Ils ont décrété l’inclusion financière comme un impératif de refondation du modèle économique. La recherche de synergie entre deux pans de l’économie, qui vivaient cloisonnés, pourrait générer un supplément de croissance et d’intégration sociale.

L’inclusion financière, c’est l’agglomération de toutes les forces vives d’une économie. La dichotomie entre un secteur performant -et en ligne avec le marché mondial- et un secteur underground -en panne de financement et qui évolue au p’tit bonheur la chance- fait du tort à tous. Les bailleurs de fonds internationaux appuient cette motivation des systèmes bancaires maghrébins, désireux de monter en première ligne afin d’activer l’inclusion financière dans les cinq pays de la région.

L’inclusion financière, c’est la première brique de la politique de lutte contre les injustices et les inégalités, alors les bailleurs de fonds internationaux font chorus et alignent les financements.

Marion Hoenicke (BEI) : Parier sur la maturité technologique

La BEI (Banque européenne d’investissement) accorde des lignes de financement à l’adresse des banques et des sociétés de microcrédit pour activer l’inclusion financière dans les pays du Maghreb. L’inclusion financière est d’abord un booster pour la croissance. Et un bouclier pour la cohésion du tissu social. L’inclusion consiste à ramener les laissés pour compte, et qui se débrouillent par leurs seuls moyens vers des circuits de financement.

Au premier front on trouvera les sociétés de microcrédit. Leur business model est dédié à cette catégorie de clients. Tant mieux si les banques s’y mettent. A deux, la banque et la microfinance peuvent concurrencer les FinTech, qui raflent le plus gros de la mise.

Cependant, pour proposer des solutions globales d’inclusion financière, il faudra la conjugaison de plusieurs facteurs, dont notamment la volonté politique de faire bouger les lignes et une maturité technologique pour faire pièce aux FinTech.

Les systèmes bancaires maghrébins sont à la hauteur du challenge.

Gilles Chausse (AFD) : Etablir une voie définitive pour l’accès au financement

La vision des banques pour l’inclusion financière est à nuancer. Il y a d’abord à établir une voie sûre et irréversible d’accès au financement. Outre cela, il faut proposer des produits financiers adaptés et diversifiés. Sur certains segments, les banques n’ont aucun produit et les sociétés de microfinance sont plus actives.

D’ailleurs, les banques ne pourront assurer qu’une partie du business. Leur apport sera important en matière de logistique technologique parce qu’elles sont appelées à affronter les FinTech, et en la matière, les DSI des banques sont familiers des technologies avancées.

L’AFD est engagée dans la microfinance au Maghreb. En Tunisie, deux sociétés de microfinance ont bénéficié des concours de l’AFD. Et, de par le monde, l’AFD est engagée dans un vaste programme de financement de l’inclusion aux Philippines avec une enveloppe conséquente de 100 millions d’euros.

Les pays maghrébins pourraient bénéficier des retombées pratiques de cette expérience lancée à vaste échelle.

Sven Neunsinger (KFW) : Trouver des populations cibles

L’expérience de la microfinance enseigne qu’il faut de gros moyens technologiques pour satisfaire des opérateurs éparpillés et pour lesquels on dispose de peu de données. Prêter de l’argent aux non clients du secteur bancaire nécessite donc la mise sur pied d’une base de données bien fournie. Et les non clients du système bancaire ne sont pas une population homogène. Par conséquent, leurs besoins de financement ne sont pas identiques. Il leur faut des lignes ciblées. Et pour réussir l’opération, il faut observer une gouvernance appropriée.

La KFW a varié ses expériences avec les start up, les TPE, les travailleurs indépendants et les réseaux de financement à réseau flexible.

En Tunisie, KFW projette de travailler sur la question de manière intensive avec la Banque des régions.

Oscar Maddedu (BM) : Aller vers un “psycho-scoring“

Octroyer des crédits aux non clients du système bancaire, sans garantie, est une opération envisageable. Elle a été initiée de-ci, de-là, en Chine, au Danemark, en Suède et depuis peu en France. Les premiers résultats sont probants.

Cependant, pour sécuriser le dénouement des crédits, il faut au préalable structurer des bases de données qui renseignent sur le comportement des clients. Ces données collectées peuvent être réalisées via des “Credit Bureaux“ spécialisés dans le scoring psychométrique. Et cela peut se faire à partir des comportements téléphoniques des clients. Une fois que le système se sera doté d’une telle centrale des risques, l’activité peut monter en charge.

Azdine El Montassir Bellah (HPS) : L’avance prise par le Mobile Payment

L’inclusion financière a bien réussi dans certains pays africains. Cela tient à la faiblesse du taux de bancarisation. Les banques étant restées en retrait, les opérateurs télécoms en ont profité et ont aidé la population à aller vers le mobile payment.

Il faut comprendre que le boom pris par le mobile payment dans certains pays d’Afrique venait de la pression de l’écosystème. Dans certains pays, le cash est dominant, car telle est la volonté des opérateurs économiques locaux. On cite que les retraits de GAB, peuvent atteindre 93% des utilisations dans certains pays. Les transactions en cash, dans un pays comme le Maroc, représentent deux fois le PIB marocain. En revanche, elles ne sont que de 2% en Suède. Par conséquent, le mobile payment est venu libérer les consommateurs de la contrainte du règlement par cash et cela a aidé à l’inclusion.

Thibault Verbiest (DIGINEX) : A l’ère des actifs numériques

Il faut comprendre que les FinTech ont pris une avance considérable sur le système bancaire classique, c’est ce qui justifie la résolution des banques à s’engager sur la voie de l’inclusion financière.

Les sociétés de paiement ont démarré à l’origine avec la monnaie cryptée, soit la Bit Coin. Récemment un cap significatif a été franchi avec la cryptofinance. En Angleterre, les Tekon (en français, jeton), soit des actifs financiers numériques, ont déjà cours. Et des plateformes de conservation et d’échange des Tekon sont sur pied.

La “tekonisation“ prend la forme d’une titrisation. On peut, via l’émission des Tekon, rendre liquide un actif immobilisé tel qu’un bien immobilier en totalité ou de manière partielle.

Alors, il faut savoir que si les banques doivent apporter une riposte technologique, il leur faut satisfaire à de nombreuses contraintes. Les opérations de transactions bancaires doivent baisser de manière significative.

Il convient de mettre sur pied également un système de paiement mobile de place. Car pour être dans la capillarité des circuits des petits opérateurs individuels, et offrir des plateformes de transactions sûres, fiables et avec traçabilité, il faut garantir l’interopérabilité entre les établissements bancaires et postaux sur chaque place.

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