des manifestants dans des villes comme le Caire par Alex Majoli (février 2010), Paris par Corentin Fohlen (Janvier 2015), Alger par Romain Laurendeau (mars 2019), HongKong par Nicolas Asfouri (septembre 2019) ou Santiago par Fabio Bucciarelli (décembre 2019).

Dans un monde qui est plus que jamais confronté à la corruption, l’injustice et l’oppression, les manifestations sont devenues le terrain de guerre où tout mène vers le changement et parfois la chute des régimes corrompus qui sont en place. Le photojournalisme a toujours été présent pour raconter le monde, de Hong Kong, au Venezuela, jusqu’au Liban, la Syrie et la Tunisie où s’est déclenchée la première vague des manifestations le 17 décembre 2010 et la révolution de la dignité dont les objectifs peinent à se réaliser.

Cette exposition d’envergure internationale est organisée par la World Press Fondation en partenariat avec l’Unesco et le Royaume des Pays-Bas. Actuellement, elle fait le tour des plus grandes villes dans le monde entier et doit continuer son périple en 2021 dans d’autres villes.

La version tunisienne se tient grâce à la coopération du Théâtre de l’Opéra à la Cité de la Culture et l’appui de l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas en Tunisie qui organise le concours de la photo gagnante, dédié aux photographes tunisien. A l’issue de ce concours dont le résultat sera dévoilé le 17 décembre, l’exposition inclura la photo gagnante qui témoigne de cette quête pour la liberté, la démocratie, la justice et la dignité souvent adoptée par les divers thèmes en matière de photojournalisme.

Cette exposition est organisée en parallèle avec la tenue en ligne, à partir des Pays-Bas, de la Conférence mondiale sur la liberté de la presse (WPFC 2020) qui est co-organisée par l’UNESCO et le Royaume des Pays-Bas, les 9 et 10 décembre 2020.

Les violences subies par les photojournalistes dans l’exercice de leur métier sont assez courantes notamment sur les scènes publiques et les grands rassemblements lors des manifestations. Cette réalité mondiale est de plus en plus préoccupante dans le secteur et attire l’attention des experts des instances spécialisées dans la défense des droits des photoreporters et les journalistes en général.

Le photojournalisme n’a cessé d’être un moyen de documenter le quotidien et tous les événements marquants dans le monde. Les clichés de manifestations qui ne cessent de s’amplifier ces dernières années, sont à l’affiche. Des images inédites marquent la force des peuples à mener vers des changements radicaux ayant façonné la carte politique mondiale.

Depuis l’avènement de la photo en 1839 et le passage de l’argentique au numérique, les reporters indépendants et ceux des agences de presse sont devenus les grands témoins de leur époque à travers cet art visuel-narratif qu’est la photographie. Cependant, leur engagement professionnel est souvent au risque de leur intégrité physique et parfois leur vie.

Toute la sagesse de Mahatma Gandhi résume ce besoin d’agir pour défendre les droits des journalistes dans une citation inscrite sur l’affiche de l’exposition; “On ne peut jamais prévoir les résultats d’une action, mais si vous ne faites rien il n’y aura pas de résultat”.