« La chance naît d’une rencontre entre la préparation et l’opportunité », cette maxime serait la devise du think tank Centre international Hédi Nouira de prospectives et d’études sur le développement.

Pour preuve. Munis d’un rapport intitulé « Programme de redressement économique pour la période 2018-2019 », ses premiers responsables ont constamment été à l’affût de la nomination de chaque nouveau chef du gouvernement pour lui soumettre cette feuille de route.

Concocté par 17 experts dont d’anciens hauts cadres (ministres, PDG, diplomates…) et de nouveaux “experts économiques“ qui ont émergé après le soulèvement du 14 janvier 2011, ce document d’une soixantaine de pages a déjà été présenté au défunt président de la République, Béji Caïd Essebsi, et à l’ancien chef du gouvernement, Youssef Chahed. Disons-le, sans succès.

Par contre, ledit rapport serait sur le point de plaire au nouveau chef du gouvernement, à Hichem Mechichi. C’est ce qui expliquerait la décision de ce dernier de nommer, dans son cabinet, certains co-auteurs de ce rapport.  

Abou SARRA

Concrètement le rapport, une compilation de bonnes propositions faites par diverses parties depuis 2011, propose des mesures de court terme permettant de rétablir la confiance, de redresser et d’assainir la situation financière, et esquisse au passage les grandes lignes du futur modèle de développement sur la base d’un cercle vertueux “démocratie-liberté-croissance-développement et bien-être”.

Dans une première partie nous avons traité du diagnostic fait par le rapport. Dans la seconde, l’accent a été mis sur les mesures à court terme, alors que cette dernière partie s’intéresse aux réformes à entreprendre.

Les 7 réformes à engager

En matière de réformes, le rapport en propose sept, lesquelles concernent la réhabilitation de l’économique dans le débat politique, la sécurité sociale, les entreprises publiques, l’administration publique, la fiscalité, le secteur bancaire et la compensation.

La première réforme a trait à la réhabilitation de la dimension économique. Concrètement, le rapport recommande la création d’une structure de concertation sur les questions d’ordre économique et social à l’instar de l’ancien Conseil économique et social (CES) où siègeront des représentants des partenaires sociaux, de l’administration, de l’université et de la société civile.

Le rapport fait une mention spéciale pour la révision de la mission de la BCT et de son mode de gouvernance. Il suggère de réintroduire la possibilité pour cette institution de soutenir l’économie nationale lorsque l’objectif principal (stabilité des prix) est atteint.

Il propose également de nommer, directement, le gouverneur de la BCT et des membres de son conseil par le président de la République ou par le Parlement, et ce sans intervention du chef du gouvernement. Car, estime le rapport, l’indépendance de la politique monétaire doit s’exprimer d’abord à l’égard du gouvernement.

La deuxième réforme concerne la sécurité sociale. Trois mesures sont recommandées : report de l’âge de la retraire à 62 ans obligatoirement et à 65 ans facultativement, réexamen du système de péréquation des pensions dans le secteur public et adoption du principe de valorisation des pensions selon la hausse des prix, et introduction progressive d’une dose de capitalisation pour les hauts salaires.

La troisième réforme porte sur les entreprises publiques. Le rapport se prononce d’emblée pour la privatisation de certaines d’entre elles et préconise l’établissement d’une liste des entreprises à privatiser (entreprises qui opèrent dans les activités concurrentielles …) et celles qui resteront dans le giron du public (SONEDE, STEG, ONAS…).

Dans le même contexte, il propose la création d’un fonds de restructuration des entreprises publiques où seront déposées des recettes de privatisation qui ne seront utilisées que pour assainir les entreprises qui resteront publiques ou à financer quelques programmes sociaux.

D’autres mesures proposées visent à introduire le mécanisme de l’IPP (mode gouvernance et de performance des entreprises) et progressivement les nouveaux modes de gestion (gestion des entreprises publiques par des privés…). Il s’agit aussi d’accélérer la cession des entreprises qui ont fait l’objet d’expropriation.

La quatrième réforme cible l’administration publique. Trois mesures méritent qu’on s’y arrête. La première propose l’allégement des effectifs à travers le non remplacement des départs à la retraite et des départs anticipés à la retraite, mais aussi le redéploiement des effectifs en transférant les sureffectifs vers les secteurs encore à besoins (contrôle fiscal, douane, administration régionale, nouveaux corps de police créés dans l’environnement, l’équipement…), et ce moyennant un programme de requalification.

Toujours au rayon de l’administration publique, le rapport prône la généralisation de la procédure du budget par objectif et la réforme de l’enseignement à l’Ecole nationale d’administration (ENA).

La cinquième réforme a trait à la fiscalité. Les mesures proposées ont pour objectif de simplifier les textes fiscaux, de moderniser l’administration fiscale et de réorganiser ses services selon la nature des assujettis (grandes entreprises, PME, personnes physiques…).

Il s’agit aussi d’investir dans la digitalisation et les systèmes informatiques, de renforcer “le Système Sadok” de contrôle fiscal en enrichissant sa base de données, de renforcer la TVA à travers sa généralisation et de poursuivre la lutte contre les régimes forfaitaires à travers le recoupement des données pour en limiter le bénéfice à ceux initialement concernés par ce régime.

La sixième réforme concerne le secteur bancaire. Le rapport suggère de réexaminer quelques dispositions de la loi bancaire. Il recommande de relever le capital minimum pour la création d’une banque à 150 millions de dinars (MDT), de réduire le nombre de banques, de céder “immédiatement” les participations minoritaires de l’Etat dans les banques notamment mixtes, de privatiser, à court terme, la Banque de l’Habitat et de créer une holding BNA-STB-BFT et de prévoir la mise en place d’une “Bad-Bank” pour résoudre le problème des actifs accrochés de ces banques, notamment de la BFT (Banque franco-tunisienne).

La septième réforme est consacrée à l’épineux problème de la compensation. Le rapport propose la réinstauration du principe de ciblage par les prix (relèvement progressif des prix des produits compensés et soutien financier aux salaires faibles (SMIG, SMAG, PNAFN et autres…).

Un intérêt mérite d’être porté au ciblage selon les produits en axant sur un nombre limité de produits (éviter la compensation du sucre) et à l’amélioration de l’efficacité de la compensation accordée à l’énergie. L’idée est de débloquer, dorénavant, les subventions au titre de l’agriculture sur la base de la production effectivement réalisée.

Parallèlement à ces réformes, le rapport recommande d’engager des mesures d’accompagnement axées sur le soutien et l’insertion sociale au niveau de l’emploi, de la formation professionnelle et du développement des PME/PMI, des petits métiers et du travail indépendant.

Les pré-requis pour garantir le succès de ce programme

En conclusion, le rapport évoque les mesures d’accompagnement et les conditions d’exécution de ce programme de redressement économique.

Il propose, au plan de la gouvernance, la mise en place d’une équipe gouvernementale réduite (15 membres) ayant une connaissance parfaite des questions macro-économiques et une expérience en matière de conduite des programmes de réformes, un comité de suivi de haut niveau piloté par la présidence de la République et le Parlement.

Enfin, le rapport suggère une “task force” pour faire connaître le programme au plan international et en défendre le contenu et mobiliser la communauté financière internationale en sa faveur.

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