L’allocution d’un CDG, dans un lieu emblématique représentant l’autorité de l’Etat comme la salle de conférences de la caserne de la Garde nationale, renvoie en principe à de grandes annonces, des mesures fortes, décisives, rigoureuses et fermes. Sauf dans la Tunisie de la « Révolution » (sic).

Hichem Mechichi, chef du gouvernement, qui s’est exprimé dans la soirée de lundi 9 novembre 2020 à la caserne de la Garde nationale de l’Aouina, nous surprend encore une fois par une communication amorphe que la Tunisie n’a plus d’Etat.

A quoi cela sert de discourir pour ne rien dire ? Parler de l’accord d’El Kamour, alors que c’est la pire des humiliations subies par l’Etat tunisien, sans présenter des arguments convaincants sur les raisons de sa capitulation devant des bandits de grands chemins reniés par la population de Tataouine elle-même, a enfoncé le clou du cercueil d’un pays qui n’attend qu’à être enseveli dans le caveau creusé par des partis scélérats et des gouvernements compromis.

La phrase, désormais populiste, de « continuité de l’Etat » n’a servi qu’à justifier l’état de déliquescence de cet Etat.

Appeler la population à respecter les mesures déjà prises pour lutter contre la pandémie. A quoi bon ? Il aurait fallu appliquer ces mesures par force de loi et épargner au premier chef de l’exécutif de jouer au rôle de « mauvais flic » et qui plus est ne fait plus peur à personne. Et qui plus est, à se promener dans les rues et les places de Tunis, on ne voit pas beaucoup de personnes qui s’y sont soumises. L’Etat et ses mesures ne sont plus respectés. Ne sont plus craints mais plutôt raillés.

Et pour cause. Une des mesures préconisées est d’une telle absurdité que l’on s’imaginerait dans une scène du célèbre film « Vol au-dessus d’un nid de coucou » !

Donc se déplacer dans sa propre voiture entre les régions serait interdit mais permis dans les transports en commun, louages et taxis compris. Cela éviterait aux passagers la contamination ? Kafkaïen !

Pourquoi vous êtes-vous exprimé publiquement Monsieur le CDG et quel est le virtuose de la communication politique qui vous l’a conseillé ?

Aucune mesure pour la sécurité des Tunisiens

Nous nous attendions à un autre discours. Alors que le peuple vit dans l’insécurité la plus totale dans un pays où une jeune femme a failli se faire violer dans le métro au vu et au su des passagers. Sur le chemin de l’hôpital où un jeune homme qui transportait sa mère en urgence se fait lyncher par la police (voir vidéo) ! Dans des cités où des jeunes désœuvrés, victimes des discours de violences tenus depuis 10 ans par des politiciens à deux sous et sans éthique ou valeurs, s’adonnent à des guerres de gangs et se livrent à des batailles usant de cocktails Molotov comme armes d’assaut.

En Tunisie, premier pays de la région à avoir créé un ministère de l’Environnement où une société « importe » des déchets italiens pour empoisonner notre terre au vu et su de l’Agence de la protection de l’environnement.

Nous aurions voulu vous entendre à ce propos, mais… Aucune mesure contre la grande délinquance et pour la sécurité économique et physique des Tunisiens.

Pire, certaines régions se prépareraient à suivre le fameux exemple d’El Kamour, faisant désormais loi. Elles aussi, comme l’a crié haut et fort Ghannouchi, ont le droit de profiter de leurs ressources. Nous sommes dans une logique toute « ghanouchienne », celle de « que vos proches soient les premiers à profiter de votre générosité » et celle d’aldjizîa -cet impôt de capitation qu’un Etat en faillite est prêt à offrir pour que ses ressources ne soient pas attaquées par des vauriens à la solde et endoctrinés.

Et ce sont les travailleurs, les vrais, ceux qui se saignent pour arracher un salaire de misère chaque mois qui payent pour la lâcheté de l’Etat, alors que d’autres sont payés à ne rien faire et sont rémunérés pour siroter le thé.

Nous ne savons pas si notre CDG est au courant ou pas, en tout cas l’environnement ne s’est pas amélioré et les arbres n’ont pas été plantés.  Avis aux recrues agents du jardinage et de l’environnement !

Est-ce comme cela qu’on développe les régions ? Ne serait-ce pas plutôt par des établissements d’enseignement de qualité ? Par des infrastructures respectables ? Par des centres culturels, des maisons de jeunes et des hôpitaux ? Ne serait-ce pas par l’instauration d’une nouvelle culture, celle de la valeur travail et du mérite ?

Qu’offrez-vous à ces jeunes pour qu’ils assurent leur avenir ? Des prêts ?

« À l’époque de Ben Ali, des prêts du Fonds national de solidarité ont été distribués aux jeunes qui les obtenaient rien qu’en remplissant un formulaire. 90% de leurs projets n’ont pas abouti et les prêts n’ont pas été remboursés », rappelle Sami Jallouli, politologue et juriste. La libre initiative est une culture, un engagement, un sens de la responsabilité et une volonté de se battre !

Dans leur incapacité de changer la réalité de ces jeunes, les gouvernements successifs n’ont fait que les infantiliser en les déresponsabilisant et les victimisant.

Un discours dénué de sens

Mais qu’à cela ne tienne, le chef du gouvernement technocrate (sic) se prépare de nouveau à envoyer vers d’autres régions des délégations de «pacifistes » soucieux de se repositionner sur l’échiquier politique et tous prêts à céder encore et encore des parcelles de l’Etat aux autres «Cantons» de la Tunisie.

Au discours vicieux de Rached Ghannouchi, destructeur né de l’Etat-nation et se détestant assez pour n’aimer personne, a succédé celui d’un CDG mou et dénué de sens.

Ghannouchi, qui est parti au début des années 90 de l’Algérie en lui laissant pour héritage une guerre civile, est aujourd’hui en train de cultiver les graines de la division et du régionalisme semés dans notre pays le jour où il y a foulé la terre.

Résultat des courses : un des sitinneurs d’El Kamour voudrait avoir sa part de l’Accord Mechichi/dissidents. Pas grand-chose : juste une société de catering. Sans oublier les jeunes, lesquels, aux dernières nouvelles, prépareraient un autre «El Kamour».
« Une mollesse qui n’attendrit pas, une énergie qui ne fortifie rien, une concision qui ne dessine aucune espèce de traits, un style dans lequel ne coulent ni sentiments, ni images, ni pensées, ne sont d’aucun mérite », disait Joseph Joubert.

C’est comme s’il parlait de notre gouvernement.

Amel Belhadj Ali