Au regard de la mosaïque des partis aux idéologies antagonistes représentés à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), et compte tenu de la quasi-impossibilité de dégager des consensus pour le vote de lois déterminantes pour le pays, de nouveaux risques de blocages politiques et de défiance vis-à-vis du futur gouvernement se pointent à l’horizon.

Ces risques, pour peu qu’ils se réalisent, pourraient aggraver la crise multiforme que connaît le pays, depuis une sinistre décennie, compromettre la stabilité du pays et exposer les Tunisiens à de nouvelles difficultés (cherté de la vie, diminution du pouvoir d’achat, rétrécissement des libertés…).

Désormais, tout semble indiquer que les Tunisiens sont appelés, encore une fois, à prendre leur mal en patience et à endurer une nouvelle épreuve.

Au nombre de ces risques figure en bonne place un risque économique, en l’occurrence les dérives budgétaires que la Tunisie s’est habituée à connaître, depuis le soulèvement du 14 janvier 2011. Ces dérives sont perceptibles à travers les fausses estimations budgétaires des gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays.

Eviter le maquillage des budgets

Ces estimations approximatives ont poussé l’Etat tunisien à adopter, presque chaque année, deux lois de finances : une première loi adoptée démocratiquement à l’issue des marathons budgétaires, et une seconde, dite “loi de finances complémentaire“, adoptée devant le fait accompli lors de la même année.

A l’origine de ces projections délibérément, à peu prés, l’absence d’harmonie et de confiance entre le Parlement et les gouvernements précédents. Ces derniers présentaient à l’ARP des projets du budget maquillés et inadaptés à la réalité du pays et s’ingéniaient ensuite à transgresser les estimations avalisées en provoquant de nouvelles dépenses, et leur corollaire, l’adoption d’une nouvelle loi de finances complémentaire.

A titre indicatif, pour l’exercice 2019, l’expert-comptable Walid Ben Salah, a indiqué, à l’Agence TAP, que «les dépenses de l’Etat ont augmenté de 2,260 milliards de dinars dans la loi de finances 2019 par rapport à la loi de finances initiale, passant de 40,861 milliards de dinars à 43,121 milliards de dinars».

Entendre par là que le nouveau parlement aura à adopter, avant le 31 décembre 2019, le projet de loi de finances pour 2020 et le projet de loi complémentaire pour 2019.

Plaidoyer pour des consensus

Le deuxième risque de blocage réside dans l’éventualité de la récidive des inimitiés qui ont eu lieu entre parlementaires et ministres, au temps du gouvernement Youssef Chahed.

Tout le monde se rappelle comment les ministres faisaient feux de tout bois pour contourner et éviter les auditions parlementaires. Certains d’entre eux prétextaient soit être malades ou en voyage, soit envoyer leurs seconds que de s’exposer en personnes aux critiques virulentes des députés.

Tout le monde se rappelle les clashs qui ont lieu entre la députée Samia Abbou (parti Attayar) et le ministre de l’Education, Hatem Ben Salem. Le ministre de l’Agriculture, Samir Taieb, en sait également quelque chose.

Cette défiance, qui a toutes les chances de perdurer au cours de la nouvelle législature, va poser de sérieuses difficultés aux futurs ministres.

Pour ne pas plomber le pays et gripper ses rouages, il serait intéressant que les députés s’entendent sur un ensemble de principes et de règles minimales à même d’éviter le blocage de certaines lois fondamentales nécessaires pour le progrès du pays.

Parmi ces lois, figurent particulièrement les lois sur la Cour constitutionnelle et les instances indépendantes constitutionnelles.

L’idéal serait, aussi, d’élaborer au niveau des partis d’un socle de valeurs communes qui les engagent et protègent le pays contre toute dérive.