«Etre obligé de se déplacer à l’ARP pour proposer des lois, en débattre ou subir les séances “inquisitoires“ des députés est devenu un calvaire pour nous autres hauts fonctionnaires de l’Etat. Ne confondez pas, il ne s’agit pas de l’exercice en lui-même qui illustre une pratique hautement démocratique, mais du climat délétère et de la haine que nous sentons entre les différents blocs parlementaires et qui n’œuvre pas en faveur de politiques constructives pour notre pays». Ce témoignage émane d’un haut responsable de l’Etat.

Il n’est pas le seul à le penser, nombreux sont ceux qui arpentent les couloirs de l’ARP et sentent au plus profond de leurs cœurs cette ambiance malsaine nourrie par des ondes négatives émanant de personnages qui ont fait des discours de rejet de l’autre, des insultes et du mépris leur pain quotidien.

Le régime d’Assemblée ou celui de partis sied finalement mal à notre pays. Car au lieu de concentrer toute leur énergie à discuter les lois dans leurs détails les plus infimes et à proposer d’autres avec l’objectif de faciliter la tâche du gouvernement et la vie des contribuables, les élus considèrent l’ARP comme une arène où ils se crachent leur haine et règlent leurs comptes à leurs détriments.

Le Parlement, hémicycle où sont adoptées toutes les lois, où peut être mise en cause la responsabilité du gouvernement et où s’exprime la voix du peuple, est devenu un véritable nid à crabes si ce n’est quelques honnêtes élus. Les lois sont faites à la carte et au gré des tendances, des sympathies des uns et des autres et non pour l’intérêt qu’elles présentent pour le pays.

«Vous savez, comment on vote les lois ici ? Je le découvre, nous raconte un député fraîchement élu, le premier objectif de certains élus est de s’attaquer à ce qu’ils considèrent comme secteurs porteurs. Dans l’économie, exportateurs ou les industries du textile, de l’agroalimentaire ou énergie sont mis au pilori. Un groupe de députés estime que leurs chiffres d’affaires s’élèvent à des centaines de millions de dinars et, par conséquent, plaide pour des lois drastiques, lesquelles, dans l’apparence, œuvrent pour renforcer les ressources de l’Etat, mais dans la réalité cassent des acteurs économiques de grande importance. Ces élus ne savent pas que c’est le tissu économique national qu’ils massacrent avec les postes d’emplois. Ils ignorent que dans un chiffre d’affaires figurent toutes les dépenses et que l’opérateur ne va pas mettre tout le montant dans ses poches. Le trafic qui a lieu ici est inimaginable et les lobbys qu’on y trouve servent plus l’intérêt des partis et des personnes que du pays. La Tunisie est le dernier souci d’un grand nombre de députés».

Ces députés savent-ils que la Tunisie traverse une phase de désinvestissement sans précédent et que tout faire pour s’attaquer systématiquement et injustement aux créateurs de richesses va finir par les pousser au mieux au départ et au pire à la fraude ?

Savent-ils que leur rôle est d’encourager le tissu économique national en élaborant ou en approuvant les lois adéquates pour son épanouissement et sa croissance ?

Pensent-ils que l’ARP est une vache à lait de laquelle ils doivent profiter tout au long de la durée de leur mandat pour devenir des nantis et ressembler justement aux “riches“ qu’ils abhorrent ?
Personne ne s’est jamais acharné sur les députés comme on s’acharne sur les fonctionnaires de l’Etat qui comparaissent régulièrement devant MM les juges pour le moindre soupçon, à cause d’une délation ou d’un dossier monté –le plus souvent- de toutes pièces.

Résultat : personne ne veut plus prendre de décision dans l’administration publique. Les députés au service de campagnes électoralistes populistes ou d’agendas personnels et partisans l’ont détruite.

Et pourtant, nous voyons à l’œil nu des députés qui entrent dans une voiture série 100 mais qui, au bout d’une année, conduisent des voitures luxueuses que tout le montant de leurs salaires sur les 5 ans ne peut payer.

Les noms des députés corrompus défilent régulièrement dans les médias, l’INLUCC dénonce, mais nous n’avons entendu parler d’aucune condamnation, personne ne parle de biens mal acquis, s’agissant d’eux.

Dans notre pays, pour être corrompus, il faut devenir élu, quant aux autres, ceux qui peinent dans des petits bureaux miteux, ils vivent dans la peur qu’on leur colle un jour un crime qu’ils n’ont pas commis ! Quelle différence avec l’ancien régime dans ce cas, si ce n’est que la corruption a été multipliée par 1 000 et que la compétence a été divisée par 1 000 ! Sacrée démocratie !

La Tunisie souffre aujourd’hui d’un régime parlementaire marqué par l’importance secondaire accordée au président de la République -quoique celui en place aujourd’hui prouve de jour en jour son incompétence- et la suprématie des députés qui s’adonnent à des pratiques hideuses dans les coulisses du pouvoir.

Les députés patriotes et engagés sont marginalisés dans les jeux de massacre de l’Assemblée et n’arrivent pas à réguler les tensions existantes entre les différentes composantes politiques.

Des tensions nourries non pas par des considérations objectives touchant aux intérêts de la Tunisie mais plutôt pour des raisons idéologiques et une haine que près d’une décennie n’a pas pu et su vaincre.

Si les choses ne changent pas, l’ARP deviendra l’abattoir de tous les rêves, les espoirs et les ambitions de notre peuple et de sa jeunesse.

Amel Belhadj Ali