En dépit sa désunion et les scandales qui ont émaillé son parcours, la classe politique née des dernières élections générales (novembre 2020) a paradoxalement à son actif quelques belles réalisations inclusives. 

Il s’agit, principalement, de l’initiative du chef de l’Etat actuel, Kaïs Saïed, de mettre fin à la grève d’investissement observée par les chefs d’entreprise depuis 2011, de l’adoption par le Parlement de la loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS) et d’une décision prise par la présidence du gouvernement portant institution par ordonnance du statut d’autoentrepreneur.

A première vue, bien accompagnées et bien encadrées par les structures d’appui en place, ces initiatives-décisions sont capables, à elles seules, de garantir le succès de cette classe politique, et ce quels que soient les changements qui peuvent survenir (changement de gouvernement, dissolution du Parlement…).

Précisons que ces initiatives s’inscrivent dans le droit fil des valeurs scandées lors du soulèvement du 14 janvier 2011, et des slogans brandis à cette époque, à savoir : emploi, liberté et dignité…

Par Abou SARRA

Dans une première partie, nous avons jeté la lumière sur l’initiative du président de la République. Dans cette seconde partie, nous allons traiter de la portée de l’institution par ordonnance du régime de l’autoentrepreneur en Tunisie (10 juin 2020).

Ce régime définit l’autoentrepreneur comme toute personne physique résidente en Tunisie exerçant seule une activité industrielle, commerciale, artisanale, ou de prestation de services, dont le chiffre d’affaires encaissé n’excède pas les 100 000 dinars par an pour les activités industrielles, commerciales et artisanales, et 50 000 dinars par an pour les prestations de services.

La création de ce régime constitue une belle accélération de l’histoire dans la mesure où ce projet moisit depuis des mois et à dessein, semble-t-il, dans les tiroirs de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).

Il s’agit d’un cadre législatif inclusif dédié, selon ses initiateurs, à 1,4 million de travailleurs informels dont 40% travaillent pour leur compte propre. Il constitue, d’après eux, une réelle alternative pour le secteur informel.

Les objectifs

A la faveur de ce nouveau statut, la communauté des travailleurs informels au sein de laquelle circulent 4 milliards de dinars de cash non imposables, selon le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane Abassi, et qui vit au quotidien stress et angoisse par l’effet de l’insécurité de l’emploi, pourrait trouver la sérénité en intégrant dans la légalité la plus totale le circuit formel et contribuer à l’accroissement des recettes fiscales de l’Etat.

Les objectifs recherchés sont multiples. Ils visent à lutter contre un chômage endémique, à combattre une économie informelle en fraude du fisc et à pallier l’insuffisance frappante au niveau de la création d’entreprises.

Concrètement, grâce à ce projet de loi, tout Tunisien peut devenir autoentrepreneur. Il peut l’être à titre principal -comme le cas des étudiants ou les chômeurs qui créent une activité-, ou à titre complémentaire pour les salariés, les fonctionnaires … Le cumul du statut d’autoentrepreneur avec celui de salarié pourrait être un des grands avantages de ce nouveau régime.

Point d’orgue de ce régime, il autorise les retraités à s’installer en tant qu’autoentrepreneurs et à créer leur propre entreprise. Ainsi, sur un total de 1,2 million de retraités que compte le pays, des milliers d’entre eux pourraient lancer leur propre projet et se faire aider par une seule personne, ce qui se traduirait par la création de centaines de milliers d’emplois.

Par ailleurs, une liste détaillée des activités éligibles au régime de l’autoentrepreneur sera définie par décret.

Au plan macro-économique, la réussite de ce régime permettra de démocratiser les activités entrepreneuriales et de réduire considérablement le taux de chômage grâce à l’auto-emploi, appuiera la lutte contre la concurrence déloyale générée par l’informel et fournira d’importantes recettes fiscales pour l’Etat.

A travers ce projet de loi, ces auteurs s’attendent à intégrer 10 à 15% des activités informelles dans le secteur formel.

Il s’agit d’un régime simplifié et libéral visant à encourager les entrepreneurs individuels à lancer leurs affaires en toute légalité en simplifiant les procédures fiscales et sociales et en réduisant les démarches administratives.

Comment sera géré le régime d’autoentrepreneur ?

Ce régime devrait être administré à travers un portail en ligne qui sera lancé et dont le fonctionnement sera précisé par décret. Ce portail intégrera également un registre national de l’auto-entrepreneur.

Au nombre des avantages et obligations figurent la tenue d’un registre coté et paraphé des recettes et dépenses, l’autoentrepreneur bénéficie d’un régime fiscal et social spécial, par le paiement d’une contribution unique :

– 0,5% du chiffre d’affaires au titre des impôts sur les revenus,

– 7,5% contribution au régime de sécurité sociale calculée sur la base des 2/3 du salaire minimum agricole ou celui de l’activité exercée. Ces contributions doivent être déclarées et payées trimestriellement en ligne.

S’inspirer des expertises étrangères…

Dans l’objectif d’assurer à ce nouveau régime l’efficience requise, la Tunisie peut s’inspirer d’expertises étrangères dont celle de la société suédoise Red Flash, entreprise spécialisée dans la digitalisation et la collecte de micro-taxes.

La solution proposée par Red Flash consiste en une solution informatique comprenant l’identification de l’opérateur, la numérisation du fichier et la production d’une carte digitale à code unique grâce auquel le système enregistre les données.

Cette application a pour mérite d’apporter plus de transparence et de lisibilité dans les activités des acteurs. C’est grâce à ces cartes que le fisc arrive à définir quel type de taxe prélever et quel type d’activité le commerçant exerce.

Suivra troisième partie.

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