Les sociétés de paiement se servent des solutions technologiques de FinTech pour créer de la cryptomonnaie. De ce fait, elles créent un système monétaire “informel“. Et elles attirent tous les “laissés pour compte“ du système bancaire organisé. Comment, dès lors, le système bancaire peut-il élaborer sa riposte et reprendre à son compte la dynamique de l’inclusion financière ? La cohésion des économies nationales est à ce prix.

L’Union des banques maghrébines (UBM) a tenu son forum bancaire à Tunis, ce vendredi 20 courant, dont l’objectif est de réfléchir sur la parade que doit échafauder le système bancaire face au raid, sans merci, des FinTech. Faut-il rappeler que ces dernières ont pris en charge le financement des “populations” restées en marge du système bancaire.

Le thème choisi est ainsi formulé : “Digitalisation et inclusion financière au Maghreb“.

Inclusion financière : Le système bancaire à la rescousse                                   

En soi, le thème proposé apparaît comme un cri d’alarme. Dans les cinq pays du Maghreb, la faible bancarisation a eu pour effet de marginaliser une large frange d’opérateurs économiques. Le système a discriminé les démunis, les travailleurs indépendants, les femmes, mais également les jeunes entrepreneurs.

Pour résumer, on dira qu’il a tourné le dos aux personnes dont le profil de risque est élevé ou dont le potentiel de rentabilité est faible. Et cela fait beaucoup de monde. En effet, ont dit que près de 40% de la population est restée à la marge du secteur bancaire, c’est-à-dire n’a pas de compte bancaire. Là-dessus survient la déferlante FinTech, et les sociétés de paiement ont fait florès. Et cela a durement challengé les banques, reconnaîtra, en substance, Mohamed Vall El Alem, le secrétaire général de l’UBM.

La pression des sociétés de paiement est telle, que le système bancaire se trouve doublé dans sa mission essentielle, qui consiste à créer de la monnaie.

De ce fait, les banques regardent les FinTech au mieux comme des envahisseurs, au pis comme des agresseurs. Il y a en effet Casus Belli. Sans compter que la population en question dispose d’un volant d’épargne et consomme du crédit. Il y a une intrusion, pour le moins malveillante, laisse entendre le SG de l’UBM, sans le dire mais en le laissant sous-entendre.

Et le système bancaire est tout à fait dans son rôle quand il projette d’organiser une contre-attaque. C’est légitime, d’un point de vue éthique et au plan professionnel, opportun.

Alors les banques, au Maghreb, s’interrogent sur la manière de récupérer cette “population“ non bancarisée et happée par les sociétés de paiement. Elles souhaitent en faire un segment de clientèle et se concertent entre elles quant à la manière de mener cette action de redéploiement professionnel.

Mohamed Vall dira que l’appropriation de la technologie est nécessaire car elle constitue un puissant levier d’intégration financière des pays du Maghreb. Dans certains cas, les banques sont allées jusqu’à racheter des sociétés de FinTech pour les intégrer à leur réseau.

Maintenant la question fondamentale est de savoir qui devra orchestrer cette stratégie de conquête commerciale des banques de la région.

Inclusion financière et cohésion économique

On croit savoir qu’une feuille de route semble se dessiner au plan maghrébin pour aller vers l’inclusion financière. Il n’y aura pas une stratégie commune mais une démarche concertée. Les places bancaires des cinq pays offrent une certaine similitude et, par conséquent, l’approche pourrait se faire en concertation tout en restant autonome, dans chaque pays.

Elles voudraient toutes prendre la vague ensemble, et Mohamed Vall disait en substance que le sursaut professionnel des banques appelle la participation des pouvoirs publics. Autrement dit, un cadre réglementaire pour cette nouvelle clientèle est nécessaire.

Habitués à prêter aux riches, les banques ont le réflexe de se couvrir par des garanties réelles en couverture de leurs crédits. Et les clients traditionnels qui ont de la “surface“ s’y soumettent. Mais quelle garantie réelle peut fournir un startupper ou un travailleur indépendant ?

Donc, l’allègement des règles prudentielles en la matière devient une nécessité. Pareil pour la régulation. Il faudrait que la concurrence puisse jouer en toutes circonstances et cela fera en sorte que cette nouvelle population puisse consommer de produits bancaires dont l’assurance et le crédit à des conditions avantageuses. Par conséquent, on voit bien, que l’affaire prend une dimension d’intérêt national, dira Mohamed Vall.

L’avantage de la dimension maghrébine, en la matière, est de créer un stimuli de groupe pour lancer l’opération en allant vers une manière de faire conjointe. Cela éviterait aux cinq pays de partir dans une aventure esseulée. C’est une bonne mesure de prudence et en même temps d’économie de temps qui leur éviterait d’avoir à éparpiller leurs efforts dans des tâtonnements hasardeux.

L’inclusion financière, un vaste horizon

Dans l’euphorie créée par cette réflexion lancée à une vaste échelle maghrébine avec confrontation des expériences nationales, il faut rappeler que l’inclusion financière ne doit pas être comprise comme un butin exclusif aux banques.

En effet, l’inclusion financière ne se soldera pas, de manière systématique, par une inclusion bancaire. Le microcrédit a pris sa place dans l’écosystème et il se positionne comme interlocuteur de premier front. Et même dans cette perspective où le système bancaire ne récoltera pas toute la clientèle, il devra trouver les moyens pour composer avec les intervenants de la chaîne dans son ensemble.

Il ne s’agit pas, on l’aura bien compris, d’éradiquer les FinTech, ne pas abandonner tout le champ au microcrédit. Les banques doivent garder la haute main sur le système et donc reconstruire un ascendant sur la création de monnaie autant que sur la collecte de la petite épargne ainsi que sur la distribution du “Small crédit“ pour un business resté à l’échelle individuelle ou pour les startuppers à leur premier stade.

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