Dans la partie précédente, nous avons décrit l’état des lieux de la politique salariale en Tunisie pour en tirer quelques conclusions et recommandations qui ne peuvent être dispatchées que dans un cadre de dialogue social visant à réformer réellement nos procédures et moderniser nos institutions et outils de travail et de recherche. Le but est de simplifier et d’harmoniser notre législation avec les tenues de référence des droits universels.

Les impacts du processus historique en matière de politique salariale sont essentiellement l’absence d’une planification pragmatique qui pouvait assurer une équité entre les générations et les catégories professionnelles sur la base des diplômes, des compétences et de la valeur ajoutée selon les critères de productivité appropriés à chaque secteur d’activité.

Il est recommandé à ce propos d’initier un dialogue social selon les objectifs de consensus et une deadline. La mise à jour de nos référentiels permettrait l’intégration des nouveaux métiers et des profils de pointe pour une motivation croissante et l’adaptation de nos statuts aux niveaux de l’enseignement et de la formation.

La plateforme indiquée serait définie par des stratégies de différentes disciplines (juristes, économistes, démographes, sociologues…) et validée par les partenaires sociaux dans un programme de partenariat avec l’OIT (Organisation internationale du Tunisie) et l’appui des bailleurs de fonds (GIZ, DTDA …)

Une fois les orientations définies, il serait utile de procéder à un rapprochement et à une étude comparative des différents systèmes heurtés par la gestion précédente basée sur les rapports de force et le sectarisme (l’esprit sectaire).

Selon les indicateurs consentis et après dégagement des écarts majeurs, les spécialistes procèderont à un ajustement sans toucher aux avantages légalement requis.

Les expériences comparées ont montré qu’il est recommandé d’établir un schéma de modèle des grilles de salaires suivant l’amplitude de la carrière, les secteurs d’activité et les profits professionnels, et ce en rapport avec les lois régissant la sécurité sociale et l’ouverture de droit à la pension.

Un écart inconcevable entre les salaires et les pensions moyennes dans le secteur privé

La situation actuelle est caractérisée par l’écart inconcevable entre les salaires et les pensions moyennes du secteur privé par rapport aux avantages acquis au secteur public, notamment au niveau des entreprises publiques.

En effet, nous ne disposons plus d’un système de rémunération fiable et souple mais d’une multitude de bases frappées par l’incohérence et les disparités qui ne cessent de s’aggraver et de s’accentuer.

La masse salariale dans les entreprises publiques, en pleine crise financière et comptable et l’effet pléthorique des ressources humaines surtout quant à la répartition par filière et profils, est insensée.

Cette situation impacte directement l’équilibre financier de la Caisse de retraite (CNRPS) et provoque le sentiment de frustration chez les agents de la fonction publique et du secteur privé.

Le système de liquidation des pensions en Tunisie ne sont pas équitables et gèrent des inégalités et des assujettis contraires aux principes d’équité.

Entre le principe de l’indexation au SMIG (déjà peu évolutif depuis 20 ans) de la CNSS et le système de péréquation de la CNRPS, les écarts sont inquiétants.

En sus de cette inégalité, le problème de plafonnement des pensions entre les 2 secteurs est un indicateur négatif (80% contre 90%) qui s’ajoute aux titres de disparité dans un environnement national.

Les salariés et les pensionnaires du secteur privé sont lésés par rapport aux employés du secteur public et victimes d’un système d’imposition défaillant.

Les juridictions et les systèmes de contrôle sont la source et l’explication réelles de la non déclaration et des sans déclarations à la sécurité sociale, titres de corruption et d’atteinte aux droits de l’Homme.

Il serait opportun de rapprocher les systèmes de rémunération et surtout les assiettes et les bases de liquidités des pensions entre le secteur public et privé.

La pension n’est que le prolongement des salaires, et n’est que la résultante des systèmes de rémunération.

Les conséquences directes de ces systèmes sont la non maîtrise des éléments de rémunération surtout quant à la nomenclature des primes et indemnités et dépassent de très loin les salaires de base ou les grilles des salaires.

Cette anomalie a été aggravée par les négociations sociales triennales (1991-2010) qui étaient d’ordre politique et dépourvues d’une instance supérieure ou d’un conseil matériel qui aurait pu assurer le rôle de régulateur.

La digitalisation de nos référentiels et la gestion de nos bases de données manipulés par les partis…

La digitalisation de nos référentiels et la gestion de nos bases de données via un contrôle informatique sont nécessaires pour gérer nos ressources selon les normes de la transparence et de la gouvernance via les 2 projets occultés à ces jours, à savoir le projet d’identifiant social et celui des comptes individuels. Depuis 2011, les projets largement financés par les bailleurs de fonds ont été confiés à l’administration publique, sans loi ou comité de pilotage et financement. Les 2 projets sont manipulés politiquement par les partis au pouvoir et risquent d’être défigurés.

Les disparités infondées dans les systèmes de rémunération ne touchaient pas uniquement les salariés, car cette injustice concerne aussi les chefs d’entreprises nationales/publiques (les PDG) qui perdent toutes leurs motivations à cause des barèmes de classification de ces entreprises qui déterminent le salaire dérisoire de la majorité d’entre eux.

Ce barème est basé sur le nombre d’employés, et le chiffre d’affaires augure de situations bizarroïdes et saugrenues.

En effet et à cause des textes piégés, faute de pressions, il se trouve qu’un représentant d’un Conseil d’administration (PDG) n’est pas le mieux payé dans une entreprise. Le système de rémunération et les promotions internes sans limites ont engendré de telles situations.

Dans un souci de mise à niveau des entreprises nationale et de motivation des corps de métier (chefs d’entreprise ou PDG), il est impératif de réviser le statut selon les échanges et d’assurer un salaire conséquent qui impose le respect et la dignité dans une stratification professionnelle assurant les droits (salaires, avantages sociaux, retraite…).

Des négociations sociales non encadrées et des situations d’ascension professionnelle et salariale insensées

Parallèlement aux systèmes de rémunération, les créneaux des promotions professionnelles dans le secteur public sont devenus hybrides et anachroniques.

Le processus des négociations sociales non encadrées et peu contrôlées a engendré des situations d’ascension professionnelle et salariale du moins insensées.

En sus des grilles des salaires, les tableaux de classification du personnel ont été déverrouillés et aérés et même déplafonnés.

Pour compenser certaines augmentations salariales directes, les protocoles d’accord annexés aux statuts ont accordé des promotions galopantes (promotion au choix, bonification …) sans respect des paliers et des filières, ce qui permet à un ouvrier d’accéder au rang d’administrateur général (doctorat ou diplôme équivalent) ou d’ingénieur (grade technique) exigeant une inscription à l’ordre des ingénieurs.

Cette situation, en corrélation avec les aspects sus indiqués, favorise les rapports de clientélisme, ruine la caisse des retraités et amplifie les masses salariales et provoque un sentiment de frustration chez les jeunes diplômés.

Même l’organigramme général des instances de l’administration publique au niveau de la présidence du gouvernement dénote d’un manquement structurel au niveau des organes d’appui et d’assistance pour les entreprises publiques.

Les différents textes d’organigramme, de statuts du personnel, des conditions de nomination aux emplois fonctionnels, des conventions sociales, des protocoles d’accord relèvent d’une seule unité composée de quelques cadres administratifs débordés par le travail et la pression.

Cette situation a enregistré une lenteur, une instance et un esprit de concurrence entre les directions générales et des syndicats pour faire passer leurs doléances.

Une refonte totale du système serait le rempart au levier pour une rémunération de notre administration et l’instauration d’un système de contrôle fluide et opérationnel fondé sur des schémas directeurs d’informatiques et des manuels de procédures certifiés selon les normes universelles de transparence, de qualité et de bonne gouvernance.

Les réformettes opérées sont caduques et de portée démagogique parce que prises sans association avec les gens du métier et les compétences.

Même le recours aux bureaux d’études dans les cadres des marchés basés sur le principe du moins-disant accentue nos défaillances et provoque une dichotomie entre les cadres administratifs sans prérogatives réelles eux-mêmes frustrés par la multiplicité des instances de contrôle non outillées pour accomplir leurs missions réglementaires ou ordonnées.

Pour remédier à tout ce qui a été précité, l’Administration pourrait recourir aux compétences soit actives ou déjà à la retraite pour assister les décideurs, les chercheurs et les bureaux d’études pour une refonte totale et structurantes de nos systèmes de promotion, de gratification et de mérite.

En résumé, la Tunisie est en train de perdre beaucoup de temps et d’énergie et de creuser davantage les fossés et les écarts de développement avec les autres pays engagés dans les réformes réelles et constructives

Les réformes sur la fiscalité, les entreprises publiques et leur mise à niveau, les régimes de sécurité sociale, de la compensation et des transferts sociaux sont une priorité absolue. Il faut qu’il y ait une volonté politique qui prenne en considération la réforme administrative et la modernisation des systèmes d’information, de l’enseignement et de la santé publique.

Hédi Dahmen, présentation d’Amel Belhadj Ali

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